Photographies de FRANÇOIS-MARIE BANIER, CHUCK CLOSE, JIM DINE,
ADAM FUSS, JENNY HOLZER, ROBERT LONGO, JACK PIERSON,
ROBERT RAUSCHENBERG, DONALD SULTAN, WILLIAM WEGMAN
“Depuis l'enfance, je suis subjugué par la beauté de l'image imprimée. À l'âge de
dix ans, je me suis fabriqué une presse sur le modèle original de celle de Gutenberg,
avec l'encre, les rouleaux, et la première page de la Bible. Je suis manifestement
attiré depuis toujours par la technique et l'envie de produire les meilleures impressions possible.(…) 1978, année où Apple a sorti son premier ordinateur, a été un moment détermi
nant de ma recherche. J'ai emmené ma femme, Laurie, le voir, et me suis débattu
avec une manette pour simplement dessiner un personnage rudimentaire.
Complètement séduit, je me suis laissé captiver par ce nouveau monde, l'informa-
tique.
J'étais lithographe, et j'ai compris qu'il serait de plus en plus difficile de poursuivre
ces deux approches différentes de l'impression. En 1993, j'ai acquis ma première
imprimante Iris 3047, et très vite saisi que l'impression numérique, si précise et en
perpétuelle mutation, me conviendrait parfaitement. Bientôt, mon atelier de litho
graphie est devenu un atelier de numérique.
En 1995, j'ai rencontré Chuck Close et lui ai montré les impressions qu'avait données mon imprimante. Très réceptif, Chuck a donné son accord pour que je fasse des essais. Ensemble, nous avons décidé de produire une série d'images à partir de ses grands tirages Polaroid. Cette idée allait lui permettre de créer des éditions à partir d'un seul Polaroid. Mon atelier a commencé, là, à devenir un point de repère pour les plasticiens
et les photographes curieux de cette nouvelle technologie.(…) J'ai fait la connaissance de Jim Dine, qui est venu voir mon atelier à Washington, DC. Jim Dine ramasse dans l'atelier tous les objets qui l'attirent. Rien n'est sacré, rien n'est trivial pour lui : flacons de produit ménager, craie, peinture, os, tissu, détritus de la vie, tout, grâce à son imaginaire foisonnant, lui sert à créer de l'art. Une nuit, il m'a appelé pour me demander si j'avais un lit en trop et si je pouvais l'apporter à l'ate-lier. Je me suis dit qu'il souhaitait travailler tard le soir et dormir sur place. Jim n'aime pas qu'on le mater-ne trop ; il faut lui montrer le minimum d'attentions ; de toute façon, quand il est perdu, il demande de l'ai-de. J'ai donc apporté un matelas. Une heure plus tard, j'entends sonner l'alarme de l'atelier, et je sens une odeur forte et âcre de brÛlé. Je me précipite dans la “pièce de Jim”, et je trouve mon matelas découpé, avec des bougies allumées fichées dedans, des poèmes gribouillés sur mes oreillers et mes draps ; le tout était transformé en un autel, qui avait pris feu.(…) Nous avons numérisé les chrysalides vivantes de papillons que nous a apportées Adam Fuss ; comme la chaleur du scanner les réveillait, il nous fallait courir sans arrêt les mettre au congélateur pour éviter qu'elles éclosent. Une autre fois nous avons assisté avec angoisse à la séance où le même Adam a cassé des oeufs qu'il a répandu sur la surface de notre scanner à 60 000 dollars. Depuis ces expériences, j'ai travaillé avec plusieurs des artistes les plus inventifs du monde. Ils commencent souvent avec un négatif, une diapositive, un tirage, ou un objet. On le numérise, soit avec notre appareil à haute résolution, soit avec notre scanner Scitex. Corrigées, nettoyées, transformées, leurs images sont ensuite imprimées à partir d'un petit format sur des supports divers. Les auteurs proposent
des modifications et, dès que les corrections sont au point, nous commençons à produire les tirages. Ce processus peut demander des jours, des semaines, ou des mois, cela dépend de l'artiste. Aujourd'hui, on utilise les deux modèles d'imprimante Epson 9600, la Mimaki JV4160,
qui est une grande imprimante à jet d'encre, et l'Ixia, la version la plus récente de l'Iris, avec laquelle tout a commencé. En raison de la réputation de l'atelier, on nous demande souvent de faire les cobayes et de tester cette technologie émergente. Les oeuvres les plus récentes que montre l'exposition de la Maison Européenne de la Photographie représentent la pointe de l'impression numérique. Pour nous tous, à l'atelier, intervenir dans le processus de création, du début à la fin, c'est précieux. Ça a été et c'est toujours une aventure formidable.” © Robert Longo Extrait du journal de David Adamson du catalogue de l'exposition, “Atelier Adamson” (Steidl Verlag, Göttingen, 2005)
