Fondation Henri Cartier-Bresson 2, impasse Lebouis 75014 Paris France
En 1927, à l’occasion de son exposition Hommes du 20ème siècle à la Kunstverein de Cologne, August Sander déclarait que « voir, observer et penser » était le credo de son travail. La Fondation HCB expose, en collaboration avec Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur de Cologne, une centaine de tirages du célèbre photographe allemand (1876-1964) qui nous livre une magistrale esquisse de son époque à la fois typologique et topographique, et une grande leçon de photographie.
Tirages d’époque pour la plupart, les épreuves rassemblées sont d’une qualité rare, et l’ensemble constitue une proposition inédite à Paris. Présenter l’œuvre d’August Sander en faisant cohabiter portraits, paysages et études botaniques, c’est rendre justice à l’esprit même de sa démarche. Le catalogue, publié en Français par Schirmer & Mosel, est accompagné d’une préface par Agnès Sire, d’une introduction par Gabriele Conrath-Scholl et de la retranscription pour la première fois en français de la cinquième conférence radiophonique sur la photographie tenue en 1931 par Sander : La photographie, langage universel.
Né en 1876, August Sander a cherché tout au long de sa vie à transmettre une image de son époque, fidèle à la réalité, grâce à la photographie. Il se passionne très jeune pour le médium et achète son premier appareil photo à16 ans. D’abord employé d’un studio photo, il s’installe très vite comme photographe professionnel à Cologne et gagne sa vie comme portraitiste. Au début des années 20, il se lie avec les cercles culturels de Cologne. Musiciens, écrivains, architectes et acteurs posent pour le photographe qui commence à travailler au projet de sa vie, Hommes du XXème siècle (publié dans son intégralité en 1980). Le regard objectif porté par Sander sur la réalité est accueilli avec enthousiasme lors de la publication en 1929 de Antlitz der Zeit (Visages d’une époque) .Ce recueil de portraits, avait pour objectif d’établir une sorte d’inventaire sociologique des types humains, classes sociales et métiers, en évitant les clichés idéalisants. Parallèlement à l’attention portée aux hommes de son temps, August Sander observe précisément la nature. Il commence à établir un répertoire topographique des différentes régions d’Allemagne et réalise des études de botanique qui le passionnent. Il s’agit pour lui de montrer le lien existant entre l’homme et les espaces naturels qu’il façonne. Dès 1933 il élabore des albums ayant pour thème ces régions et notamment les paysages du Rhin, dont l’exposition à la Fondation présente un exemplaire complet. L’arrivée au pouvoir des nazis marque le début d’une période difficile pour le photographe, qui va déménager à la campagne avec sa femme Anna très active dans le studio ; il y met en sécurité 10 000 négatifs parmi les plus précieux Son livre Antlitz der Zeit est interdit à la vente en 1936, et les stocks mis au pilon. Son fils Erich est emprisonné (il meurt en 1944), et une grande partie de ses négatifs est détruite dans l’incendie de son appartement de Cologne. Après la guerre, Sander se consacre à l’organisation de ses archives et notamment à la constitution d’un vaste ensemble sur Cologne, avant la destruction de la ville pendant la guerre : Köln wie es war (Cologne telle qu’elle était). La ville l’achètera en 1953.
En 1951, son travail est montré à la Photokina de Cologne, il fait partie de la célèbre l’exposition Family of man organisée par Steichen au MoMA de New York en 1955, mais sa première grande exposition personnelle hors d’Allemagne, se tiendra au MoMA de New York en 1969, après sa mort. August Sander meurt le 20 avril 1964 à Cologne ; il laisse une œuvre immense dont la lucidité et l’obsession de vérité furent d’une grande modernité. Son rapport à la série, son goût pour la démystification et la restitution objective ont éveillé chez de nombreux photographes contemporains une autre façon de voir. L’exposition August Sander est présentée en collaboration avec Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur. Plus d’infos: http://www.sk-kultur.de (Schirmer/Mosel) : Voir, observer et penser, préface par Agnès Sire, introduction par Gabriele Conrath-Scoll, 176p, 39.80 €
L’exposition est réalisée en partenariat avec Connaissance des Arts Photo et France Culture.
August Sander :
1876 August Sander naît le 17 novembre à Herdorf, d’August Sander sen. et de Justine Sander, née Jung. Son père, mineur, finira sa vie invalide. August Sander jun. grandit entouré de sept frères et sœurs. Il fréquente l’école primaire du village.
1890–1896
Le jeune Sander travaille comme manœuvre sur un site d’extraction de minerai de fer de Herdorf. Il fait la connaissance d’un photographe professionnel de Siegen qui éveille son intérêt pour la photographie. Grâce au soutien financier de son oncle, August s’achète son premier équipement photographique.
1897–1909
Service militaire et apprentissage de photographe à Trèves, auprès de Georg Jung.
