Institut Culturel Mexicain 119 rue Vieille du Temple 75003 PARIS France
Sector Reforma • Andrés Carretero • Livia Corona • José Luis Cuevas García • Gerardo Montiel Klint • Oswaldo Ruiz
Exposition présentée dans le cadre de PHOTOQUAI, 2e Biennale des Images du Monde
En partenariat avec le Musée du Quai Branly
Commissaires : Francisco Mata et Alejandro Castellanos
PHOTOQUAI, festival d’envergure internationale dédié à la photographie contemporaine, a pour but de révéler au public, tant amateur, collectionneur que professionnel, les nouveaux talents d’aujourd’hui du monde entier. Festival de révélation plus que de consécration, PHOTOQUAI privilégie le contemporain sans exclure pour autant les artistes appartenant à une histoire de l’art et de la photographie.
Dans la même logique du choix des artistes, les commissaires associés des expositions sont originaires de pays non occidentaux, à l’instar d’Alejandro Castellanos, Directeur du Centro de la Imagen de Mexico.
Six projets de photographie mexicaine contemporaine
D’un point de vue historique, il semblerait que tous les cent ans, depuis le début de la guerre d’indépendance de 1810, le Mexique passe par un processus de transformation de ses structures politiques et sociales. Il en fut ainsi avec la Révolution de 1910, tout comme aujourd’hui, alors que le pays passe par une période de transition qui a conduit ses artistes à adapter leurs discours à l’urgence d’une réalité changeante, identifiant ainsi un moment de métamorphose, un prélude à partir duquel peut se profiler l’émergence du XXIe siècle, ses perspectives et ses défis.
Dans ce contexte, l’exposition « Umbrales/Seuils » présente l’oeuvre photographique d’un collectif (Sector Reforma, composé de Javier Cárdenas, Santino Escatel et Alejandro Fournier) et de cinq auteurs (Andrés Carretero, Livia Corona, José Luis Cuevas, Gerardo Montiel Klint et Oswaldo Ruiz), lauréats de la XIIIe Biennale de Photographie, organisée par le Centro de la Imagen en 2008-2009.
Dès ses débuts, en 1980, la Biennale de Photographie a fonctionné comme la plateforme la plus importante pour la consolidation de la carrière des lauréats dudit concours et a servi d’observatoire des tendances émergentes du milieu au Mexique. En ce sens, il convient de noter que le groupe d’auteurs présents dans « Umbrales/Seuils » représente clairement la plus récente génération d’artistes mexicains venant renouveler la manière de créer et de penser les images dans le pays. Aussi, Livia Corona, Gerardo Montiel Klint et Oswaldo Ruiz développent-ils des métaphores autour de la société mexicaine à partir de l’espace et de la mise en scène, tandis que Andrés Carretero, José Luis Cuevas et Sector Reforma analysent l’identité des minorités et les secteurs populaires urbains.
Chacun de ces artistes a pour dénominateur commun son indépendance par rapport à ses pairs. Formés professionnellement dans différents processus et pays, et habitants de diverses villes (Monterrey, Guadalajara, Mexico et New York), ils nous montrent la diversité et les nuances qui caractérisent le Mexique contemporain, mais surtout la manière dont est renouvelée la riche tradition créative de la photographie mexicaine.
© Alejandro Castellanos, 2008
Historien de la photographie mexicaine, Alejandro Castellanos est l’actuel Directeur du Centro de la Imagen de Mexico, Conseil National pour la Culture et les Arts au Mexique.
GERARDO MONTIEL KLINT
VOLUTES DE FUMEE Nous vivons dans la plus pure extase de visions délirantes et terrorisantes. Cette désastreuse tragédie humaine est, sans aucun doute, la métaphore du commencement d'un obscur, terrible et indomptable nouveau millénaire. Un imaginaire collectif pour un Mexique aussi dispersé que le sont ses géographies, latitudes, chromatismes, pulsions et répulsions. Se jucher sur un tel tourbillon d'événements revient à perdre l'occasion unique d'être un témoin oculaire. L'expérience esthétique la plus profonde réside dans le trouble de l'âme… la douloureuse catharsis dans un imaginaire digne de notre temps.
