La tyrannie est le plus grave fléau de l’Humanité. Beaucoup plus grave que les maladies ou les catastrophes naturelles. Parce qu’elle provient de nous et c’est sur nous-mêmes que l’exerçons, preuve insupportable mais indéniable que l’homme est un loup pour l’homme. Et nous le faisons avec une étonnante –peut-être complaisante- application. Parce que la volonté de domination a provoqué des millions de morts. Et non seulement des morts. L’humiliation, l’indignité, la corruption font également partie de son injuste lot.
La tyrannie adopte souvent le plus cruel des visages. Mais, subtile, elle peut aussi présenter un aspect affable, même séduisant. En fait, l’avatar postmoderne de la tyrannie, se vaut plutôt de la persuasion et revêt la tenue, impeccable mais dévastatrice, de la correction. Mais peu importent ses manières. Terrifiante ou cordiale, elle est toujours bestiale. Parce qu’elle recouvre
les plus méchantes pulsions de l’animalité. Au fond elle n’est que la manifestation, à peine civilisée, de la lutte pour la territorialité, la hiérarchie dans le clan, l’exclusivité sexuelle...
C’est la raison pour laquelle nous la représentons ici au moyen de personnages à la tête d’animal. À peine domestiqués, les maîtres du monde sont toujours là, aussi impitoyables que toujours, plus ambitieux que jamais. Les instances autoritaires, les organisations dogmatiques, les corporations expansionnistes non seulement continuent indemnes mais sont devenues plus fortes et, tour de force admirable, plus incontestées. Grâce aux subtilités des pouvoirs médiatiques, la domination se fait supportable et l’aliénation inconsciente. Vieilles ou anciennes, impudiques ou camouflées, les tyrannies maintiennent leur empire. Si la lutte ne continue pas, ce n’est pas parce que le conflit est résolu. C’est parce qu’elles ont vaincu.
La photographie dénonce quotidiennement et journalistiquement les injustices. Notre série se situe dans le même combat mais dans un autre front. Condensés, affublés ou fabulisés, à peine métaphorisés, les tyrans apparaissent ici démasqués, fonction essentielle d’une photographie qui se veut plus révélatrice que monstrative. La série que nous vous présentons n’est donc pas un montage, représentation fantastique ou fantasque du pouvoir. C’est la pure et rude réalité, le véritable visage de la tyrannie.