Transfert est une série de photographies en noir et blanc qui nous présente de saisissants polyptyques de portraits et de paysages urbains ou naturels, parfois complétés par une nature morte. Chaque portrait, chaque expression fi gée, est associé à un lieu spécifi que qui fi nit par devenir son environnement. Plus que le paysage ou le lieu en luimême, N’Krumah Lawson Daku choisit de n’en capturer que les atmosphères sombres
et graves pour inscrire sa série dans un univers mélancolique. Composée de forts contrastes, de perspectives fuyantes et d’harmonieuses compositions, cette dernière engendre de nouveaux territoires d’ici et d’ailleurs qui oscillent entre ténèbres et lumière, violence et douceur. Transfert : lieux et visages, espaces et temps. Les portraits. Des gens rencontrés ici et là, des inconnus dont la route a croisé celle du photographe à un moment donné. Les lieux. Des endroits traversés et parcourus, des endroits sans nom et isolés de leur contexte. Prises entre le coucher et le lever du soleil, les photographies de N’Krumah Lawson Daku illustrent un monde obscur, une vie nocturne. Tout paraît calme, silencieux et fi gé en apparence. Mais, de ces photographies empreintes de gravité, émane une tension sous-jacente, soutenue par les intenses contrastes de noirs et de blancs.
Se détachant sur un fond souvent neutre, les portraits simples et posés présentent un cadrage resserré sur le visage. Un choix qui permet d’effacer les détails anecdotiques pour davantage se concentrer sur l’émotion de l’instant que nous livrent ces portraits. Un cadrage imposant une confrontation immédiate aux visages qui semblent s’extraire de toute temporalité et n’appartenir à aucune autre réalité que leur propre existence. Les
paysages, qu’ils soient domestiqués ou sauvages, tendent au contraire à se rattacher au monde et à sa matérialité : textures, matières et éléments (l’eau, la terre, le métal ou le ciment) créent des liens quasi tangibles avec ces différents espaces. Transfert, une série qui nous raconte des histoires d’aujourd’hui et de demain. Une série construite sur des images qui se répondent, des portraits et des lieux qui se croisent un bref instant. Chaque polyptique incarne l’idée de voyages et de rencontres insolites, mais aussi de destinations et de projections singulières en se référant à une spatio-temporalité à la fois indéfi nie et délimitée. « Tu seras prévenu du jour et tu devras t’y trouver »*. C’est ainsi que sans plus de détail, N’Krumah Lawson Daku nous donne rendez-vous ici ou ailleurs, maintenant ou prochainement, dans un univers en suspens tantôt sinistre et puissant, tantôt paisible et serein.
* Correspondances du Petit Didi, écrites entre 1938-1942 depuis un internat pour enfants tourmentés, ces
lettres s’adressaient à sa mère et à son grand-père.