Galerie du Théâtre La passerelle 137 boulevard Georges Pompidou 05010 GAP France
L'exposition se tiendra du 7 au 28 juillet et du 31 août au 25 septembre 2010.
Cette exposition est une mise en scène, deux amis, deux regards, un territoire ; en vis-à-vis et dans la galerie du Théâtre. Loin de la confrontation, c'est plutôt une émulation, le jeu des sensibilités qui
s'entrecroisent.
Pascal Ragoucy, la "photographie pauvre"
Pour Pascal Ragoucy l’acte de phtographier doit se réduire à un rapport le plus simple possible entre un individu et une situation. A partir de ce point de départ, il s’agit alors pour le photographe d’opérer des choix : choix du regard, de l’outil, et au final de la présentation : le résultat étant l’oeuvre photographique. C’est pour cette raison qu’il utilise régulièrement le sténopé.
Une pratique photographique particulière : le sténopé
Un appareil photographique à sténopé se présente sous la forme d’une boîte dont l’une des faces est percée d’un minuscule trou qui laisse entrer la lumière. Sur la surface opposée au trou vient se former l'image inversée de la réalité extérieure, que l'on peut capturer sur un support photosensible. Ce phénomène optique est décrit dès le IVe siècle avant J.C., dans un ouvrage de vulgarisation scientifique chinois le Mo Jing. A peu près à la même époque, Aristote (v.384-v.322 av J.C.) dans ses Problemata décrit aussi le phénomène. Cette découverte sera ensuite améliorée pour les peintres du XVIe siècle avec la machine à dessiner ou camera obscura
L’utilisation du sténopé implique pour le photographe de multiples contraintes :
• cadrage intuitif, il n’y a pas de possibilité de visée et de contrôle de ce cadrage
• temps de pose long,
• qualité médiocre du « piqué » : l’image est floue,
• profondeur de champ infinie : pas de plage de netteté,
• absence totale de déformation (image orthoscopique).
En définitive, l’image produite correspond avant tout aux critères de la machine qui la produit.
Paradoxalement, Pascal Ragoucy trouve dans ces contraintes une grande liberté d’action. Il peut appréhender le paysage avec les deux yeux ouverts, en avoir une vision totale dans laquelle il opère intuitivement pour composer ; pas de mise au point privilégiant une partie du cadre au détriment d’un autre ; perte des détails au bénéfice de la captation d’ensemble ; pas de déformation donc rendu des perspectives conforme à la réalité du sujet. Le jeu de l’image totale, sans artifice, l’image pensée plutôt que vue… finalement riche de sa pauvreté.
La Gardette, © Pascal Ragoucy
Le travail photographique de Bertrand Bodin
Pour Bertrand Bodin, l'acte photographique est un travail à la fois intellectuel et instinctif. Intellectuel, car il demande une maîtrise technique, lecture de la lumière et de la composition et aussi une certaine capacité à conceptualiser son image. Instinctif, car au moment de déclencher, il oublie tout pour pénétrer un monde au-delà du monde. Une photographie doit être le
témoignage d'une vision personnelle, l'interprétation d'une pensée, d'une émotion, une envie de dire, d'inventer son propre langage, pour écrire un message, pour donner à voir et à sentir au-delà de l'image.
Les techniques photographiques qu’utilise Bertrand Bodin sont multiples. Il combine sans état d'âme l'argentique, le numérique, le noir et blanc, la couleur en fonction du but recherché. Amoureux de l'instantané, il utilise depuis longtemps les films Polaroid sous toutes ses formes à des fins
artistiques dans ses images de paysages : manipulation sur film SX70 Time Zero, transfert d'image ou transfert de gélatine. Les films Polaroid offrent un potentiel créatif infini. Avoir sous les yeux un tirage développé instantanément facilite des approches plus libres, plus expérimentales. Précurseur du numérique, il s’en sert pour ses carnets de croquis, l'étape finale étant la reproduction en Polaroid de ses impressions numériques ou de ses tirages
Influencé dès 1976 par l'oeuvre de Duane Michals, Bertrand Bodin construit des séries narratives. Il exploite la prise de vue et le montage numérique avec des impressions jet d'encre.
Pour sa série Ceres Pupa, il propose une comptine qui se fait fable philosophique, abordant la construction de l'être. Cette écriture photographique approche sa permanence dans l'accomplissement des cycles et d'un rêve. Histoire d'une femme-fleur et de son rêve de légèreté incarnat, histoire d'un vêtement qui donne vie à la poupée, à la jeune fille, à la femme, au recommencement. Le jeu subtil des renversements des valeurs construit une esthétique du fantasme.
Dans sa série Tellus Mater, il s'interroge. Il se met en scène et sent la terre qui vibre sous ses pas, silencieuse et lourde de reproches. Il sent la chaleur de ce monde inconnu, les battements de ce coeur minéral qui cogne obstinément à l'indifférence des hommes. Depuis combien de temps encore ? Car l'homme s'est depuis longtemps coupé de la vie, de la terre. Son passage a perverti un rêve ancien d'abondance : l'herbe pourrit désormais sous l'oeil du poète photographe. Reste l'ailleurs, vierge et vert de possibles.
Tellus Mater, © Bertrand Bodin
Une rencontre avec les photographes se déroulera le mardi 6 juillet à 18h.