BIOGRAPHIE Né en Angleterre, David Adamson a étudié la sculpture à l'université de Newcastle, puis les techniques d'im-pression expérimentales à la Slade School of Fine Art. Il a ensuite travaillé pour Petersburg Press, à Londres, où il a réalisé des impressions pour des artistes de l'envergure de James Rosenquist, Claes Oldenburg et Henry Moore. Grâce à une bourse Fulbright il part compléter sa formation de lithographe à l'Institut Tamarind, au Nouveau-Mexique. Il rentre à Londres pour enseigner dans de prestigieuses écoles des beaux-arts. À l'invitation du graveur
anglais Norman Ackroyd, il retourne aux États-Unis en 1978, à Richmond, en Virginie, où il fonde d'abord un atelier d'impression, puis son propre atelier de lithographie. Il le transfère l'année suivante à Washington, et inaugure en même temps une galerie d'art, qu'il dirige avec sa femme, Laurie. En 1984, Adamson entre dans l'équipe Macintosh, pour laquelle il crée des logiciels appliqués aux beaux-arts. L'année suivante, il fonde, à l'école Corcoran de beaux-arts de Washington, le premier département informatique.
En 1993, il transforme son atelier d'impression, et le dédie entièrement à l'impression numérique. Aujourd'hui, David Adamson travaille, entre New York, Washington et l'Europe, avec les artistes dont il est proche.
François-Marie Banier Les photographies de François-Marie Banier expriment tour à tour ou quelquefois mêlés, le sublime, le dérisoire, le burlesque, le tragique, l'ironie, la joie, la mélancolie, le temps qui passe, le temps qui vient. S'effaçant devant ses modèles, Banier fait de la photographie une histoire personnelle sans jamais dire “je”. Déclinaisons de pures visions tout autant que preuves d'amour, ses portraits sont sommes d'émotions, d'histoires qu'il raconte en romancier épris du secret de ses personnages. À travers les êtres que Banier nous fait découvrir s'esquisse aussi le portrait du photographe. Ce ne sont pas des types sociaux qu'il décrit, mais des individus de passion, de silence et de grâce.
Depuis la fin des années 80, François-Marie Banier écrit sur ses photographies, alignant ou bousculant les phrases à même l'image. Signature visuelle immédiate, l'encre fait écho à l'ombre et à la lumière, au noir et au blanc, trajet qui déjà anime l'instant fixé. Il s'empare de la photographie comme s'il avait long-temps souffert du silence de ces clichés, de ces réalités finies. En 1997, Banier commence à peindre sur ses photographies
qui sont le développement naturel des photos écrites. Qu'il écrive ou qu'il peigne sur ses photographies, François-Marie Banier suit toujours la ligne qui le relie à son sujet, raison peut-être pour laquelle souvent il épargne les visages, dernier lieu sacré.
Chuck Close La composition et le sujet des tableaux de Chuck Close sont restés les mêmes depuis ses débuts en 1967 : la reproduction en gros plan de la figure humaine. Rejetant tout traitement humaniste des visages, il les traite comme une carte dont la topographie est uniformément intéressante. Le front, les yeux, les joues ou le menton font l'objet d'un intérêt égal. Il s'intéresse au flou que l'oeil humain élimine mais que l'objectif permet de voir. Il a été étroitement lié, dès ses débuts, au mouvement hyperréaliste. Chuck Close prend des sortes de photos d'identité, des Polaroids au format 60/51 cm ; le sujet peut se voir instantanément, ce qui permet de discuter des prises de vue et d'en faire d'autres s'il ne se reconnaît pas. Celles-ci sont exécutées en noir et blanc et en couleur. © Chuck Close Il dessine ensuite sur acétate une grille posée sur le Polaroid. Celle-ci est ensuite reproduite
sur la toile; ce n'est qu'après que la peinture est exécutée : Close travaille de gauche à droite en procédant par groupes de 4 carreaux composant chacun les pièces d'une sorte de puzzle. Jamais la peinture de Chuck Close n'a été aussi intuitive.
