collection Guy Joubert - Marcelin Flandrin,Ecole de broderie, vers 1930.
Maison de la Photographie Robert Doisneau 1 rue de la Division du Général Leclerc 94250 Gentilly France
Une exposition née d’une collection privée est à la fois enthousiasmante et précieuse car elle porte en elle l’intérêt passionné du collectionneur et toutes les qualités propres à captiver le public. Ces photographies, souvent rares, recherchées longuement parfois, choisies et rassemblées, commencent une nouvelle vie en se trouvant ainsi réunies à d’autres. Sorties de l’oubli et associées entre elles, elles s’ouvrent à de nouvelles lectures, révèlent fréquemment des perspectives moins conventionnelles, voire inexplorées, de l’histoire de la photographie. Ainsi grâce à cette série exceptionnelle, on découvre d’emblée que les premiers photographes au Maroc ont été très peu nombreux et sont arrivés tardivement. Dès 1839, les photographes avaient pour principales destinations dans le bassin méditerranéen l’Italie, la Grèce, la Turquie, l’Egypte, la Palestine et l’Algérie, ceux-ci suivant généralement les campagnes militaires et les pénétrations coloniales, les missions archéologiques, diplomatiques ou religieuses, et s’installant au rythme de l’implantation européenne dans ces régions. Hormis Tanger, ville internationale et commerciale, le Maroc demeurera plus longtemps inexploré par les étrangers et ne se verra imposer un double protectorat, espagnol et français, qu’en 1912. Cette histoire différente infléchira sensiblement la pratique des photographes.
C’est ainsi que, contrairement aux vues récurrentes des sites archéologiques et des portraits figés de « types humains » qui dominaient ailleurs, beaucoup des premières photographies du Maroc échappent étonnamment aux stéréotypes de l’époque. Les photographes ne sont souvent que de passage et peu d’ateliers s’établissent, car il y a aussi peu de touristes, et des enjeux moins pressants semblent leur avoir donné une plus grande liberté. Et l’on peut admirer ainsi dans cette série de très belles scènes de rues et de marchés, sans artifices, où les flous et les personnages saisis partiellement dans le cadre, témoignent de l’activité habituelle des lieux. Certes les portraits codifiés sur fond peint ou décor arrangé existent également, car telle était la méthode de l’époque. Mais bien d’autres, réalisés avec plus de naturel, semblant improvisés dans la rue ou dans un jardin, dénotent plus de spontanéité. De même, de simples paysages ou de charmantes scènes de la vie quotidienne nous offrent une vision plus réaliste d’un pays et de son peuple, tout à fait étonnante pour cette période de la photographie.
Annie-Laure Wanaverbecq