Palais du Luxembourg 15, Rue de Vaugirard, 75006 Paris France
Responsables : Françoise Denoyelle, professeur à L’ENS Louis-Lumière ; Pascal Martin, maître de conférences à l’ENS Louis-Lumière
De la dérégulation au développement
Face aux révolutions techniques qui ont profondément modifié la capture de l’image, sa transmission et sa diffusion dans un marché qui s’est mondialisé, quelles nouvelles perspectives s’offrent aux photographes dans une économie où leur production est passée de l’artisanat à la post industrialisation ?
A l’ère de la société en réseaux, la production de photographies et son immédiate consommation n’ont pas cessé de répondre aux trois déterminants qui président à leur devenir depuis le daguerréotype : rapidité, simplicité, diminution des coûts. Dans ce paysage de concurrence exacerbée et de prolifération comment aborder, transformer et maîtriser les potentialités du médium, refondre des structures professionnelles, trouver un nouveau modèle économique et rendre compte de sa vision du monde ?
Les pratiques de prise de vue liées au développement de l’informatique et d’internet traduisent désormais les contours d’une culture et d’une pratique photographique de masse encore jamais égalée (4,8 millions d’appareils photographiques et 19 millions de camphones vendus en France en 2008). Cette révolution, à l’image des bouleversements que provoqua, à l’orée du XXe siècle, l’arrivée de la pellicule et des appareils bon marché d’un maniement facile, s’inscrit dans de nouveaux usages sociaux à travers des réseaux communautaires. Ils dynamisent la croissance des biens d’équipements liés à la capture de l’image, alors que le marché des albums photographiques connaît un nouveau souffle. L’essor du marché des amateurs s’inscrit dans un intérêt croissant pour les manifestations d’envergures internationales (Rencontres d’Arles, Visa pour l’image, Mois de la photo, Paris Photo) ou locales (Transphotographie de Lille).
Les professionnels ne participent pas à l’euphorie ambiante. L’arrivée, au début des années 1990, des photographies improprement intitulées « Libres de droits », a marqué l’ouverture de la déréglementation liée à la mondialisation du marché et déstabilisé les protections qu’assurait jusque là le droit français. A partir de 2006, cette première attaque à été suivie par le déploiement de sites de commercialisation de photographies « low cost » (fotolia.com, istock-Photo.com, iPhoto-Stock.com …) court-circuitant toutes les normes du marché. En 2008, Getty Image « éditorialise » les images de flickr dans ses collections sans distinguer les professionnels des amateurs. Cet amalgame est repris par BtoB qui tient une place prépondérante sur le marché mondial. L’AFP développe de son côté une filiale, Citizen Side, dédiée à la photographie d’amateur. Getty renforce ses positions déjà dominantes sur le marché mondial en rachetant Jupiter images. La fermeture, en 2009, d’une agence prestigieuse comme Gamma est suivie par celle de L’œil public en 2010. L’ouverture d’une galerie Magnum au cœur de Paris comme l’avait déjà fait l’agence Vu témoignent des difficultés rencontrées par l’image de presse mais aussi de sa créativité qui ne désarme pas. La privatisation de l’espace public, source d’une judiciarisation de plus en plus pénalisante, le manque de reconnaissance du statut, la mise en cause des droits d’auteur viennent encore obscurcir le paysage.
Pourtant les photographes n’ont jamais été aussi nombreux. Le montant brut des sommes versées par les Agessa a presque doublé depuis 1994, mais le revenu moyen par photographe n’a augmenté que de 29%. En 2003, plus de la moitié des photographes rémunérés en droits d’auteur ont un revenu inférieur au Smic. Un quart d’entre eux ont des revenus supérieurs au plafond de la sécurité sociale. Les collectifs, une spécificité française, rassemblent de nouveaux talents. Cette situation est connue des pouvoirs publics. En avril 2009, à l’instigation des sénateurs Michèle André (PS) et Philippe Mariani (UMP) un groupe de travail « Images et liberté » rassemble les professionnels, leurs organisations, des journalistes et des intellectuels. Il devra aller au delà du constat et favoriser un processus de revalorisation. Le ministère de la Culture et de la communication, soumis à la RGPP, annonce pourtant que la photographie est l’un de ses chantiers prioritaires.
Dans ce contexte contradictoire, entre un marché porteur et des professionnels en retrait, mais inhérent aux périodes de mutations, quelles perspectives s’offrent aux photographes ?