GERARDO MONTIEL KLINT (Mexico, 1968) a étudié le Design Industriel à l'Université Iberoamericana. Il a réalisé des expositions individuelles et collectives au Mexique, aux Etats-Unis, en France, en Espagne, en Italie, au Japon et en Chine. Membre du Système National de Créateurs Fonca (2004-2006), il s'est vu remettre de nombreuses distinctions dont le Prix d'Acquisition de la XIe Biennale de Photographie, le Grand Prix Omnilife 2000 et la résidence artistique Fonca/ Banff Center en 2001 et 2002-2003. Son oeuvre a été publiée dans Mapas abiertos (Lunwerg), Conversaciones con fotógrafos mexicanos (Gustavo Gilli) et Luna Córnea, entre autres. Il a publié le catalogue Transmigración en 1999 et les monographies De cuerpo presente (Artes de México, 2007) et De cuerpo ausente en paraje desconocido (Mestizo,
Espagne, 2007). Son oeuvre fait partie des collections Centro de la Imagen, Museum of Fine Arts, Houston, SFCameraworks, Wittliff Gallery, Texas, Museet for Fotokunst, Danemark, Nave K, Espagne, Musée d'Arts Photographique Kiyosato, Japon et Musée de Guangdong, Chine.
ANDRÉS CARRETERO
PHÉNOTYPES En 2007, j'ai photographié l'une des minorités les plus fascinantes de notre société: la communauté albinos. J'ai essayé de me rapprocher de ces personnes que la société elle-même a mises de côté. Avec mon appareil photo, je me suis attaché à documenter et à capturer le sentiment d'identité et d'appartenance à ce groupe de Mexicains. Ironiquement, j'ai choisi des scénarii qui montreront cette communauté hors de son contexte : la plage, des fabriques de glace et des espaces ouverts où certains se sont trouvés plus exposés à l'environnement que d'autres. Toutefois, tous ont gardé un certain air de grandeur et de supériorité.
ANDRÉS CARRETERO (México, 1981) a étudié à l'International Center of Photography (ICP) et à l'Université Anáhuac. Il a réalisé deux expositions individuelles, a participé à des expositions collectives au Mexique et en Espagne et a publié le catalogue Fenotipos en 2008. Il a obtenu le premier Prix du Club Jaguar de Mexico 2005 et son oeuvre a été publiée dans Celeste, Condesa DF et le catalogue de la Foire d'Art Contemporain 2008. Son oeuvre fait partie des collections Teófilo Cohen et Fundación Jumex.
LIVIA CORONA
DEUX MILLIONS DE MAISONS POUR LE MEXIQUE L'objet de ce travail est de montrer la physionomie des nouvelles infrastructures urbaines et de tirer de cette analyse la nécessité de reformuler notre notion traditionnelle de “communauté” et de “foyer”. Le projet s'apparente à une rupture : plusieurs aspects de l'habitat postmoderne sont dévoilés, considérant les obsessions régulatrices du capitalisme de notre époque et l'imagination de l'individu face à cette dégradation. Dans le même temps, photographier les habitants de ces nouvelles zones résidentielles au sein de leur maison, dans leur espace public limité, auprès de leur famille et de leurs biens, révèle le rôle que joue l'architecture dans la transformation actuelle des modes de vie de millions de Mexicains.
LIVIA CORONA (Ensenada, Mexique, 1975) a étudié les Arts Plastiques à l'Art Center College of Design de Californie et participé à diverses expositions collectives. Récemment, dans Parientes de ocasión au Centro de la Imagen et Citámbulos, El transcurrir de lo insólito au Deutsches Architektur Zentrum de Berlin. Elle a reçu de nombreuses distinctions, à l'instar d'un Real Photography Award (Rotterdam), d'un Sony World Photography Award (France) et du Prix de la Photographie PX3 (Paris). Son oeuvre a été publiée dans El Universal, Gatopardo, The New York Times, Magenta Magazine, Domus Magazine et PDN.