Jim Dine Né en 1943, à Cincinnati (Ohio, États-Unis), Jim Dine connaît, dès le début de sa carrière,
un renom international. Au cours de ces trente dernières années, Dine a participé aux mouvements esthétiques les plus influents et les plus importants, dont le Pop Art. Il a exposé
dans les galeries et les musées les plus prestigieux d'Amérique et d'Europe, parmi lesquels le Centre Georges-Pompidou et le Guggenheim Museum de New York. L'oeuvre, monumental,
de cet artiste au talent diversifié comprend aussi bien des peintures et des sculptures
que des dessins et des estampes, Dine maîtrisant chacune de ces techniques avec un brio tout à fait exceptionnel. À ce jour, Jim Dine a été professeur invité dans plusieurs universités
à travers le monde. On peut se demander pourquoi il a mis si longtemps à s'intéresser à la photographie. La réponse est que la photographie ne lui semblait pas offrir toutes les possibilités que son art exige. Jim Dine a toujours été intéressé par la texture chatoyante des objets et l'ambiguité Aux robes, coeurs, cravates et outils que Dine a peints et dessinés dans les années 70 et 80, manque la présence humaine, mais ils possèdent curieusement une sorte de présence inanimée.
À l'inverse, les autoportraits, les nus féminins, les mains, reproduits de façon obsessionnelle et répétitive à la peinture et à l'encre, peuvent être facilement interprétés comme des signes d'absence. Le but n'est pas tant psychologique
que métaphysique : Dine travaille et retravaille ses objets pour les transformer, pour modifier leur signification
au cours de ce processus.
Adam Fuss Né en Grande-Bretagne en 1961, Adam Fuss vit et travaille à New York, après avoir grandi en Angleterre et en Australie. Il a étudié à l'Australian Center of Photography et a travaillé en qualité
d'assistant dans un studio de photographies commerciales. Après de nombreux voyages aux Etats-Unis, il s'y installe définitivement en 1982. Dans les années 1980, il commence à photographier
avec un appareil à sténopé, réalise des photogrammes et des daguerréotypes, et se concentre plus particulièrement sur des sujets qu'il trouve dans la nature, comme de l'eau, des animaux, des plantes et des personnes, et les met en scène comme des vêtements ou des sculptures. Cet artiste utilise les éléments les plus basiques de la photographie et ignore souvent les techniques modernes, il préfère utiliser les méthodes des maîtres de la discipline tels que Fox, Talbot, Daguerre et Marey.
Jenny Holzer Elle s'est fait connaître en apposant des affiches sur le murs de Manhattan en 1978-1979 - affichettes qui comportaient
des suites de phrases courtes, sortes de lieux communs du discours ambiant qu'elle désignait du terme de Truismes. Ce geste de reprise, de réflexion du discours, dénué de tout jugement de valeur ou de considération sur le bien et le mal de telle ou telle sentence, semble l'héritier direct de celui de Gustave Flaubert rédigeant le Dictionnaire des idées reçues. Cependant, Jenny Holzer met de plus en évidence le statut sémiotique dominant des messages présents dans notre environnement urbain. Par la forme utilisée (affichage, défileur électronique, gravure dans la pierre) ainsi que par la mise en situation, Jenny Holzer s'attache à l'ensemble du message : texte, véhicule et contexte. Elle s'appuie en outre sur la théorie de la déconstruction qu'avec d'autres artistes de sa génération elle a découvert dans la traduction américaine des travaux du philosophe français Jacques Derrida.
Robert Longo Né à New York en 1953, Robert Longo vit et travaille à New York. Il commence sa carrière d'artiste en faisant des “performances”, puis des assemblages. Il est connu pour ses dessins grand format, dans lequels il traite de la violence et l'aliénation du monde artificiel
de la classe moyenne. Entre 2000 et 2002, il réalise une série de grands dessins au fusain et crayon, du cabinet et de la résidence de Sigmund Freud, “Les Freud Drawings”.
Jack Pierson Né en 1960 à Plymouth, au Massachussets. Durant ses études au Boston College of Art, il s'est lié aux artistes de ce qu'on appelera la Boston School, dont la figure de proue est Nan Goldin. On a souvent comparé ses photographies aux clichés d'un road movie, à des notes de voyage
dans la course au bonheur propre à la culture américaine. Les sujets qu'il préfère appartiennent
tous au quotidien d'un artiste contemporain : des fragments de paysages urbains, des natures mortes aux objets ordinaires, des nus fort marqués par l'érotisme homosexuel. Loin de vouloir décliner les formules figées de l'imagerie de l'american dream, l'artiste s'at-tache à leur revers émotif, à ce qu'il appelle “le drame inhérent à la recherche du glamour”. Ses choix techniques soulignent volontiers une telle poétique : la saturation de ses photographies,
son usage fréquent du flou et de la surexposition insistent sur leur force émotionnelle.
