La Galerie Particulière 16 rue du Perche 75003 Paris France
Dans ses deux dernières séries, le photographe Guillaume Amat explore la notion de lieux de passage, réels ou fictifs, sublimés par le souvenir, ou rendus vivants par son imaginaire.
Souvenirs d’une enfance passée sur les plages du sud-ouest de la France, enfance revisitée, transformée par la charge affective d’un jeune homme qui revient sur un lieu important de son évolution et de sa construction identitaire ; paysages imaginés, construits de toutes pièces, lieux d’exploration fictive sur une parcelle du parc national des Bardenas Reales, en Navarre. Le photographe oriente son objectif sur les anfractuosités du sol et installe dans cet espace réduit des personnages miniatures qui vont l’animer. Les photographies de Guillaume Amat apparaissent, voilées et troubles, elles ne sont porteuses d’aucune certitude, mais elles sont chargées d’un pouvoir de fiction nourri par l’imaginaire même du spectateur.
« "Nébuleuse" est une série de photographies réalisées sur une plage de mon enfance, appelée La Grande Côte, à Saint-Palais-sur-Mer. Durant mon enfance, j’allais presque tous les étés là-bas. J’ai pris beaucoup de clichés de cette plage et de ses environs à partir du moment où j’ai commencé la pratique de la photographie. Ces mois d’été passés dans la maison familiale marquaient la fin de l’année scolaire, mais portaient aussi en eux le début d’une nouvelle année. C’est un lieu où je me suis construit, un lieu qui a rythmé ma vie. Il m’est par la suite devenu vital. Je suppose que cela est lié à l’océan : sans commencement ni fin, continuel, et pourtant chaque fois recommencé et différent, juste un présent mouvant où chaque vague efface la précédente. (…)
Je suis retourné sur ces plages pour photographier l’endroit une nouvelle fois. Ce jour d’avril, une brume littorale, épaisse et irréelle, plongeait le paysage dans une atmosphère capitonnée. J’ai commencé par réaliser des images de bunkers. J’étais persuadé que la brume se dissiperait au fil des heures. Mais elle est restée là, flottante. Ce sont les gens qui m’étonnaient le plus : ils poursuivaient imperturbablement leurs activités. Certains pique-niquaient, d’autres promenaient leurs chiens. J’avais l’impression d’être pratiquement le seul à ressentir cet état d’émerveillement. Une famille s’est assise sur la plage et guettait les silhouettes qui apparaissaient ou s’évanouissaient dans le paysage. Cette brume transfigurait tous mes souvenirs d'enfance liés à ces lieux.
Ce furent deux journées durant lesquelles ma pratique de la photographie est devenue compulsive : ces images ont été réalisées instinctivement, dans l'instant. Instantanéité relative pourtant... Peut-être n’est-ce que le résultat d'un long souvenir ? »
« Cʼest à lʼoccasion dʼun reportage dans la région de Navarre que jʼai découvert le Parc Naturel des Bardenas Reales. Jʼy ai « trouvé » la parcelle qui, par la suite, servirait de décorum pour les images de cette série. Une fois rentré à Paris, jʼai commencé à imaginer des scènes photographiques qui joueraient sur le caractère miniature de ce paysage parcellaire. Sous forme dʼesquisses, jʼai élaboré une sorte de story-board. En fond sonore, lʼatmosphère musicale de Tom Waits ou Nick Cave et, comme atmosphère visuelle, David Lynch et Wim Wenders : matières premières à lʼimaginaire. (…) La réalisation de ces photographies peut sʼapparenter à une errance : je pose mon matériel quelque part pour ensuite chercher lʼemplacement adéquat… La série Bardenas Reales est construite à lʼimage dʼun road-movie, une longue marche dans un désert marqué par des stigmates et des signes de vie : des traces dʼoccupations passées ou présentes. Jʼaime aussi lʼidée dʼun lieu dʼexploration fictif qui se mêle à des paysages énigmatiques et silencieux. En filigrane, il est possible de deviner une réflexion sur cette notion de territoire épuisé et asséché par lʼactivité humaine ».
Guillaume Amat est représenté par la maison de photographes Signatures.