© Martin Parr - Magnum Photos
Institut des Cultures d’Islam 19/23, rue Léon, 75018 Paris France
Fruit de la résidence inédite de l'artiste globe-trotter à Paris en janvier 2011, l’exposition The Goutte d’Or ! – L’Institut des Cultures d’Islam invite Martin Parr présentée du 5 avril au 2 juillet 2011, retrace avec finesse et humour les déambulations d’un piéton anglais à l’oeil malicieux, à la découverte d’une autre réalité, dans le coeur d’un quartier où l’Islam vit.
Dans cette exposition, Martin Parr nous présente une trentaine de clichés pris à la Goutte d’Or et à Barbès. Son regard unique et décalé nous révèle d’autres dimensions, y compris les plus secrètes, d’un quartier de Paris trop souvent pointé du doigt.
« An English man à la Goutte d’or ». Martin Parr n’est pas un spécialiste de l’Islam, c’est là tout l’intérêt cette résidence. Et c’est précisément ce qui a motivé Véronique Rieffel, directrice de l’Institut des Cultures d’Islam. Inviter Martin Parr, c’est s’autoriser à porter un regard neuf sur un quartier et une population particulièrement stigmatisés. S’il avait déjà eu l’occasion de photographier diverses communautés dans le West Midlands, réaliser un reportage à la Goutte d’Or n’était pas comparable. Car pour l’artiste, « il y a plus de différence entre un anglais et un français qu’entre un français musulman et un français catholique, juif ou sans religion ! ».
De ses déambulations piétonnières à Paris, de Barbès à la Goutte d’Or, Martin Parr nous fait partager ses rencontres et ses découvertes liées à la diversité des pratiques religieuses, à la gastronomie, aux commerçants de ce «quartier-village» et dépeint son immersion dans un quotidien méconnu. La malice de l'artiste dédramatise et son art interpelle, avec tendresse et autodérision.
Les images de Martin Parr donnent à voir un Islam quotidien, familier, presque villageois, celui d'une majorité silencieuse rarement affichée dans les médias. Car la Goutte d’or est aussi un quartier riche de nombreux commerces, parfois nichés dans des endroits inattendus, et héritier d’un patrimoine culturel : du charcutier posant devant sa tirelire-cochon aux pratiques ferventes de la foi, d’une collection de théières bariolées délicieusement kitch à l’art de la « sape » (la mode du dandysme tropical), le mode de vie riche et bariolé des habitants du quartier se retrouve sublimé à travers l’objectif de Martin Parr, qui révèle sa beauté en restant attentif aux détails.
© Martin Parr - Magnum Photos
Des clichés sans complexes. Expérience tout à fait unique dans le parcours de l’artiste, cette résidence fût un véritable challenge. Lui qui a rarement eu l’occasion d’exercer son art en France exprime en effet sa difficulté d’y travailler : « c’est probablement, dit-il, à cause d’une certaine forme de paranoïa, et aussi d’un dispositif législatif de droit à l’image très contraignant, que, n’étant pas sociologue, je ne m’explique pas ».
Martin Parr imprime son regard, légèrement décalé, et introduit de nouvelles possibilités d’interprétation : « La photographie n’est jamais le réel mais un point de vue, un regard sur ce qui est là. Tout est dans cet interstice, sinon, tout le monde prendrait les mêmes clichés. ». Et même quand, au coeur de la prière du vendredi, il photographie les fidèles dans la rue - dont les images ont abondé dans les médias - il dépasse son sujet. Il franchit la porte de la mosquée du quartier et découvre « de l’intérieur une mosquée dans un pays non musulman », lui qui ne connaissait « les mosquées que comme touriste à Istanbul, où l’on ne peut visiter les lieux de cultes qu’en dehors des heures de prières ».
« J’ai même pu photographier des femmes à l’intérieur de la mosquée en train de prier. Je n’avais jamais vu ce type d’image avant. Ca, c’est un vrai scoop ! ».
Le mot de la rédaction. Si l'exposition de Martin Parr à la Goutte d'Or vaut le détour, c'est au moins autant pour le caractère atypique de l'Institut des Cultures d'Islam que pour les photographies elle-mêmes. Vaste et parfois de bric et de broc, le lieu actuel est un "centre de préfiguration" du futur Institut, qui sera installé dans deux nouveaux lieux en construction dans le quartier, à l'ouverture programmée en 2012 et 2013. Au coeur du débat provoqué par les prières de Musulmans dans les rues du XVIIIème arrondissement du fait de mosquées bondées et autour de la place de l'Islam dans la laïcité nationale, l'activité de l'Institut des Cultures d'Islam témoigne d'un bouillonnement où se mêlent les questions religieuse, sociale et politique. Dans ce contexte, les images de Martin Parr, habitué des environnements hauts en couleur, vient rappeler qu'un regard extérieur et distancié permet d'offrir de nouvelles perspectives. On verra donc le quartier de la Goutte d'Or sous un angle bariolé et festif tout en captant les signes de sa complexité ; le foisonnement des commerces, la dimension cultuelle, les nombreuses générations qui s'y mêlent. Le photographe anglais dresse ainsi un reportage intense et singulier sur un des visages des métropoles contemporaines.