JOSÉ LUIS CUEVAS
Si les grandes choses vont mal,
c'est uniquement parce que les individus vont mal.
C. G. Jung
L'HOMME MOYEN Le citoyen lambda reflète, dans l'expression de son visage, un état d'esprit semble-t-il généralisé : fatigue, tristesse ou vide et dans le même temps maintient une expression rigide, renfrognée, énervée, presque toujours provocante. La série L'homme moyen présente des employés de bureau et des salariés abordés sur leur trajet quotidien dans la ville de Mexico. Le résultat, des portraits de gens au visage similaire à celui de millions de personnes, qui ensemble composent une société à visage unique.
JOSÉ LUIS CUEVAS (Mexico, 1973) est diplômé d'un troisième cycle en Visualisation Créative de l'Université de la Comunicación et a suivi le Séminaire Intégral du Document et de la Fiction au Centro de la Imagen. Son oeuvre a été intégrée à diverses expositions collectives au Mexique, en Allemagne, en Espagne, en France et en Chine. Il s'est vu décerner diverses distinctions. Boursier du programme Jeunes Créateurs du Fonca (2007-2008) et sélectionné pour le programme Découvertes de PhotoEspaña 2008. Son travail a été publié dans le catalogue de PhotoEspaña, Vice Magazine, Cuartoscuro, La Jornada, Reforma, El Universal, Diario Monitor et El País. Son oeuvre fait partie des collections Fotografía Mexicana de la Margolis Foundation et de la Photothèque de Pachuca (INAH).
SECTOR REFORMA
(JAVIER CARDENAS TAVIZON, SANTINO ESCATEL, ALEJANDRO FOURNIER)
PERSONNE NE SE SOUVIENT DE TOUT La mémoire collective est un acte qui, habituellement, se produit de façon segmentée à partir des faits qui subsistent dans l'imaginaire quotidien d'une société spécifique. Fragments de sensations qui consolident l'identité d'un lieu, reconfigurant la réalité comme un inconscient accord commun. Ce que l'on entend par expériences reconnaissables sont des événements esthétiques qui surprennent notre esprit de manière naturelle, faisant naître en nous diverses façons de voir et de percevoir l'environnement dans lequel nous évoluons, qui s'articulent comme base initiale à des expériences postérieures à l'état “paroissial” des personnes.
L'expérience esthétique obtenue à partir des oeuvres d'art ne reflète pas nécessairement une réalité littérale ou immédiate, au contraire, elle fragmente des situations spécifiques comme des rencontres actives de l'espace où elles apparaissent générant un état alternatif à ce que l'on a face à nous, disposé à être découvert comme un événement singulier. Ce qui se trouve sous nos chaussures et nous plonge dans une atmosphère territoriale peut être à présent le point de départ pour connecter les époques, les environnements et les mémoires. Un azulejo de Guadalajara (tapatío), les lignes du coffre d'une voiture ou le caractère érotique d'un chrome déniché dans un atelier de mécanique, peuvent être les déclencheurs d'expériences anthropologiques, à partir de leur décontextualisation, s'ils sont reconnus et définis comme détenteurs d'énergie vivante et plastique. Exercice qui parfois s'éloigne de l'expérience scientifique, mais qui développe le langage poétique et permet aux êtres humains de s'affirmer en tant que tels, par leur incapacité à se soumettre totalement au monde.
La série Personne ne se souvient de tout décrit une zone proche du quartier de Analco, lieu d'où sont originaires divers emblèmes de la popularité de la ville de Guadalajara, et où s'est installée la Galerie Sector Reforma Arte Contemporáneo. Cette série vise à attribuer à l'idée de contexte local,
une valeur essentielle fondée sur la transposition territoriale d'éléments significatifs permettant des dynamiques de quartiers, en présentant le musée comme un lieu de rencontre actif entre visiteurs, oeuvres et institutions, interrogeant dans le même temps les différents environnements dans lesquels évoluent lesdits acteurs, ainsi que les multiples situations que l'on rencontre dans les villes.
