Thomas Rigade, Prix CAFéFOTO Paris
Thomas RIGADE est un jeune photographe formé à l’atelier photographique de l’espace Saint Cyprien à Toulouse. Il cherche dans ses nus féminins à révéler les corps à travers leur géométrie. Ses images, à la matérialité fragile, oscillent entre ombre et lumière, entre rêve et réalité.
A propos des nus
Quand on parle du corps d’une femme, on évoque généralement ses courbes. L’esprit serait-il à ce point étriqué ? Pourquoi taire tout le reste, ces volumes qui forment également lignes, segments brisés, trapèzes, polygones et jusqu’à des figures.
Ici nulle trace d’Éros, le pauvre a été renvoyé à l’état de mythe, il n’a pas été intégré au projet. Son sujet ? Traité de géométrie.
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De même, j’imagine que ces petites tâches brunes qui parsèment mes images sont des éphélides déposées là par un soleil coquin qui aurait voulu accentuer la ressemblance de ces « peaux photographiques » (le traitement chimique apporte à ces polaroids reliefs, gonflements et craquelures, une troisième dimension les rendant presque vivants) avec les peaux humaines des jeunes femmes que je photographie. Quoi de plus normal quand on sait que les racines grecques du mot éphélide désignent une action du soleil pour produire un résultat. De la photographie donc.
Photo-graphe, Philippe Bernard joue avec la lumière et construit ainsi des images souvent ambiguës, aux frontières de l’apparition et de la disparition. Dans une démarche singulière autour du blanc et de la clarté, il questionne de manière originale la forme photographique avec un àpropos stimulant pour le spectateur.
Dégénérés
ou comment je suis devenu l'ombre de moi-même Dégénérer, c’est perdre ses qualités naturelles. C’est aussi perdre son genre. Nous font face des silhouettes détourant une réalité comme diluée, où les objets et les lieux photographiés ont perdu leur qualités naturelles, où l’humain n’a plus de genre, condensé en une forme fantomatique et flottante, comme une apparition. Le reste, l’environnement, ce qui est d’ordinaire photographié a disparu, surexposé.
Ici, c’est l’ombre qui est le sujet. Ce qu’il y a dans l’ombre. Les objets et les lieux deviennent couleurs et matières ; elles tissent avec la silhouette de l’ombre portée du photographe des rapports étranges, entre scénographie absurde et questionnement angoissant. Le fond blanc surexposé isole radicalement ces personnages universels, prélevés à la surface des apparences pour nous parler de l’invisible.
Puisque photographiques, ces autoportraits sont la trace d’une réalité concrète – « ça a été » – mais bien au-delà, ils provoquent d’autres résonances. Des réseaux organiques affleurent, l’ombre est comme un écorché, l’intériorité semble mise à nu. Comme si le tréfonds se donnait à voir. Dans tous les sens du terme, une pro-jection.
Projeter, c’est aussi parier sur l’avenir. Ici, une vision désenchantée de ce qu’il pourrait être. A la fois radieux et coloré, angoissant et mortifère. Comme si, après une catastrophe, ne restaient que les ombres et les couleurs...