Archives de la ville de Bruxelles 65 rue des tanneurs Bruxelles Belgique
La reconduction photographique consiste à faire une prise de vue conforme à une photographie antérieure, en respectant le plus précisément possible le point de vue d’origine, le cadrage et les autres paramètres, comme la saison, la lumière, la focale... Cette technique spécifiquement photographique est un moyen d’améliorer la perception de lieux supposés familiers ici nos paysages bruxellois - et d’accéder aux phénomènes complexes et parfois discrets qui les modifient sans cesse.
Cette exposition et ce livre juxtaposeront des vues de quartiers, de rues ou de monuments bruxellois prises exactement sous le même angle à près d’un siècle de distance. Suivant l’ampleur des transformations urbaines, l’oeil retient d’abord ce qui n’a pas changé et s’attache dans un deuxième temps à trouver les indices du passage du temps ou, au contraire cherche dans un paysage entièrement renouvelé quelque bouée à laquelle se raccrocher.
Au-delà du caractère plaisant de ce «jeu des 7 erreurs», cette confrontation du passé et du présent délivre une foule d’informations sur l’ampleur des mutations qui ont affecté le grand comme le petit patrimoine bruxellois au cours du siècle. Je suis parti de l’âge d’or de la carte postale (1895-1920) car l’immense développement de la carte postale dés le début du XXe siècle a favorisé la production d’un maillage photographique resserré du territoire.
A nul autre moment de l’histoire de la photographie un état des lieux aussi complet n’a été réalisé sur le territoire bruxellois. De la moindre rue aux grands boule- vards, presque tous les espaces habités ont été photographiés. Ces images simples, souvent d’une grande qualité artistique et documentaire, nous donnent accés à quantité d’informations sur la société d’alors. Beaucoup de ces photographies échappent au pittoresque généralement associé à l’industrie de la carte postale. Elles témoignent plutôt d’une relation positive à l’espace urbain de leur temps et aux transformations qui le modifient.
La représentation de ces paysages ordinaires et leur grande diffusion sous forme de cartes postales montrent qu’ils ont été largement assumés par leurs habitants. C’est le signe d’une forte identification de la population à son milieu, d’une intimité avec les lieux. Mais le questionnement ne se limite pas à l’examen des images anciennes ; la confrontation avec les vues actuelles est source de nouvelles interrogations. Qui, aujourd’hui, montrerait à ses proches une image de son quartier, de sa rue ou de son immeuble ? Comment représentons-nous les paysages contemporains et plus particulièrement les paysages urbanisés ? Jusqu’où voulons-nous bien les considérer tels qu’ils sont ? Le travail de reconduction photographique tend à comprendre et non à verser a priori dans la nostalgie d’un monde perdu. Le principe des comparaisons n’est pas qu’un simple jeu des sept erreurs car les indices nous laissent entrevoir des relations plus subtiles.
Le grand public est vivement intéressé par les changements, voire les bouleversements que révèlent les reconductions photographiques.
Elles font découvrir à l’évidence une histoire de la ville qui ne plaide pas toujours en faveur des pratiques contemporaines. En ville et en banlieue les changements sont souvent irréversibles. La vision rétrospective, outre son côté parfois spectaculaire, permet de situer le moment présent dans une vision dynamique de l’évolution et rend possible l’anticipation.