Une exposition des œuvres de Yannick Demmerle retraçant son travail de 2002 à 2009 au travers d'une dizaine de photographies et autant de dessins.
Evoquer une nature sans artifices, livrée à elle-même, exige un engagement à la fois humble et risqué. Humble parce que l'homme comprend à quel point, dés lors qu'il ne cherche plus à maîtriser cette nature, combien celle-ci est en elle-même puissante, voire violente, et simultanément fascinante, mystérieuse. Risqué car cela exige une rupture avec le monde ordonné et implique de tourner le dos aux ancrages visuels habituels.
C'est ce choix qu'assume aujourd'hui Yannick Demmerle, en recourant à la photographie, grâce à laquelle il offre une vision saisissante d'une nature sauvage dans laquelle aucun être humain ne pénètre. Ces photographies, traitées en grand format, dans des tonalités chromatiques homogènes au plus prés du réel, où la lumière est suffisamment neutre pour éviter tout effet de théâtralisation, affirment la présence d'une nature autonome, mouvante. Le pari du photographe tient dans sa capacité à forcer la photographie au plus profond de ses possibilités descriptives et d'approcher au plus prés d'une zone fragile, celle de la rencontre entre peinture et photographie, zone où l'engagement personnel de l'artiste se conjugue, sinon se projette au-delà de l'image photographique dans le sujet lui-même. Ce qui caractérise ces images, c'est l'absence de distance entre l'œil et ce qui est observé. La force des images de Yannick Demmerle tient justement à ce qu'il parvient à abolir cette distance. Et cette abolition, qui exige de l'artiste une implication totale, relève traditionnellement du champ de la peinture. Lorsqu'il évoque ce travail dans les forêts, l'on comprend combien ce qui compte n'est pas tant la photographie que l'immersion vécue, le rapport direct avec les éléments. Il n'ignore évidemment pas que le résultat de cette immersion sera une œuvre d'art, obéissant à des canons plastiques et techniques, mais il ne retient de cette relation homme-forêt que ce qu'elle a de plus subjectif, comme s'il s'agissait d'y trouver un absolu de soi ayant coupé ses ultimes liens avec les artefacts de la civilisation. Cet engagement peut apparaître idéaliste, naïvement romantique, mais ce serait ignorer l'intensité et la profondeur de cette quête. [..]
Paul Hervé Parsy