Des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants vivent des déchets des autres. Ce sont les pauvres des pauvres, les plus damnés des damnés de la Terre. Ceux qui vivent dans des bidonvilles construits sur les dépotoirs, pour pouvoir, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, se lancer à l'assaut des immondices déchargés de la benne dans l'espoir d'y trouver un bout de métal, de plastique à revendre, ou même quelques restes de nourriture. Pendant trois ans, de Bangkok au Caire, de Dakar à Mexico, de Bombay à Manille, Paul-Antoine Pichard a exploré ce monde en marge, ignoré du reste de l'humanité. Il faut regarder sans ciller ces images, ces témoignages d'un quotidien fait de gestes de survie, de violence, de danger de prières. Mais aussi des images qui témoignent d'une volonté de vivre et de préserver un semblant de dignité dans un univers d'abjection.
C'est dans la tradition de la photographie humaniste et engagée que l'on retrouve Paul-Antoine Pichard. Né en 1970, il grandit avec des images de guerres, de famines plein la tête. Viêt-Nam, Cambodge, Afghanistan, Tchad, Ethiopie, Liban... Des images de torture découpées dans " Chronique ", le mensuel d'Amnesty International, le Chili, l'Argentine, les années sombres. A douze ans, il n'a plus de doute, " je serai photographe... photographe engagé ", lui qui considère la photographie comme " la médecine de la conscience ". Après avoir étudié les arts décoratifs à Paris, c'est en 1994 qu'il se tourne définitivement vers la photographie. Il présente son travail à Gotskin Sipahioglu, personnage mythique, fondateur de l'agence Sipa Press qui lui propose de partir à Kétama, dans le Rif marocain, au coeur de la première région productrice de haschisch au monde. Une révélation. Il y fera ses classes, apprendra à se faire accepter, se fondre, à jongler avec les autorités, les trafiquants. L'aventure absolue, l'étrange impression d'être vivant. Alors la photographie devient un alibi. Vivre mille vies. Il parcourra le monde porté par le vent, on le retrouvera dans les Balkans, en Asie ou en Afrique. C'est à Dakar, en 1997, qu'il découvre l'univers effroyable des décharges, point de départ d'un long projet qu'il intitulera " Mines d'Ordures ". " La rencontre avec les recycleurs a été l'expérience humaine la plus forte de ma vie, la plus éprouvante aussi ".