
La photographie permet de vivre l’expérience d’instants de fascination mêlés de répulsion.
On retrouve un effet de dualité constante dans mon travail. Celui-ci touche des univers qui font peur, c’est avant tout une manière de vaincre ces peurs, comme de se plonger dans le deuil pour ainsi lui rendre une certaine valeur et fi nir par le reconnaître. La perte a toujours eu un rôle majeur, la perte comme disparition d’une personne ou d’un état. Ceci explique l’origine de mon intérêt pour la nuit, pour une descente vers l’inconnu.
L’Aster est une fl eur qui résiste à l’hiver, dans les poèmes expressionnistes elle symbolise le souvenir, un déchirement et la mort. Ce travail comporte un mélange de portraits, de scènes extérieures nocturnes et d’objets. Les images transmettent un sentiment d’angoisse, un embarras diffus, fait d’oubli et de refoulement. Elles renvoient par l’obscurité aux secrets qui sont cachés dedans. Le référent dans ce travail est toujours imaginaire. L’irréalité de tout ce qui est à l’extérieur de la conscience nous amène directement à la subjectivité.
Les longs temps de pose des prises de vues nocturnes ont pour but de rendre visible. Ils montrent des endroits sans nom, des lieux de passage vides. La lumière est faible et laiteuse et donne un minimum de clarté. Ce sont des natures mortes, fi gées et cernées de noir. Comme dans le clair obscur, où les choses existent seulement quand l’éclairage les dégage de l’obscurité, de la limite du perceptible. Dans ce monde imaginaire nocturne, la nuit fonctionne comme libération de la lumière aveuglante. Ce qui fait le lien avec les idées du romantisme noir*, ce monde fabuleux et lugubre. Le noir est tellement concentré et chargé qu’il attire finalement comme une lumière. L’univers nocturne touche le refoulement, c’est là d’où vient son côté répulsif et fascinant en même temps.
À partir d’une construction mentale, un univers visuel se crée. Toujours plus proche d’un sentiment que d’un endroit concret, l’artifi ce joue un rôle important. C’est un espace psychologique qui est transmis à travers la photographie, un aller-retour entre le dehors et dedans. Dans le souhait de représenter cela sans montrer trop de singularités individuelles, une certaine tension est créée entre imaginaire et monde réel. Le but est de donner via une perception extérieure un regard intérieur.
* E.T.A. Hoffmann / Edgar Allan Poe
Nicole Hametner