Galerie VivoEquidem 113 rue du Cherche Midi 75006 Paris
Lorsque Vincent Goutal est venu me présenter ses clichés, il a plusieurs fois qualifié son travail de « photographie sociale ». Il rappelle d’ailleurs que c’est à l’ENS de la rue d’Ulm qu’il a découvert les images de Chris Killip et qu’il a abandonné sa carrière scientifique pour rejoindre ce mentor à Harvard au Département d’Art visuel.
Le fait est que toutes les séries produites utilisent le style du documentaire social. Pourtant, Vincent Goutal reconnaît qu’il ne cherche ni à témoigner ni à dialoguer avec ses sujets. La démarche est plus intime puisqu’en réalité il confronte sa propre intériorité avec celle des personnages qu’il photographie. C’est ce qui rend ses images bien plus personnelles que collectives.
Pour la série Impressions cubaines, il a frappé à toutes les portes, les unes après les autres. Il ne parle pas l’espagnol, son matériel - chambre, lumières, pieds - n’est pas discret, mais il a quasiment toujours pu entrer, installer son appareillage et photographier ce qu’il voulait sans qu’une seule parole soit parfois échangée. C’est au développement (il utilise un support argentique) qu’il a découvert un monde presque féerique aux couleurs et aux formes étranges révélées par les flashs. Les individus semblent ainsi évoluer dans des environnements différents de ce que l’esprit peut imaginer lorsque pèse sur lui la connotation sociale. Par exemple, une salle de séjour, aux murs décrépis et au mobilier vétuste devient étonnamment chaleureuse comme si la prise de vue avait curieusement bénéficié de la lumière intérieure des habitants.
Pour la série Transitions, toujours en cours, Vincent Goutal a choisi de montrer des instants « vides ». Ses photographies - dont la mise en scène et le scénario sont écrits en collaboration avec sa partenaire Olivia Leriche - sont très élaborées et éclairées à la façon des films noirs des années 50. Les images obtenues sont presque de nature allégorique tant elles véhiculent les symboles d’une certaine société : la réussite sociale (businessman, pilote, executive woman), l’environnement citadin (cage d’escalier, bureau open space), la solitude ou l’incommunicabilité avec l’autre (l’homme devant un parc d’enfant, le pilote assis dans l’escalier) ou les rapports sociaux d’ordre hiérarchique.
Dans toutes ces illustrations de séquences de vie, Vincent Goutal montre les failles, les ruptures qui échappent au flux. Ce sont des îlots d’incertitudes au milieu d’un environnement à fort potentiel aliénant. Lors de ces instants, tout devient possible…
Max Torregrossa