"FILLES DE LUNE " Histoires en terres comoriennes Projet photographique de Pascal Grimaud
Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Expositions
Atelier De Visu 19 rue des trois rois 13006 Marseille France
Réalisation
En 2000, j'ai saisi l'opportunité d'un voyage à Madagascar («le bateau ivre », Images en Manœuvres Editions) pour me rendre aux Comores faire quelques repérages photographiques. A mon retour sur Marseille, j'ai pris contact avec des associations comoriennes, ce qui m'a permis de rencontrer des familles, d'assister à des manifestations culturelles et religieuses, et de constater que les pratiques traditionnelles se transformaient déjà sous l'influence occidentale.
Mon travail photographique s'oriente vers deux directions :il est une tentative, non seulement de constituer une mémoire visuelle du patrimoine culturel des Comores, mais aussi de participer à l'écriture d'une mémoire de l'exil, en rendant compte d'une identité en mutation, celle des migrants et plus particulièrement leur deuxième génération, qui cristallise par sa jeunesse le conflit entre modernité et valeurs ancestrales.
Des aller-retour fréquents entre les Comores et Marseille sont nécessaires pour mener à bien ce projet (trois séjours réalisés à ce jour), qui témoigne de l'appropriation par une population de territoires nouveaux, qu'ils soient imaginaires ou bien réels, dans son trajet de là-bas vers ici, de l'espace circonscrit de l'île à sa translation dans un tissu urbain mouvant. Ainsi, Marseille est appelée «capitale des Comores » parce qu'elle compte autant de ressortissants que Moroni, et, de Frais Vallon à la Savine, ces derniers se rassemblent en groupes solidaires, principalement déterminés par leur appartenance à tel ou tel village insulaire, reproduisant par le lien social des schémas qui étaient autrefois la conséquence de données géographiques. Chaque lotd'habitation possède donc sa propre salle de prière, école coranique, salle de réunion et son bangwe (place publique, lieu de socialisation masculine).
Description du travail à Marseille
La réalisation de ce travail me conduit vers une autre lecture de la ville, dans laquelle je deviens étranger, et où ma pratique urbaine s'apparente à un voyage, aussi déroutant qu'un séjour au long cours dans l'archipel. Où qu'elles soient faites, ces premières images sont le résultat d'une longue approche, et montrent les étapes d'une rencontre avec l'autre, qui apparaît d'abord comme un événement soumis aux aléas du parcours, avant de devenir le signe concret d'une compréhension plus claire du territoire, au sens où il est défini moins par des frontières établies que par des réseaux de relations humaines. De certaines photographies, il est difficile de dire où elles ont été prises : cette confusion participe de ma pratique, qui tente d'associer au genre documentaire des recherches plastiques, et où le contenu informatif s'estompe devant une exigence visuelle spécifique.
Première série :
Elle se compose d'images de format 24x36, et veut montrer comment l'appropriation par une population immigrée d'un espace inconnu est un acte créateur, au sens démiurgique d'invention du monde. Par conséquent, il m'importe moins de faire un compte-renduprécis de situations typiques (mariages, cultes…) que de rendre visibles les signes parfois inattendus d'une cohésion en train de se faire, avec ses sursauts d'étrangeté. C'est pourquoi j'ai choisi d'utiliser principalement le noir et blanc, afin de traiter de la façon la plus neutre les divers éléments de cette intégration, et d'éviter de mettre en avant des détails tels que les vêtements très colorés des femmes comoriennes.
Deuxième série :
Portrait : pour des rencontres plus intimes faites par la suite, au cours desquelles peuvent s'exprimer des individualités, avec leurs histoires personnelles souvent chargées de doutes, loin de l'animation des fêtes collectives et des mouvements du groupe. Dans le contexte clos d'une pièce à l'occidentale, j'ai commencé à réaliser des portraits au Polaroïd, comme autant de photos d'une identité en devenir. Ce procédé me permet de laisser une image de la séance à la personne photographiée, et de disposer par la suite du négatif pour réaliser un agrandissement.
