Cosmos Galerie 56, Bld Latour Maubourg 75007 Paris France
Lauréate 2009 du Prix Canon de la Femme Photojournaliste décerné par l’Association des Femmes Journalistes et soutenu par le Figaro Magazine, Brenda Ann Kenneally est une photographe américaine qui explore en profondeur les aspects affectifs et psychologiques de la misère. Jeunes couples qui se déchirent, êtres paumés, camés, familles précarisées à l’extrême : une vie violente et douloureuse, bien loin du rêve américain. Son reportage a été exposé au Festival Visa pour l’Image de Perpignan en septembre dernier. A partir du 23 mai 2010, la galerie Cosmos présente à Paris une sélection de ses photographies.
J’ai rencontré les « Upstate Girls » en 2003, au cours d’un reportage pour le New York Times Magazine dans la ville de Troy (New-York). J’ai moi-même grandi à proximité du quartier. J’ai décidé de prolonger mon séjour pour mieux connaître ces jeunes femmes qui menaient la vie que j’aurais pu avoir si je ne m’étais pas décidée à partir pour la Floride en stop, l’année de mes seize ans. J’y suis restée cinq ans à suivre le quotidien de ces familles, de ces enfants qui passent chaque après-midi à tuer le temps en attendant le retour de leur mère, éreintée par une journée de travail. Des dizaines d’années séparent ma vie de jeune fille à Troy de ma nouvelle vie plus raffinée de femme active, mais cette distance s’est évanouie au fil des jours passés à photographier les filles sur la Sixième Avenue. J’ai cherché à fuir, à prendre du recul, mais je reste au fond cette petite fille attendant après l’école, les yeux rivés sur le téléviseur, lisant les textes sur les boîtes de céréales et aspirant à connaître l’amour.
Le projet « Upstate girls » tente de démêler les causes et conséquences complexes du rêve américain. Troy était « la ville la plus importante de la révolution industrielle ». Elle incarnait les promesses d’avenir de notre nation. Mais la démesure de notre ambition a fait de ce qui fut notre plus grand atout une chaîne à nos pieds.
Aujourd’hui, les femmes actives font partie de la classe défavorisée de l’économie tertiaire des États-Unis. Les tentatives de transformer la région en technopôle n’ont fait qu’élargir le fossé entre les différentes classes sociales. Avec mari et fils en prison, les femmes se retrouvent seules. Elles aimeraient se croire libres, mais ne le sont pas. Au fil des ans, cette méprise finit par leur donner l’impression d’être ensevelies sous le poids de leur propre vie et les prive de l’autonomie dont elles auraient besoin pour aller vers un vrai changement.