L’artiste doit être comme une plaque sensible. La photographie abordée en vecteur cherche ici à véhiculer l’affect et garder une trace de ces relations entre le modèle, le photographe tout en présageant de ses liens avec le public. Surface entrelaçante-médiatrice. Elle provoque les croisements.
J’explore sa nature première, ses réalités optiques, son potentiel de mobilités pour en faire une image tissée, animée, en connivence, de la planéité au volume. Photographe, je deviens l’entremetteuse qui cherche à rendre les instants présent à nouveau, de l’un à l’autre, ici et là. Je favorise les rencontres imbriquant les formes à la recherche d’une implication directe du public. Entre présence et absence, je tente de réduire les écarts, « l’entre-image ».
Avec les matériaux je cherche à rendre tactile, avec les nouvelles technologies, je ramène des sonorités et suscite les perceptions. J’interroge les langages, du multimédia, au braille en passant par la sérigraphie les
développements numériques sur tissus, etc, pour sortir l’image, échelle 1, de son cadre et de son support et nous dévoiler sa profondeur, en continuité avec la réalité qui l’entoure, dans des jeux d’installations. Du contact argentique au volume. La photographie se remplie. Rembourrée, elle se modèle et rivalise avec le temps. « Rebondante », elle répond en écho au « ça a été » de Roland Barthes, Ça sera encore. Malgré une formation aux arts plastiques, Wanda découvre la photographie en autodidacte. Un médium qui était essentiel dans sa tradition familiale... Son père, orphelin, a voulu transmettre ses racines polonaises. «Toute l’histoire de ma famille était dans des malles, avec des photographies. J’ai commencé à faire des petits montages, des installations autour de celles-ci, à recomposer une sorte d’arbre généalogique, des icônes. La photographie a toujours été une sorte d’embryon pour commencer à créer ». Sa grande exposition à l’Hôtel des Arts lui a permis de prendre du recul, de mener un véritable travail d’introspection. Elle se souvient de sa grand-mère couturière, qui lui montrait comment elle classait ses tissus, les organisait dans des boîtes... « Cela m’a marqué. Elle avait une forte envie de conserver le temps. Nous avions un rituel entre nous: des séances quotidiennes dans les albums de photos de famille».
Photographie, tissus, et volonté de conserver le temps, voila des ingrédients forts dans la recherche artistique de Wanda Skonieczny. Le tissu, auquel elle voue une véritable passion, intervient à tous les stades de sa création: dès la séance photo avec le modèle, que Wanda place au centre d’une « mer » de textiles.
Les tissus sont ses gouaches. « Ils me permettent de prolonger, de créer des jeux de transparence, des histoires avec leurs motifs ». Puis la photographie est imprimée sur des pièces de satin, de coton, etc … choisies avec soin par l’artiste.
Un choix qui peut être un long processus. Car s’il est apparemment à peu près possible d’imprimer sur tous les tissus, chaque matière dégage quelque chose de bien particulier D’ailleurs, lorsqu’elle se procure des tissus qui ont dé|à vécu, elle en fait des natures mortes. Elle leur donne une seconde vie, car la renaissance est au coeur de sa réflexion photographique, maîs celle-ci ne doit pas interférer avec la chrysalide qu’elle a créée pour chaque modèle. Wanda s’enveloppe de ses photographies, les étreint, les touche, s’enivre de ce doux contact qu’elle veut faire durer.