Description du travail aux Comores
Des prises de vues ont lieu sur les quatre îles, bien que, comme je l'ai déjà souligné, Mayotte ait un statut singulier de territoire d'outremer. Il s'agit pour moi de tenter de cerner les spécificité de la culture comorienne, dans ses mythologies et ses pratiques, mais aussi les transformations qu'elle subit avec notamment le retour au pays des je-viens, ces immigrés qui reviennent de France le temps de célébrer les fêtes traditionnelles telles que le anda ou grand mariage, et qui sont accueillis avec toute l'aura que leur confère une supériorité économique.
A ce travail, je souhaite associer des échanges avec les artistes locaux. Lors d'un précédent séjour à Moroni, j'ai rencontré le peintre Modali, que j'ai présenté au Château de Servières pour qu'il y soit invité en résidence ; son séjour s'est achevé sur une exposition en octobre 2001, à laquelle j'ai également participé. Au cours du prochain et dernier sejour à Moroni,un atelier photo est prévu au sein de l'Alliance franco-comorienne.
En travaillant sur l'archipel des Comores (ainsi que Mayotte) et sur la ville de Marseille, ce projet propose une écriture d'une mémoire de l'exil, ou la notion de l'identité du migrant est au cœur de la problématique de nos sociétés contemporaines.
Pour conclure, je dirai que la lenteur est un fait que j'assimile à un procédé (images floues, longues poses, mais aussi attente d'une lumière ou d'un visage), dans la mesure où je me demande ce qui a pour moi valeur d'événement quand, loin des spasmes de l'actualité et donc hors-champs, j'essaie dedemeurer longtemps au milieu d'inconnus, afin que mon regard ne risque plus d'être obscène. Le temps de la prise de vues est pour moi celui du voyage, l'instantané se distend jusqu'à durer deux mois. Toutes les images sont déjà là, puisque par hasard.
Exposition
Une exposition est programmée au cours de l'hiver 2004/2005 à l'Alliance franco-comorienne de Moroni, (images déjà exposées sur Marseille au Château de Servieres, Atelier De Visu, Théâtre Carpe Diem, La Busserine), avec au cours du séjour la mise en place d'un atelier avec de jeunes photographes comoriens. Puis au mois de mai à la galerie Africum Vitae, à Marseille et au cours de la saison 2005/2006 à la galerie L'Atelier de Visu.
D'autre part, le travail fait l'objet d'un montage diffusé sur le site de la revue photographique en ligne bruitdimage.com et lors de projection publique (Confluence à Paris, festival de photo à Bruxelles…)
40 tirages argentiques format 40*50.
Edition
Une publication de ce travail (catalogue) est envisagée au début de l'année 2005, avec la participation de l'écrivain comorien Soeuf Elbadawi aux éditions Images en Manœuvres. Le catalogue retrace l'ensemble du travail réalisé depuis septembre 1999. Il sera disponible aux Comores à la bibliothèque de l'Alliance franco-comorienne, au Centre de ressource de Moheli et au Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique (CNDRS), à Marseille, au niveau des associations importantes comoriennes telle la FECOM, le CRDAC, mais aussi dans le circuit des bibliothèques de quartier et de l'Alcazar…De plus, l'éditeur s'engage à le diffuser auprès des librairies spécialisées et lors des salons (Paris photo,….)
La maquette de l'ouvrage joue sur la confusion des lieux et des situations, confusion propre à chaque exil ou les rêves d'un ailleurs se confondent avec un imaginaire insulaire. Les tenues vestimentaires se ressemblent, les décors urbains peuvent induire en erreur , Marseille ou Moroni ? Cet ouvrage constitue une mémoire visuelle d'une immigration contemporaine. Les informations concernants les photographies (dates, lieux…) serontà la fin du catalogue pour laisser cours au récit.
Calendrier
- A partir de septembre 2004:fin du travail sur Marseille. (financement ville de Marseille. DGAC)
- Début 2005 : résidence aux Comores. Exposition à l'Alliance Franco-comorienne de Moroni, rencontres et ateliers avec de jeunes photographes comoriens. (co-financement ville de Marseille -Alliance franco-comorienne)
- mai 2005 : exposition à la Galerie Africum Vitae, Marseille.
- septembre 2005 : Maquette, numérisation des images, impression du catalogue
- Hiver 2005/2006 : exposition Atelier De Visu, Marseille.