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- Obscène signifie « de mauvais augure ».Depuis quand la monstration du plaisir est-elle de mauvais augure ? Alors il s’agit de l’exultation et de l’exaltation du corps, du tien, qui s’y est si bien prêté avec ce qui apparaît bien pour une sincérité absolue. Non l’obscénité est dans le porno qui n’est que transformation du corps désirant à marchandise à désirer. Ou alors dans les images de queue, de famine ou d’insolents triomphes sportifs. Le profit pour le profit est obscène. Quel rapport avec ton corps qui, à la différence des corps financiers, ne cache rien, lui ?
- Alors, disons perverses, reprend-elle.
- Perverses, oui, mais dans le sens de perversité, et non de perversion. La perversité est ici introduction dans ta vie telle que tu la vis et la parle d’une innovation inattendue. C’est un piège tendu aux yeux…
- …Mais je continue à m’étonner moi-même…et me voilà photographiée sous tous les angles, nue plus que nue, saine dans ma plus profonde intimité, qu’il s’agisse de mon corps ou de ce qui lui en est fait. Il y a là de quoi secouer, même si la terre ce jour-là, n’a pas arrêté de tourner.
- Et certes, quoique. Il est dans les vies des êtres des dates plus importantes que celles qui sont prétextes à commémorations historiques…
Claude JAVEAU, juin 2006
« Voir est un acte ; l’oeil prend comme la main prend ». Paul Nougé
Voir les photographies de Michel Hanique vous invite à explorer l’acte de prendre un corps.
Du bout des yeux, explorez lentement ce fragment.
Cet espace-là de votre corps, entre l’omoplate et le creux du bras, l’avez-vous déjà entre aperçu ? L’avez-vous touché ? Ou l’avez-vous caressé, chez l’être aimé ? Que savez-vous de l’intérieur de vos cuisses, la gauche, la droite, caressées ensemble, ou tour à tour, de l’univers que fait naître cette caresse précise ? Avez-vous suivi les sillons de la plante de son pied, goûté son orteil ?
Et quand la vie vous a entrainé, dispersé, morcelé dans le tourbillon du quotidien, avez-vous déjà pensé revenir à une chambre claire, et à fixer votre attention sur ce tout petit morceau de lisse ? Regardez-le, longtemps. Il est un monde en soi. Explorez-le, des doigts, de la paume, du dos des doigts, du souffle, de la langue, de vos cheveux. Suivez à présent ses vallées, explorez ses reliefs.
Soir après soir, une vie entière ne suffirait pas à recueillir l’entièreté de la surface du corps aimé. Un corps qui serait parcouru de telle manière pourrait se dire : je suis un corps aimé.
Votre oeil, vos doigts ne pourront jamais franchir sa peau, ses muqueuses. Cet univers intérieur, seuls le reflètent les frissons, le souffle, l’assombri du regard, le voile des paupières, la brillance de la salive sur une dent. Votre regard rêve d’en appréhender l’entièreté, simultanée. Il ne peut en saisir que des fragments. Il arrive qu’il s’accroche à un tel fragment, qu’il ne puisse plus s’en détacher, jusqu’à opérer cette descente vertigineuse en vous-même.
Il se pourrait que vous fermiez les yeux.
Il se pourrait qu’un photographe vous donne à écouter la musique intime du corps.