Galerie Nadar Médiathèque André Malraux, 26 rue Famélart 59200 Tourcoing France
TOPOGRAPHIES : Ecoumène, 2007-2008. Utopie-Berlin, 2005-2009.
Né à Ôsaka, Takuji Shimmura vit depuis 2001 à Paris. Il s’est formé à l’Ecole de Communication Visuelle EFET puis à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. Sa pratique de la photographie contemporaine et expérimentale allie autant la sémiologie qu'une approche très technique, et la réflexion de Roland Barthes selon laquelle "la photographie est un message sans code" est pour l'artiste une source d'inspiration sans cesse renouvelée.
Les deux séries photographiques présentées ici offrent chacune un regard sur une ville d’Europe, une ballade dans les périphéries de grandes capitales, qui apparaît aussi comme une promenade dans le temps. Une des préoccupations majeures de Takuji Shimmura n’est-elle d’ailleurs pas de « laminer espace et temps à la surface de la photographie » ?
La première série, intitulée « Ecoumène », a permis à Takuji Shimmura de recevoir en 2008 le prestigieux prix Lucien Hervé et Rodolf Hervé. Le terme d’écoumène est utilisé pour désigner l’ensemble des terres habitées ou exploitées par l’homme. Ces photographies, prises à Erevan en Arménie, témoignent des mutations vécues par les grandes villes qui s’étendent toujours plus, grignotant progressivement l’espace qui les entoure, souvent au détriment de l’environnement. Nature et civilisation luttent et, si parfois l’on semble parvenir à un équilibre précaire, le plus souvent la civilisation urbaine prend le dessus. Mais il arrive aussi que la nature retrouve ses droits, parfois avec violence, et que les étranges utopies sorties de l’imagination humaine se retrouvent momentanément en suspens, dans un élan interrompu. En observateur, le photographe flâne dans ces lieux, ou l’on ne distingue plus toujours ce qui est à l’abandon de ce qui est en train de naître, où dans un renouvellement continu la frontière entre destruction et développement est comme effacée.
Bien que les sites photographiés semblent souvent étrangement déserts et silencieux, la trace de l’homme reste toujours perceptible. Ceci est tout aussi vrai dans la série consacrée à Berlin, où les palpitations de la vie quotidienne affleurent en permanence. La présence humaine, dans ce qu’elle a de plus banal et finalement de plus universel, est partout, par une multitude de petits détails. La grande histoire est là aussi, car ces froids ensembles urbains nous renvoient à notre histoire récente, aux nombreux bouleversements connus par l’Europe ces dernières décennies.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces photos, présentées à Tourcoing en avant-première, seront exposées à Berlin pour le vingtième anniversaire de la réunification allemande. L’artiste semble dresser ici une topographie de la mémoire européenne, à travers les diverses strates de son occupation du territoire urbain.
Valérie Douniaux, janvier 2010