Centre hospitalier Saint Joseph - Saint Luc 20, quai Claude Bernard 69007 Lyon France
La galerie Le Réverbère présente Thomas Chable. Elle invite aussi Degbava de la Galerie Dettinger-Mayer. Tandis que le premier parcourt le continent africain depuis 1993, l’autre y est né et y a photographié pendant près de 40 ans. Les deux photographes mettent ainsi leurs images de l'Afrique en regard.
Thomas Chable, photographe belge vit à Liège et présente ici deux séries réalisées entre 1993 et 2004 : Odeurs d’Afrique et Brûleur. Degbava, photographe togolais, vit à Lomé et nous livre un témoignage précieux de la vie sociale et culturelle au Togo.
Odeurs d’Afrique
Thomas Chable a pas mal voyagé sans se considérer pour autant comme un grand voyageur. Publiées en 2000, ses Odeurs d’Afrique ont été glanées entre 1993 et 1997, au Burkina Faso, au Mali… Si elles sont relativement pauvres en information, ces images sont en revanche étonnamment riches de sensations, ses images préfèrent l’écoulement et la retenue de ce qui est à peine perceptible, ténu, parfois indicible à force de trop de complexité, ou de trop de simplicité, ou de trop, tout bonnement. Ses photos énoncent des ombres, des objets simples, des reflets, des signes discrets de vie ou de présence – suivant le rythme écrasé ou nonchalant du soleil sur le sol, ou au gré des flottements de l’intuition et des rencontres. Cherchant la douceur dans la dureté, s’attachant non à l’éternité du mythe, mais à l’intimité de l’instant. Ses impressions de voyages (l’Afrique, mais aussi le Moyen-Orient) ne sont pas celles d’un photojournaliste, d’un randonneur, d’un baroudeur, ni même vraiment d’un voyageur photographe. Pourtant Chable est tout cela à la fois, et il lui arrive d’ouvrir des fenêtres violemment, de face, en pleine lumière, sur des douleurs humaines impossibles à ignorer. Mais, comme en retrait, il veille à ne pas – au propre comme au figuré – se mélanger les objectifs, et marchant d’autant plus prudemment quand il sait où il va. C’est, probablement, que la fenêtre qui laisse entrer ces Odeurs d’Afrique s’ouvre tout simplement vers l’intérieur.
Brûleur
La scène se passe quelque part entre Tanger et Gibraltar, Ceuta ou Tarifa. Quelque part entre 2000 et 2004 – mais la même scène, pas très nouvelle, s’est répétée souvent encore depuis, se rejoue ailleurs…Ses images montrent des paysages ou des hommes, seuls ou entre eux, libres ou prisonniers (de l’Occident ou du rêve de l’Occident). Elles sont pleines d’émotion ou parfois vides parce qu’il n’y a plus rien à voir, que des traces, des lambeaux, les signes d’une mue récente, d’une vieille vie ou d’une vieille peau qu’on a laissées sur place, au milieu des bois et des campements de fortune. « Ici, des hommes sont passés. » Derrière leur filtre, nos sociétés médiatiques accueilleront plus volontiers leur image que leur souffrance (car si toutes les photos ne sont pas clandestines, alors plus aucune ne l’est). La photo est alors à double tranchant…
Degbava est né en 1939 à Salivé au Togo. C’est en 1958 chez Clément Fumey (Photo Edekpe) photographe réputé à Lomé que Degbava décide d’effectuer son apprentissage. De 1962 à 1964 il collabore avec Anthony Bright (photo Cacovena) et Bernard Anah (photo Gomina). Il ouvre en 1964 son premier studio photo rue d’Amoutivé à Lomé. Dès son installation, bon nombre de groupes familiaux, jeunes mariés, sportifs, artistes et autres personnalités vont défiler dans sa boutique-studio. Ses clients souvent très élégamment vêtus, coiffés, munis de leurs accessoires, posent dans son studio décoré de papier peint, de rideaux, de tapis, d’une grille de fer forgé, d’un tabouret, de fleurs artificielles et de colonnes en stuc. En 1969 Degbava prend la décision de se rendre en Europe pour perfectionner son métier. Il va suivre des stages dans plusieurs laboratoires photographiques à Anvers, Leverkusen, Munich. Il rapportera son premier appareil Rolleiflex 6x6. De retour à Lomé en 1970 il aménage un nouveau studio et il devient le photographe attitré de la famille présidentielle. Il sera fréquemment sollicité pour réaliser des reportages : commémorations, réceptions, cérémonies, organisées lors des visites de chefs d’état et personnalités au Togo. Sa réputation lui permet d’étoffer sa clientèle locale. Il va multiplier les portraits d’identité, les portraits artistiques ainsi que de nombreux reportages sportifs, culturels et festifs. Au début des années 90 la couleur fait son apparition et se profile le déclin du noir et blanc. Avec l’arrivée du numérique Degbava cède la direction de son commerce à son fils. Sa longue pratique professionnelle durant près de 40 ans lègue au Togo des milliers de photographies, comme autant de témoignages esthétiques de la vie sociale et culturelle de ce pays.