En capturant un instant, Jack Pierson vise une idéalisation du quotidien se rapprochant
du cinéma : la photographie devient pour lui “une décoration de la vie”, la vision d'un monde fictif plus chargé de beauté que le nôtre. La galerie Thaddeus Ropac a été la première à exposer les oeuvres de Jack Pierson à Paris
Robert Rauschenberg commence ses premières études artistiques au Kansas Art Institut. En 1948, il séjourne à Paris où il s'inscrit à l'Académie Julian.
De retour aux Etats-Unis l'année suivante, il entre au Black Mountain
College, où il rencontre notamment le compositeur John Cage et le choré-
graphe Merce Cunningham qui lui communiquent leur goÛt pour la
recherche en art contemporain. Au milieu des années 50, après un grand voyage en Europe, il réalise ses premières peintures intégrant des objets trouvés, les Combines paintings : il héri
te ainsi du travail de Schwitters, des collages cubistes et des associations sur Mais surtout, à travers ces oeuvres, il confronte des parties peintes dans le style subjectif des expressionnistes abstraits avec des éléments neutres importés des medias. Grâce à ce type de travail, il triomphe, et avec lui l'art américain, en obtenant le premier prix de la Biennale de Venise en 1964.
Mais, dès le milieu des années 60, il s'oriente vers la recherche technologique en art : c'est ainsi qu'il crée en 1966, avec l'ingénieur en électronique Billy Klüver, l'organisme de recherche “Experiments in Art and Technology”.
Parallèlement, il collabore aux créations de ses amis John Cage et Merce Cunigham en réalisant régulièrement les décors et costumes de leurs performances.
Donald Sultan Né en 1951 à Asheville, en Caroline du Nord (USA). Après l'obtention de son BFA à l'Université de Caroline du Nord et son MFA à l'Institut d'Art de Chicago, il s'installe à New York en 1975. Dès son arrivée, Donald Sultan manifeste une énergie créatrice dans les domaines de la peinture de la scuplture et de l'impression. Le corps de son travail l'a placé tout de suite au premier plan de l'art contemporain,où il est connu par son habileté à fusionner les meilleures traditions artistiques d'hier avec une fraîcheur et une approche moderne unique. Les natures mortes de Donald Sultan sont définies comme des études de contrastes. Sa méthode unique et son travail intensif offre une représentation des objets, d'une puissante sensualité. En dehors des fruits et fleurs qui l'ont beaucoup inspiré, le travail de Donald Sultan
met en espace des formes géométriques et organiques avec subtilité et pureté.
William Wegman L'irruption du chien dans le travail de William Wegman est déterminante, mais à en croire l'intéressé, cette initiative revient pleinement à l'animal. Man Ray s'ennuie dans
l'atelier. Man Ray a besoin de compagnie. Tenu à l'écart, il dépérit. Man Ray - puisque c'est
le nom donné par William Wegman à son premier braque de Weimar - est un rien cabo-
tin, en plus il est infatigablement joueur. Et c'est ainsi qu'il entre dans le cadre de l'appa-
reil photo et un peu plus tard de la caméra vidéo.
D'abord motif imposé (William Wegman commence à photographier son chien comme
on photographie un nouveau-né), le chien se révèle un formidable partenaire pour ses
recherches sur la perception et le comportement. Nous sommes à la fin des années 70. La
scène artistique américaine est marquée par l'héritage du Pop Art et la pression de l'Art
minimal.
William Wegman obtient un poste d'enseignant en Californie ; il s'y installe et se met ainsi
à l'abri du dogmatisme et du pragmatisme qui sévissent à New York. Il touche à tout. Tout
est possible.
À cette époque, il est alors en pleine crise identitaire, le chien devient emblématique de son travail et, bien sÛr, il aura à en découdre avec son image.
Il faut reconnaître dans ce jeu de permutations l'occupation favorite des artistes minimalistes. Un coup de patte, évidemment ! La géométrie peut servir à produire des formes, elle peut aussi générer des comportements. D'ailleurs parfois les attitudes deviennent formes...
Une conférence, en présence de David Adamson,
avec la participation de Jim Dine et d'Andy Grundberg (à confirmer)
est organisée le mercredi 18 mai à 18 heures à l'auditorium Bernard-Pierre Wolff
de la Maison Européenne de la Photographie.
Un livre est co-édité par la Maison Européenne de la Photographie et les éditions Steidl “Atelier Adamson” 248 pages, format : 245 x 330 mm
358 photographies couleurs
Prix de vente : 48 Euros
Contact Steidl :
Claudia Glenewinkel ou Willo Ohene à SteidlMACK London
cglenewinkel@steidl.de ou willo@withgrace.com