préface André VELTER
« Avec la dix-septième lettre de l’alphabet, magnifique exception culturelle française, nul besoin de tourner autour du pot, même si rien n’interdit de prendre parfois des gants. Il faut dire que le Q allie naturellement l’euphonie et la forme. Qu’on le prononce à voix haute ou basse, la vision naît dans l’instant. C’est à coup sûr le plus foudroyant transfert qui puisse s’opérer de l’oreille à l’oeil. Et sa graphie tout en galbe n’est pas pour peu dans le désir provoqué.
L’étrange veut que l’objet ainsi convoqué, pour être imaginaire, ne reste nullement abstrait, flou, ni sans fondement. Il apparaît d’intense réminiscence, qu’il ait été perçu en son incarnation
vivante ou seulement représenté par quelque peintre, sculpteur, photographe ou cinéaste. À son sujet notre mémoire semble infinie alors que le motif joue à l’excès de la répétition. Où trouver autant de variations sur un thème aussi unique ? Où partir d’un tel galop à la suite de croupes si cousines et si irrémédiablement singulières. [...]»
L’oeil de tout photographe est naturellement aimanté par la beauté des formes féminines. Quel que soit son terrain d’investigation professionnelle, la guerre, la politique, la mode ou la publicité, il cultive le jardin secret d’images souvent inédites entre vie privée et contraintes de reportage ou de commande.
Dans les deux dernières décennies, le numérique et Internet ont vulgarisé à outrance le corps humain. Une pornographie banalisée a failli tuer l’Amour en même temps que son ombre portée : le fantasme des formes. Mais les photographes veillent et restent les nobles gardiens du temple d’Eros, que n’a jamais déserté la poésie de tout imaginaire, à commencer par la contemplation ou la découverte des formes les plus communément appelées « fesses » ou beau Q.
La photographie d’aujourd’hui documentaire ou plasticienne n’est plus « à la manière » des grands maîtres de la peinture ou de la sculpture. Celles-ci n’ont plus le monopole des scènes de nu de Watteau à Ingres, Rubens, Modigliani, Rodin et tant d’autres. Tous les photographes ont montré la voie royale qui mène, souvent avec malice, tendresse voire impatience, à la découverte des dos revisités. Dans la recherche des meilleures images possibles, « L’Origine du monde » de Courbet devait d’abord soumettre au regard admiratif du mâle séduit, l’harmonie des courbes recto-verso. Chaque page du livre est l’écrin de papier d’une sublime posture, propre à faire de sa lecture le graal d’un imaginaire poétiquement et « torridement » sollicité sur l’autre… versant de l’éternelle beauté féminine
Alain MINGAM
Lauréat du World Press pour son reportage sur l’exécution d’un traître en Afghanistan pendant la guerre contre l’armée soviétique, Alain Mingam débute comme reporter-photographe à l’agence Sipa-Press, mais aussi chez Gamma dont il devient rédacteur en chef, puis chez Sygma où il occupe le poste de directeur des rédactions. Ancien président du World Press-Photo-Contest, il a été consultant pour la série télévisée Les Cents photos du siècle, ainsi que le directeur de photo et rédacteur en chef grands reportages de magazines. Aujourd’hui consultant médias et commissaire d’exposition, il est membre du Conseil d’administration et du Bureau exécutif de l’association « Reporters sans frontières ».