
Centre culturel Calouste Gulbenkian 51, avenue d'Iéna 75116 Paris France
Depuis la naissance de la photographie en 1839, les femmes photographes ont excellé dans la discipline. Leurs contributions ont pourtant été longtemps méconnues. L’exposition au Centre culturel Calouste Gulbenkian rend hommage à ces femmes et retrace l’histoire de la photographie, conjuguée au féminin.
Quand la botaniste Anna Atkins (1799-1871) publie en 1843/53 son ouvrage British Algæ, Cyanotype Impressions, une étude scientifique sur les algues illustrée de photographies, celui-ci précède en effet la parution de The Pencil of Nature (1844/46) de William Fox Talbot, longtemps considéré comme le premier livre illustré de photographies. Julia Margaret Cameron (1815-1879) commence à faire de la photo seulement à l’âge de 47 ans et invente l’art du portrait photographique.
De fait, les femmes photographes ont été prééminentes à tout moment dans l’histoire de la photographie, travaillant dans tous les genres et styles. Il est impossible de parler de pictorialisme sans prendre en considération le travail de Gertrude Käsebier (1852-1934) ou d’Anne Brigman (1869-1950).
De même, il est impensable de parler de modernisme sans évoquer Imogen Cunningham (1883-1976) or Florence Henri (1893-1982). Dans le domaine de la photographie documentariste, Dorothea Lange (1895-1965) est l’équivalent de Walker Evans. Au Portugal, la recherche accomplie par Maria Lamas (1893-1983) à la fin des années 1940 pour son travail épique Les femmes de mon pays (1947/48) est autant photographique qu’anthropologique et sociologique. La photographie mexicaine est dominée par des femmes, de Tina Modotti (1896-1942) et Lola Álvarez Bravo (1897-1993) à Graciela Iturbide (n.
1942). Un grand nombre de femmes ont influencé et façonné le langage et le caractère de la photographie, comme Lisette Model (1901-1983), Margaret Bourke-White (1904-1971), Diane Arbus (1923-1971), Sarah Moon (n.1940), Francesca Woodman (1958-1981) et Cindy Sherman (n. 1954).
Lee Miller (1907-1977) a découvert la solarisation par hasard – une technique ensuite explorée par son amant Man Ray.
Pourtant, quand on célèbre en 1989 le 150e anniversaire de l’invention de la photographie, les femmes n’obtiennent pas la reconnaissance qu’elles méritent : quatre femmes seulement comptent parmi les 97 photographes présentés dans l’exposition The Art of Photography 1839-1989 à la Royal Academy de Londres. On fait le même constat pour l’exposition gigantesque On The Art of Fixing A Shadow à la National Gallery of Art de Washington D.C., où les femmes représentent seulement dix pour-cent des photographes exposés.
Travaillant au sein d’un establishment masculin, les femmes ont dû faire preuve d’énergie et d’ambition hors-normes et prendre plus de risques pour réussir en tant que photographes. L’émergence aprèsguerre d’un pouvoir chauviniste dans les cercles des conservateurs, aux Etats-Unis comme en Europe, n’a pas contribué à améliorer la visibilité des femmes photographes. C’est seulement au cours de la dernière décennie que les femmes atteignent la pleine visibilité – voire une égalité totale – dans la scène photographique.
L’exposition Au féminin tente de contribuer à faire pencher la balance. Il y a déjà eu des expositions et des publications sur des femmes photographes auparavant, mais celle-ci est la première grande exposition entièrement dédiée à la féminité en tant qu’objet et sujet. Non seulement toutes les artistes sont des femmes, mais le thème aussi est la féminité, dans toute sa richesse et sa diversité. L’exposition rassemble le travail de plus de 100 femmes photographes du monde entier (Australie, Asie, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Afrique, Europe) et couvre l’histoire de la photographie dans tous ses genres, des années 1850 jusqu’à aujourd’hui. Témoignant de sa diversité, les différentes sections de l’exposition explorent des thématiques telles que le portrait, la maternité, le travail, la ville, la figure dans le paysage, le temps libre, la mode et la publicité, le nu, la fiction, les constructions et les métaphores. Mais Au féminin est après tout une exposition d’images photographiques, et non un essai politique sur leurs auteurs.
Commissaire de l’exposition : Jorge Calado
Professeur de chimie-physique à l’Université technique de Lisbonne depuis 1972, Jorge Calado collabore depuis 1986 en tant que critique de photographie et d’opéra à l’hebdomadaire portugais « Expresso ». A la demande du Ministère portugais de la Culture, il constitue entre 1988 et 1990 la Collection nationale de Photographie, intégrée depuis au Centre portugais de Photographie à Porto. Il a été le commissaire de plus d’une vingtaine d’expositions au Portugal et à l’étranger. Catalogue d’exposition : Un catalogue accompagnant l’exposition contient des reproductions de l’ensemble des photographies exposées.