Marion Dubier-Clark a, pendant dix ans, de 1991 à 2001, arpenté la planète, de la Turquie aux Etats- Unis, de l’Espagne à l’Angleterre, jusqu’aux confins de l’Australie. De retour à Paris, elle poursuit son apprentissage de la photo et se lance, à l’annonce de l’arrêt du film Polaroid, dans une série en hommage aux icônes américaines. Marion vit et travaille à Paris.
« Sur les souvenirs d'un voyage d'enfance prolongé par la littérature et le cinéma, une jeune photographe entreprend en 2005 de redécouvrir son Amérique aux couleurs du film Polaroïd SX 70, dont on annonce précisément la fin. Projet d'artiste peut-être, mais sûrement volonté d'aller au-devant de la nostalgie, de fondre dans le même regard la passion des lieux et l'outil non moins aimé pour les peindre. Né au cœur du XXe siècle, le procédé de photographie à développement instantané prend sa part du bien-être immédiat et facile de l'American Way of Life qui donnait du rêve au monde en étonnant les Américains eux-mêmes. U.S.A. : le titre aussi bref qu'une ambition annonce donc le voyage intime de Marion Dubier-Clark quand elle se laisse guider par ses impressions bien plus que par un itinéraire. Marquées aux tonalités singulières d'un film qui aura bientôt rejoint sa propre mythologie, s'appropriant l'éclat solaire réclamé par une sensibilité paresseuse, empruntant aux cartes postales le bleu du ciel qui leur va si bien et au cliché la force des réminiscences, vingt-sept petites images carrées survolent le pays-continent pour atteindre ce que les États-Unis possèdent de plus précieux et d'unique. On pense bien sûr aux photographies de Walker Evans qui, de la jeunesse à la maturité, naviguent entre le document et les symboles, à la rhétorique de la couleur osée en son temps par William Eggleston. Mais d'assez loin, comme si la distance maintenue dans le parcours esthétique et sentimental préservait le mystère suscité par une lecture ou l'écoute d'une phrase musicale. Autant que la beauté puissante des camions, que le vertige des architectures, la statue de la Liberté perdue en figurine pour touristes, le déploiement tutélaire de la bannière étoilée sur un trio de mail-boxes et le ketchup prêt à jaillir participent à cette relation intime à un pays dont Marion Dubier-Clark parvient, mieux qu'une image, à exprimer l'idée. Comme un beau récit se laisse reconnaître en une de ses pages, la seule couverture de son livre suffirait à exprimer les USA tels qu'elle les aime, en fragments poétiques. Surpris dans sa méditation face à l'horizon de Coney Island, le promeneur solitaire nous transmet de son banc la plénitude d'un bonheur simple et entier.
Et le prodige se renouvelle en chacune des photographies que nulle logique ne vient lier sinon le dialogue en mode mineur d'une mise en page qui laisse un goéland de Santa Cruz saluer les antiques gratte-ciel du frontline de Manhattan, première vision des candidats au Nouveau monde. »
Hervé Le Goff