
Les Rencontres d'Arles 2010 34 rue du docteur Fanton 13200 Arles France
Salle des tapisseries 18 Rue du Cloître 13200 Arles France
En 1914, quand Augusto Ferrari arrive en Argentine, c’est un artiste expérimenté et en pleine maturité qui, déjà en Italie, a utilisé la photographie dans son oeuvre picturale. Les photos les plus anciennes de cet ensemble –et aussi les plus nombreuses et les plus complexes- sont celles qu’il a réalisées comme travaux préparatoires à des fresques peints dans l’église San Miguel à Buenos Aires. On y voit des gens poser dans les vêtements attribués à l’époque biblique par les conventions picturales de la Renaissance et elles représentent, entre autres, des scènes comme les Noces de Cana ou la Cène ainsi que des portraits individuels de saints, de prophètes, de gens du peuple et d’aristocrates.
Ces portraits et ces groupes relèvent d’une question toujours d’actualité dans la représentation photographique du fait de leur réalisme intransigeant. Le passage direct et littéral de la personne ou de la chose photographiée (ce message continu, selon la définition de Barthes, c’est-à-dire le passage du réel au bidimensionnel sans la médiation d’un code de signes- peinture, dessin, gravures, etc…- indépendant de la chose elle-même) conditionne de manière tyrannique sa vraisemblance, toujours liée à l’instantanéité et aux circonstances concrètes de la prise. Ainsi, dans le domaine de la photographie, ce qui est représenté (ou plutôt présenté comme on devrait dire en toute logique) impose une sorte d’ontologie élémentaire et rudimentaire selon laquelle une couronne en carton ou une barbe en coton hydrophile ne sont ni plus ni moins que des costumes pour jeux d’enfants ou des déguisements de carnaval qui, en tant que tels, entachent de puérilité toute scène sensée les représenter « pour de vrai ». Si nous ne savions pas que les vêtements et les poses théâtrales ont pour finalité de servir de guide à un muraliste –ce qui leur confère un statut de vraisemblance particulière et, comme nous l’avons dit, souvent charmante - nous le rattacherions à ces « tableaux vivants » présentés jadis dans les collèges à l’occasion des festivités civiques et religieuses dont les photos nous paraissent aujourd’hui d’une extraordinaire naïveté.