Le Liban est dans tous les sens du terme un pays qui résiste. Il résiste aux autres, il résiste à lui-même. À nous, qui, tenus, par un attachement, singulier, ambigu voulons le donner à voir, il nous résiste. Il ne s’agit pas ici de glisser dans l’écueil sur l’insaisissabilité de l’Orient. L’attention à la complexité, aux paradoxes voire à l’ubiquité ne nous rebute pas, au contraire. Respectivement photojournaliste et anthropologue, ce pays se dérobe à notre entendement, certainement une nouvelle fois parce qu’il semble constamment se dérober sous ses propres pieds. Sur la même période, de 2005 à aujourd’hui, nous avons arpenté fréquemment ce pays, et particulièrement Beyrouth. Nous y sommes allés pour des raisons diverses, mais toujours impliquées, privées et professionnelles. À force nous avons fini par travailler ensemble et partager nos amitiés. Malgré des expériences séparées et hétéroclites, nos regards se sont suivis intimement. Nous ne partageons pas les mêmes formes d’attachement au Liban, mais il habite chacun d’entre nous.
Si l’on ne tient pas, parce qu’étranger mais ami sincère, à la chimère du pays de miel et de lait, ou si l’on ne suit pas, benoîtement, ces étrangers sur la réserve et transis qui en rajoutent chaque semaine sur ce Beyrouth ivre et dansant, l’œil garde alors toujours quelque chose d’un peu sombre et la plume quelque chose d’un peu sec. Ce pays est énervant.
Le pays est abordé en triptyque, trois façons peut-être d’échapper, de contourner son insaisissabilité.