Cosmos Galerie 56, Bld Latour Maubourg 75007 Paris France
Mois de la photo 2010 Point information 5,7 rue de Fourcy 75004 Paris France
« La Yougoslavie avait eu son temps de paix et l’homme fit basculer l’histoire, selon sa tradition, égal à lui-même. Le reste du monde s’étonna de tant d’atrocités. Présidents, chefs de guerre, soldats et pilleurs s’acharnèrent à imposer leurs lois alors que le pays sombrait dans une guerre cruelle et peut-être même banale. Le modernisme et le progrès, le souvenir encore présent de la Deuxième Guerre Mondiale, rien n’y faisait.
L’humanité devait sans doute se résigner face à sa condition.
En tant que photographe, je fus le témoin des événements qui secouèrent l’ex-Yougoslavie. Mon étonnement et ma curiosité redoublaient à chaque voyage : c’était donc ça la guerre ? J’étais fascinée.
Puis le conflit s’épuisa et les Serbes rendirent leurs territoires aux Bosniaques, crachant une dernière fois leur haine en pratiquant la politique de la terre brûlée. Mirna, la musulmane, pu enfin retourner chez elle. De sa maison, il ne restait que les murs et, en observant le sol jonché de papiers et de verre cassé, elle découvrit que l’un des Serbes qui avait occupé les lieux avait méticuleusement effacé, en grattant avec une lame de rasoir, les quatre visages d’une photo de famille prise avant la guerre, sur laquelle elle figurait aux côtés de ses parents et de son frère.
Entre deux voyages en Bosnie, j’eus l’occasion de prendre quelques jours de repos en Égypte. À ma grande stupéfaction, je me retrouvais sur un autre champ de bataille, mais j’arrivais 2000 ans après le drame. Les ruines étaient sublimes et cette fois, ma fascination fut sans scrupule.
Les paysages façonnés par la nature et les archéologues n’avaient plus rien de triste. Le monde des Égyptiens reposait en paix, digne et beau. Des hommes immenses au corps de pierre, blessés et démembrés, trônaient là, tout puissants, défigurés, et d’autres allongés gisaient inanimés sur le sable, leurs tombes avaient été profanées et leurs temples pillés. En voyant les centaines de kilomètres carrés de hiéroglyphes martelés et effacés par des soldats ennemis engagés dans une lutte sans merci contre la vérité, la photo de famille de Mirna réapparut comme un éclair dans ma mémoire. J’étais alors décidée à repartir le long du Nil pour y compléter mon travail »
Les événements de l’histoire contemporaine et les obligations de sa vie professionnelle empêchèrent Alexandra de retourner en Haute Egypte. Au fur et à mesure de ses reportages, elle ajouta quelques bribes au travail entamé. Elle réalisa un reportage sur la chirurgie esthétique, qui redonne un visage à ceux qui l’ont perdu à la suite d’accidents de la vie. Elle photographia à Bamiyan, la niche que les talibans avaient délibérément délestée de son Grand Bouddha et les ruines d’Angkor enserrées dans les racines des arbres centenaires.
La Cosmos Galerie présente ce travail, resté inachevé, qui montre une facette différente de l’oeuvre d’Alexandra Boulat qui a tenté avec ces images en noir et blanc de réaliser un constat froid et lucide de la haine aveugle.
La Mep prête des oeuvres issues de sa collection et choisie en regard de l'exposition.