La série « Lost worlds » se décompose en trois volets esthétiquement différents, mais reliés par une unité thématique. Chacun représente en effet une aspiration humaine à s'élever au-dessus de sa condition, à s'en extaire, à la dépasser. Mais que ces tentatives soient mythologiques, civilisationnelles ou poétiques, le spectateur est amené à déceler en elles les germes de leur propre impuissance, et de leur propre échec. Le premier volet cherche ainsi à illustrer une contemplation mythologique de la nature. Les plantes, qui ne sont pas photographiées pour elles-mêmes, semblent nous ramener à un autre temps que le nôtre, à une autre ère, lointaine, édénique. Mais cette nature des temps immémoriaux, des temps primitifs, porte en elle une étrange ambivalence. Elle séduit autant qu'elle porte des menaces sous-jacentes, enfouies dans ses attraits mélancoliques. La nature primitive est en effet éclairée par une lumière crépusculaire qui semble annoncer la fin de son règne à un monde qui ne fait pourtant que naître. Le second volet dessine l'impossible course en avant de nos schémas civilisationnels. Il introduit dans la série des éléments fabriqués par l'homme dont la valeur est évidemment symbolique. Le motif des escaliers représente en effet des éléments-frontières, intermédiaires, qui font référence à toute une iconographie traditionnelle représentant l'orgueil humain tentant de s'élever vers les cieux. La dernière image, qui permet de discerner la croix du Christ dans un objet prosaïque rappelle pour sa part la descente du fils de Dieu parmi les hommes et le sort qui lui fut réservé. Ce volet s'articule donc sur ce double mouvement d'élévation et de descente. L'aspiration orgueilleuse et vaine des hommes d'une part et l'incarnation divine, qui se termine dans la lacération de la chair, d'autre part. Deux mouvements qui se confrontent l'un à l'autre et qui semblent voués à entraîner leur échec réciproque. Après l'approche mythologique et l'approche civilisationnelle, le troisième et dernier volet propose une approche plus poétique. Baignés dans un bleu profond et trouble, les fleurs et les éléments naturels, qui sont pourtant a priori autant de lieux communs poétiques, vont être paradoxalement dépassés pour se charger d'une apparence sombre et inquiétante. A travers ses titres et à travers la dominante chromatique, le photographe élabore ici un tissu de référence au poète symboliste Stéphane Mallarmé dont les poèmes n'ont eu de cesse de chanter son aspiration à atteindre un idéal poétique qui se révélera, éternellement et cruellement inaccessible. L'ambivalence et le paradoxe sont au coeur de ce travail dans lequel l'intime et l'univers s'entremêlent pour ne former plus qu'un et se fondre dans le symbole. La nature, dont le caractère édénique se retourne contre elle-même ; la civilisation, symbolisée par les constructions humaines qui en font la vaniteuse grandeur ; la poésie, ultime et inutile tentative d'échapper à sa condition et d'atteindre un au-delà ; trois images différentes illustrant pourtant la même dynamique de dépassement et qui, toutes, sombrent dans l'échec et l'inanité, à la fois belles et désespérantes.
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