Orangerie Sainte Croix de Caderle Château de la Borie 30460 Sainte Croix de Caderle France
Série “Illusion II“ (Galerie d’Anatomie Comparée - Paris - 2008) Les os sont assemblés, étayés et arrangés en manière d’animaux privés de chair, de nerfs et de sang. Les vertèbres sont exactement ajustées. A l’extrémité des échines, les cous tendus dressent les rostres, portent haut la lyre des cornes et les bois déployés. Les squelettes exposent leur transparence dans une altière parade silencieuse. On pense à l’odeur de poussière et de formol des salles d’un musée d’histoire naturelle visité les dimanches de pluie de l’enfance. On revoit le cortège immobile de créatures évidées et raclées jusqu’à l’os, offrant en trois dimensions l’étrange radiographie de corps qui avaient un jour couru sous le soleil. Mais on pressent que les photographies d’Anne-Frédérique Fer nous entraînent au-delà. Quelque chose s’émeut en nous d’une très ancienne mémoire quand surgissent comme de la nuit des temps ces carcasses fantômatiques de cerfs, de taureaux et de buffles aux lourdes têtes de totems, aux orbites insondables et aux mâchoires puissamment serrées sur un rictus de mort. Car la mort est ici doublement à l’œuvre. Les squelettes attestent à la fois son passage et son pouvoir de stylisation. La mort en fait de pures structures, de quasi-signes à mi chemin du réel et de l’art. L’usage du noir et blanc favorise le processus de déréalisation qui convertit les architectures osseuses en lexique graphique et dégage la propre réalité de l’image de la simple photographie du réel. Le choix de la série permet à Anne-Frédérique Fer d’échapper à l’anecdote. Chaque photo est partie prenante des autres avec lesquelles elle entre en résonance formelle et chromatique. Dans le demi-jour du musée, les poutrelles de la galerie, le treillis métallique des verrières, les échafaudages osseux et la charpente légère des cages thoraciques tissent un réseau d’associations qui donnent à l’ensemble son indéniable unité poétique. Jean-Louis Vidal