
Vernissage : Mardi 07 septembre à partir de 18h00
Le buto « danse des tenebres », aujourd'hui danse de lumiere. II nait dans les annees 60, sur les ultimes scories d'Hiroshima et Nagasaki, alors que les survivants de ce basculement ont engage une energique construction du monde nouveau japonais, enchasse dans celui des vainqueurs. L'eternel combat de la vie c~ntre la mort. Alors se fait jour chez des createurs japonais une urgente necessitY. d'abord I'exorcisme des tentations passees de fascisme et la reconnexion a la memoire ancestrale, en meme temps qu'un rejet violent de la vitesse et de la performance de la modernite venue de I'Ouest. La voix ancestrale va s'exprimer a nouveau, mais hors des carcans du No et du Kabushi. Et cela passera par Ie corps, dans la liberte et la sensibilite de ce temps, puisees dans la scene artistique occidentale -I'expressionnisme allemand, Ie surrealisme, la litterature maudite de Bataille, Artaud, Genet, Sade redecouvert...-. Anciens eleves de Martha Graham et Mary Wigman, les initiateurs du buto ont renoue avec la tradition ancestrale de la memoire du corps et elabore individuellement !'improvisation corporelle qui relie I'humain au monde de I'au-dela , un grand saut createur qui a pris appui sur la danse contemporaine. Le buto remet I'individu en prise avec les forces fondamentales et Ie spectacle se fait I'intermediaire entre I'ici et cet au-dela, comme dans la tradition shintoiste. Marginalises par Ie public japonais, les artistes du buto ont cherche la reconnaissance a I'Ouest. C est a Paris qu'ils I'ont trouvee. L'(1~ilde l'au-del~L A Paris, depuis bien lo~temps, Dominique DIEULOT, dans ses travaux professionnels sur la mode est entree de pi in pied dans cette transcendance. rig.. (IAFormee a l'Ecole Nationale des Arts Decoratifs elle a, durant de longues annees, patiemment et individuellement tisse en trames superposees et fondues, les techniques, les matieres, les couleurs, les lumieres et les ombres du monde et de la vie, dans Ie b?t ultime de donner a voir I'emotion pure Habituellement, elle derobe sur les podiums parisiens de la mode I'opulence vivace des reliefs textiles, la chute fusionnelle des dos feminins et de leurs etoffes, I'aerien de soies aquatiques habitees, la chaleur tendre et poudree de laines enveloppantes, I'esprit echappe de madones voilees et bien d'autres visions de grace. Et puis par hasard, dans les rues de Paris, Ie but6 s'est impose a elle. Longuement, intensement, durant deux ans, elle I'a photographie. Hasard, disons-nous ? Qui peut aujourd'hui Ie croire ? En effet, trente ans auparavant, son pere, Marcel DIEULOT, peintre et decorateur repute, a ete parmi les artistes fran~ais qui re~urent a Paris Ie but6 comme une esthetique et une expression inedites. II fit d'une artiste japonaise de but6 Ie modele de tableaux reveles a sa mort. Dominique DIEULOT , liberee du joug de la technique photographique, toute a sa creation, I'emotion intacte, ouverte a I'inconnu et meme abandonnee aux chocs de la beaute et de la violence de ce but6 de rue du XXleme siecle, a pu se faire Ie receptacle naturel de I'experience et recevoir I'echo des emotions esthetiques paternelles. lci, aujourd/hui, dans une longue contemplation fusionnelle de ces mouvements ralentis, Dominique DIEULOT nous dit la possible liberation de I'esprit. Son objectif bascule dans Ie mouvement du corps, se crispe sur la violence exorcisee, avec I'artiste absorbe la lumiere irradiante, puis habite Ie vide et la paix gagnee. Maitre de la lumiere et du sensible - blanc cosmique du kimono, affleurements de nacre sur la peau, sfumato mineral des ombres et des recoins, noirceur abyssale de la chevelure, langueur et tension des extremites -, eile nous offre la somptuosite de I'abandon du corps. Et puis, avec cette contemplation extatique, elle nous fait entrer dans I'image et livre la cle d'une voie possible vers la reconnection a un monde oublie. lci et aujourd'hui, oui, la photographie est un art. Catherine Bore