© Claire Bouleau, Painted Truck
Barclays 91, rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris France
Time Machines évoque le temps qui passe, le rêve américain, la nostalgie. Ultimes vestiges d’un monde à jamais disparu, ces véhicules sont émouvants et porteurs d’histoires. Chacun s’approprie l’image et part dans une réflexion qui lui est propre. L’approche est intime, un peu secrète mais tellement révélatrice.
Une démarche devenue une évidence : L’idée de Time Machines est née en 2010. Alors que Claire Bouleau rassemble des photographies pour un livre, elle est frappée par un constat : partout où elle a voyagé dans le monde, elle a pris des clichés de vieux véhicules abandonnés. S’ils attirent son oeil de photographe, c’est qu’ils lui racontent des histoires. Cette française établie aux Etats-Unis décide alors d’aller plus loin, de traverser le pays à la découverte de ces vieilles voitures et de leurs secrets. Deux rencontres capitales vont présider à la naissance de « Time Machines » : Walter et Don, deux personnages hors du temps.
Une certaine vision du rêve américain : Ces véhicules du milieu du siècle dernier ont connu leurs heures de gloire. Grâce à l’automobile, l’Amérique découvre les voyages transcontinentaux, les distances abolies. Ces vaisseaux aujourd’hui échoués nous dépeignent les rêves oubliés, l’après-guerre : la naissance des paysages urbains bâtis autour des banlieues, les enfants de l’industrie automobile. L’Amérique est insouciante, optimiste. Ses espaces défilent en cinémascope dans les voitures. C’est histoire de ce désir de conquête de territoires à portée de main qui nous est offerte. Ces photos présentent le témoignage poignant de cette Odyssée. Ces êtres d’acier aujourd’hui soumis à la vitalité de la nature, gisent à l’intersection de l’histoire de ce continent. Dans cette bataille éperdue, le constat est implacable : la nature reprend toujours le dessus. Le temps, aussi.
En bon passionné, Walter connaît tout de leur naissance, de leur histoire, de leur singularité et de leurs entrailles. Entre lui et eux, c’est une véritable histoire d’amour. Infatigablement, malgré son âge, aujourd’hui encore, Walter continue d’acquérir quelques raretés.
© Claire Bouleau, Thundertree
Par une température polaire, Claire découvre ces voitures ou plutôt part à la conquête du temps. La collection est en plein air, au milieu d’un bois, immobile depuis des décennies, rongée par la rouille et gagnée par la végétation. La photographe entame alors une approche plus évocatrice d’émotions que documentaire. Comme on ouvrirait une boîte de Pandore, elle force des portes figées par les
années et la végétation ; tout ce que les hommes ont ressenti, traversé, embrassé, sué, partagé, s’échappe alors. Ces attelages d’acier ont parcouru des déserts, des villes, célébré des fêtes, chargé des tonnes de matériel, transporté des enfants, vu naître et se dissiper des amours sous le ciel américain.
Chaque véhicule est un univers. Chacun raconte sa vie : combien de petites mains et de petits visages se sont posés sur les vitres de ce bus scolaire en 1950 ? Combien de joies, de chagrins, d’au
revoir ont transporté ces voitures ? Ici, la clé est encore sur le contact, les passagers se sont comme absentés il y a fort longtemps. Il plane un parfum de nostalgie. On pourrait presque entendre la musique s’échapper de la radio et ressentir ce sentiment de liberté qui flottait alors. Même sans chauffeur, la présence de ces vies parcourant des miles sous le soleil d’une Amérique promise à la prospérité se fait encore bien sentir.
© Claire Bouleau, Herbtruck
Don et ses incroyables camions : Ce voyage dans le temps serait incomplet sans les camions qui, eux aussi, ont participé à ce rêve de grandeur de l’Amérique. Ils parcouraient les premières « Interstates » transportant matériaux ou denrées et gagnant du terrain sur les transports ferroviaires. Ces semi-remorques gigantesques, à la fois maison, bureau et source de revenus, Claire les a trouvés chez Don, dans l’Arizona. Ce personnage de l’Ouest américain vit au pied d’une mine d’or
désaffectée où trônent ses camions. Plantée dans le désert, cette collection composée d’une trentaine de véhicules est unique. Une autre histoire d’amour entre un vieil homme et des monstres d’acier aux noms évocateurs : Ford, Dodge, Chevrolet... Les portes s’ouvrent sur des habitacles sophistiqués. L’empreinte individuelle y est plus prégnante, la fatigue des sièges plus prononcée. Ce sont des containers de vie. Des regards collés au pare-brise des heures ou des jours durant. Un pare-brise souvent éclaté aujourd’hui.
© Claire Bouleau, Smashed Window