
Maillon-Wacken Place du Wacken 67000 Strasbourg France
L’histoire des photos de Lazhar Mansouri débute dans les années 50, à l’approche de l’indépendance de l’Algérie, à une époque où les besoins en main d’oeuvre de l’économie française créent un fort courant migratoire vers la France. Mais qu’ils soient restés au pays ou qu’ils aient franchi la Méditerranée, les Algériens sont alors confrontés au même choc des cultures qu’ils vivent différemment selon leur génération et leurs choix de vie : Amoureux transis, amants illégitimes, adolescents fans de rock, futurs soldats, femmes tatouées qui se dévoilaient pour la première fois… Le photographe va dresser au fil des ans le portrait de tout un village où la gravité solennelle le dispute à la fantaisie la plus drôle. Cette liberté de ton et cette aptitude à la fantaisie rapprochent Lazhar Mansouri des portraitistes africains comme Seydou Keïta ou Mama Casset.Le photographe est né en 1932 à Ain Beïda, dans les Aurès en Algérie. Petit garçon, il accompagnait sa grand-mère au marché où il découvrit un jour un appareil de visionnement stéréoscopique, dont le conteur commentait les images colorées des Mille et une nuits. Fasciné, il ne se lassait pas de contempler le spectacle semaine après semaine.
C’est la rencontre avec Si Madjid, un photographe forain venu de Constantine, que l’adolescent Lazhar Mansouri apprend les rudiments de la photographie. Travaillant avec lui dans un premier temps, un épicier concéda plus tard un espace à Lazhar Mansouri où il installa son propre laboratoire et commença ses prises de vue. Dans son studio, il utilisait comme éclairages des lampes ordinaires de 500 watts fixées à l’intérieur de boîtes de lait Guigoz et suspendues à des chevrons. Le fond était une simple toile noire ou grise. Le photographe est mort en 1985, lors de l’explosion accidentelle d’une bonbonne de gaz, laissant derrière lui le travail d’une vie : 200 000 photographies prises depuis le début des années 1950. Ce trésor d’ethnologie fut sauvé miraculeusement de la destruction et révélé dans plusieurs expositions. Sans l’intervention de deux hommes, ce témoignage exceptionnel sur une microsociété aurait été complètement oublié. Le premier de ces hommes est le photographe algérien Mohand Abouda. Il a sauvé les négatifs de Lazhar Mansouri de la destruction, le jour où le fils de celui-ci s’apprêtait à les brûler : celui-ci craignait qu’ils ne tombent dans les mains des autorités alors que le peuple berbère était en plein soulèvement contre Alger. Le second est Armand Deriaz, héritier d’une dynastie de photographes suisses. Deriaz fut fasciné par la découverte des négatifs de Mansouri que Mohand Abouda lui confia. En mars 2002, en moins d’une semaine, il examina 10 000 négatifs et choisit 120 images qui seront finalement développées et agrandies. Amoureux transis, amants illégitimes, adolescents fans de rock, futurs soldats, femmes tatouées qui se dévoilaient pour la première fois… Lazhar Mansouri saisit une microsociété dans sa diversité, ses contradictions, ses aspirations aussi. À travers son oeil, l’exposition dévoile des Algériens “qui ont été”, pendant et après la guerre de libération, des femmes et des hommes attachants, surprenants par leur modernité et leurs contrastes.