Il se peut que personne ne se souvienne de tout parce que cela n'est pas nécessaire, peut-être nous souvenons-nous de ces éléments ordinaires lorsque quelqu'un nous les expose comme des événements extraordinaires, à la recherche de nouvelles possibles compréhensions de ce qui nous entoure et nous identifie formellement en tant que partie intégrante d'un contexte spécifique. David Miranda.
SECTOR REFORMA (Guadalajara, Mexique, 2003) est un espace indépendant dirigé par les artistes visuels Javier Cárdenas Tavizon, Santino Escatel et Alejandro Fournier. Il a réalisé des projets artistiques, curatoriaux et muséographiques, récemment à l'Atelier de Création In Situ du Musée Expérimental El Eco et Personne ne se souvient de tout au Musée de la Ville de Guadalajara. Il a obtenu la bourse du programme Jeunes Créateurs du Fonca (2008-2009) et la bourse de Coinversiones du Fonca pour le livre-anniversaire Sector Reforma 2003-2008. Son oeuvre a été publiée dans Primer Fila et Proceso.
OSWALDO RUIZ
LE DEUIL HUMAIN, ANÁHUAC
Quand dans la nuit le vent rugit et ses mille chaînes battent la terre, l'esprit retourne à ses origines, à ses effroyables prémices, quand il n'y avait rien d'autre que les premiers signes de terribles gémissements. José Revueltas
J'ai utilisé des lampes sur roues, alimentées par des moteurs à essence pour illuminer les maisons au milieu de la nuit, comme s'il s'agissait de monuments.
J'ai trouvé intéressant de souligner leur caractère sculptural afin de produire un sens théâtral qui encadre la présence humaine dans ces vestiges contemporains, résultat de politiques économiques incongrues et du changement de mode de vie dans notre pays. Les maisons ont peu à peu revêtu une apparence incivile, couvertes d'herbe et colonisées par les fourmis et autres animaux.
Ces maisons se situent dans la zone connue sous le nom de “La 15e”, un quartier d'irrigation d'Anáhuac, au nord de Nuevo León. Dans les années 30, ce quartier fut le théâtre du Deuil humain de José Revueltas. Dans ce roman, les champs se sont asséchés et la politique agricole n'a pas été en mesure de les récupérer, les habitants meurent dans l'abandon et la pauvreté. Soixante-dix ans plus tard, les politiques ne se sont pas améliorées et la terre se meurt toujours, arrachant la vie à ses habitants. Depuis les premières sécheresses au début des années 90, les cultures ont été détruites, les gens de l'Anáhuac ont abandonné les champs et leur domicile pour émigrer vers d'autres lieux, comme les Etats-Unis. Aujourd'hui, seules quelques rares maisons sont encore habitées.
Telle est l'histoire du nord du Mexique et d'une partie de mon archéologie personnelle. L'une de ces maisons est celle de ma grand-tante, Tina Chapa, à qui nous rendions visite chaque année avant que ne commence l'exode. Ma tante fut contrainte d'abandonner sa maison, accompagnée de son époux, Pepe Salazar, qui nous a quittés au début de l'année. Certains anciens comme Doña Juanita Villanueva et Juan Antonio Mejía moururent s'accrochant à leur maison, sur une terre stérile; leurs enfants fuirent vers d'autres terres. Personne ne voulut rester sur une terre aride, sans pluie, près d'un fleuve inutile et près d'un barrage inutilisable… José Revueltas.
OSWALDO RUIZ (Monterrey, Mexique, 1977) est diplômé d'un master en Arts du College of Art and Design de Londres. Il a participé à diverses expositions collectives au Mexique, en Argentine, au Brésil, en Espagne, en France, au Portugal, au Royaume-Uni et en Russie. Il a à son actif trois expositions individuelles et a reçu de nombreuses distinctions. Il a obtenu la bourse du programme Jeunes Créateurs du Fonca (2005) et la bourse du programme de Soutien pour Etudes à l'Etranger du Fonca (2006). Son travail a été publié dans le journal El Norte et le catalogue Los nuevos leones (Forum Monterrey, 2007). Son oeuvre fait partie de collections privées, Collection Cisneros de Miami et FEMSA.