Années de voyages, entre autres à Berlin, Magdeburg, Halle, Leipzig et Dresde, au cours desquelles il travaille dans différents studios de photographe. Sander s’intéresse aussi à la peinture. Il est engagé par le Studio artistique de photographie Greif, à Linz sur le Danube, en Autriche, dont il devient co-propriétaire en 1902, avant de reprendre l’atelier à son propre compte. Il devient membre de l’Oberösterreichischer Kunstvereins (de 1904 à 1909 environ). Dans son « Atelier d’images photographiques », Sander propose des « travaux photographiques de tout genre ». Ses photos sont souvent exposées et remportent de nombreux prix et distinctions. En 1902, August épouse Anna Seitenmacher, le couple donne bientôt naissance à deux fils : Erich (1903) et Gunther (1907).
1910–1920: Déménagement à Cologne. Naissance des jumeaux Sigrid et Helmut (1911), seule la petite Sigrid survit. Sander installe son commerce et son atelier dans le quartier de Cologne-Lindenthal, au 201 de la Dürener Straße. Début de l’activité photographique dans le Westerwald, au cours de laquelle il réalise des travaux qui seront incorporés par la suite à son œuvre maîtresse Hommes du XXe siècle. Quand la Première Guerre mondiale éclate, Sander est mobilisé ; il ne retrouve sa famille qu’en 1918, à la fin de la Guerre. Dans l’intervalle, c’est Anna Sander qui maintient toute seule les activités du studio.
À partir de 1920
Intenses échanges avec le groupe d’artistes des Kölner Progressive, plus spécialement avec Franz Wilhelm Seiwert et Heinrich Hoerle. Sander développe et mûrit l’idée et le concept de son grand-œuvre de portraits Hommes du XXe siècle. Première présentation du projet au Kölnischer Kunstverein (novembre 1927), au printemps de la même année voyage en Sardaigne avec l’écrivain Ludwig Mathar. Publication en 1929 de l’album photographique Visage d’une époque, qui offre au public un avant-goût des Hommes du XXe siècle. Sander donne une série de six conférences radiophoniques sur « l’essence et le devenir de la photographie » qui sont diffusées sur les ondes du Westdeutscher Rundfunk (1931). Membre de la SAPD, le Parti socialiste ouvrier d’Allemagne interdit depuis 1933, Erich, le fils de Sander, est dénoncé et condamné à dix ans de prison (1934). Les nazis stoppent par décret la diffusion de Visage d’une époque, les clichés d’impression du livre sont détruits. Les éditions L. Schwann de Düsseldorf et L. Holzwarth de Bad Rothenfelde publient six brochures consacrées chacune à la présentation d’une région d’Allemagne. Les photos d’August Sander qu’elles contiennent (on y trouve aussi quelques-unes qui ont été prises par Erich Sander, pour le compte de l’entreprise familiale) abordent différents sujets visuels, essentiellement centrés sur le paysage et l’architecture. Sander réalise aussi des études botaniques et de détail, par exemple des vues de mains. Le photographe exécute de nombreuses commandes dans les domaines de l’industrie et de la publicité. Les événements de la Deuxième Guerre mondiale obligent le couple à quitter Cologne. Le déménagement et l’installation dans le petit village de Kuchhausen, dans le Westerwald, s’effectuent progressivement à partir de 1942. Le studio de Cologne est détruit par des bombardements aériens. Sander parvient à sauver l’essentiel de ses archives et à les mettre en lieu sûr dans son nouveau domicile (1942/1943). Erich Sander, le fils d’August, meurt à la prison de Sieburg des suites d’une péritonite qui n’a pas été soignée (1944). 25 000 à 30 000 négatifs qui se trouvaient encore dans la cave de la maison de Cologne sont détruits par un incendie (janvier 1946). Malgré des conditions de travail très rudimentaires, Sander continue à se consacrer à ses nombreux projets photographiques. Il maintient aussi les contacts qu’il avait. À l’instigation du journaliste et promoteur de la photographie L. Fritz Gruber, uneexposition avec des travaux d’August Sander est présentée à la deuxième photokina de Cologne (1951) et l’année suivante, Sander reçoit la visite d’Edward Steichen, le directeur du département de photographie du Museum of Modern Art de New York (1952). Vente du portfolio Cologne comme c’était à la ville de Cologne (1953). Participation à la grande exposition itinérante The Family of Man conçue par Steichen (1955). Sander est nommé citoyen d’honneur de sa commune natale de Herdorf (1958). Le mensuel suisse du fait paraître un numéro spécial consacré à son œuvre (1959). Croix du mérite de première classe de la République fédérale d’Allemagne et prix culturel de la Société allemande de photographie (1960/61). Publication du livre Miroir des Allemands, avec une introduction de Heinrich Lützeler (1962). Anna Sander meurt le 27 mai à Kuchhausen. August Sander meurt le 20 avril à Cologne.