A l’affiche -en vitrine-, Antoine Dorotte annonce la couleur, ce sera noir et il s’agira éventuellement de surf. Le passage de porte confirme l’emprise de l’empire sur les images de l’expo ; les Black Strips, images noires sur noir, s’articulent en séries. Dans le hall de cette idée de cinéma, ces trois séquences, encrées comme les casses d’une bd, annoncent les prochaines sorties ; nous y retrouvons notre héroïne, Miranda PaintOmovie dans de nouvelles aventures.
Le déroulé sonore de la pellicule 16 mm guide nos pas dans le vif du sujet. Move it Piano (2009) tourne en boucle. 10 secondes et un ride de surf à 360 degrés ; c’est court mais pas trop peu pour nous éclairer du siècle d’histoire d’une silhouette moulée dans sa combinaison ... noire. Depuis son incarnation par Musidora dans « les vampires » et "judex" de Feuillade (entre 1915-1917), sous les traits d'Irma Vep puis Diana Monti ; la femme fatale aux longs cheveux noirs, au teint exagérément blanc, au regard charbonneux et à la bouche sombre, réapparaît régulièrement. Diana revient, en 1963, dans le remake du second serial par Franju. Clin d'oeil aux "vampires" cette derniere endosse alors la combinaison de soie noire et s'arme d'un joli petit couteau, à la cuisse. Dernièrement encore, en 1996, relayant l'abîme cinématographique, Assayas offre le rôle de la vamp à Maggie Cheung.
Irma Vep ; c’est acquis, est l’anagramme de vampire. entre elle et Diana Motti, la logique mathématico-lexicale d’A.Dorotte donne à sa surfeuse le doux pseudo de Miranda PaintOmovie. A la soie noire, l’artiste, nourrit abondamment de l’imagerie des sports de glisse, préfère littéralement la combinaison de néoprène. Des toits de Paris (les vampires relate les exploits d'une bande de malfrats à paris) aux vagues indonésiennes la fluidité des mouvements du personnage est la même. Fort de son Coup d'surin (2007), attenté notamment au musée de beaux arts de Bordeaux, Antoine Dorotte ré-investit l'arme blanche dans son Move it Piano (2009) et fait passer le canif de courtoisie de Musidora en arme de point anti-requin pour Miranda. Pas plus long qu’un spot publicitaire, la boucle du « ride » est entrecoupée d’un statement :« surf into art ». Permutée au mur, telle une veilleuse en « art into surf », la double expression ouvre une nouvelle énigme.
La quête du plaisir, matérialisée par la vague surfée, passe par d’interminables brassées à contre courant. De Kelly Slater à Goya, en passant par Musidora et Feuillade, Dorotte voyage entre les médias et distord les images. De vidéos basse résolution glanées sur le net en arrêts sur images à l’eau-forte ; il réanime ses gravures et les transfère sur pellicule. Après moult opérations, de la morsure du zinc à la transparence de la pellicule, le résultat endosse le grain et le charme plus si désuet du cinéma d’antan.