Un espace de réflexion et d’échanges entre chercheurs et professionnels
Le premier objectif visé par ce colloque est la création d’un espace de réflexion et d’échanges consacré à l’étude des transformations qui s’opèrent dans le champ de la photographie professionnelle et des perspectives qui s’offriront à la nouvelle génération de photographes que nous formons et formerons dans la décennie à venir. Il apparaît essentiel de faire dialoguer des chercheurs et des professionnels avec des initiateurs de travaux ouvrant sur des horizons différents ou en mutation.
Le colloque, se construira à travers une série de communications le matin suivie de la présentation du travail d’un professionnel et, l’après midi, de deux tables rondes laissant place à la confrontation des analyses et expériences des problématiques actuelles et à la réflexion, voire à l’anticipation, des évolutions dans les domaines multiples que couvre la photographie et pour lesquels nos étudiants sont formés sans exclusive. Aussi ne prendra-t-on pas pour unique objet d’étude la photographie de presse. Les champs de la publicité, de la mode, de la post production, de l’archivage, de la conservation et du stockage pourront également être explorés.
Françoise DENOYELLE, Pascal MARTIN
Les champs d’investigation s’articuleront autour de quelques axes comme :
L’état de l’offre et de la demande sur le marché de la photographie
> Quelle est la nature des transformations induites par l’outil numérique (captation et diffusion) ?
> Comment les nouvelles pratiques privées bouleversent les équilibres médiatiques ?
> Comment envisager le photojournalisme ?
> Les collectifs peuvent-ils se substituer aux agences ou sont-ils eux-mêmes déjà obsolètes ?
> Quel devenir pour le « photographe auteur » né dans les années 1980 ? La résidence, la commande publique, la galerie et l’enseignement sont-ils des perspectives ou des alternatives suffisantes ?
> L’achat en ligne de tirages et autres vintages modifie-t-il le marché ?
Les nouvelles formes de création
> L’image fixe a-t-elle encore un discours à tenir ?
> Quelles perspectives pour l’image fixe ouverte au son et à la vidéo ?
> Le marché en ligne est-il une alternative pour les créateurs face à la frilosité des galeries ?
> Quels rôles jouent les commandes publiques et privées ?
Les nouvelles formes de diffusion et de stockage
> Les nouveaux canaux de diffusion spécifique ont-ils un avenir ? (Pix Palace,
Stella, Picture Tank…) ?
>Quel est leur impact sur la ligne éditoriale et la gestion des agences ?
> Comment et à quel coût sauvegarder ses images ?
> Quelles ouvertures pour de nouveaux métiers ?
Le devenir des droits d’auteur pour un photographe dont le statut est celui d’artisan, commerçant, profession libérale, SARL, EURL
> Les droits patrimoniaux sont-ils toujours garantis ?
> Qu’en est-il du droit de représentation et du droit de reproduction sur la toile ?
> Quelles sont les conséquences de la loi Hadopi ?
> Les mêmes questions se posent pour le droit moral
> La photographie d’amateur, quelle est son interférence dans le champ professionnel en matière de droits ?
PROGRAMME
Lundi 29 mars 2010
8 h 30 Accueil des participants
9 h00 Ouverture du colloque par Francine Levy, directrice de l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière
9 h20 Accueil par une personnalité du Sénat
9 h 30 Ouverture de la première Séance
Présidente de séance Marielle EUDES
Directrice de l'AFP pour le Département Photo
9h30 -10h : « Sociologie d’une profession peu connue »
Sylvain MARESCA
Professeur des universités - UFR de sociologie, Université de Nantes - Membre du Centre Nantais de Sociologie (CENS) - Chercheur associé au Laboratoire d'Histoire Visuelle Contemporaine (LHIVIC, EHESS)
La profession de photographe semble être aux prises avec des transformations qui s'accélèrent, sous l'emprise des innovations technologiques, des impératifs économiques imposés par les grands groupes de médias, de l'effacement des frontières entre l'information, la publicité et la création artistique... Mais que savons-nous vraiment de cette profession composite, instable et peu étudiée ?
Cette présentation se propose de rassembler et synthétiser les données disparates existantes pour ébaucher une sociologie de la profession de photographe.
10h -10h30 : « Les réseaux sociaux et le marché de la photographie »
Jacques HÉMON
Directeur de l'Observatoire des professions de l'image
"Au terme d’un processus d’à peine plus d’une dizaine d’années, la photographie numérique s’est substituée à la photographie argentique dans les foyers français. L’appareil photo numérique facilite la collecte quotidienne de photographies partagées sur les réseaux communautaires. L’extraordinaire essor des réseaux sociaux en ligne, allié à l’efficacité sociale d’une photographie devenue « conversationnelle », explique le dynamisme du marché des appareils photo qui enchaîne depuis trois ans des records de ventes historiques. Nous analyserons comment ces nouvelles pratiques impactent la consommation photo amateur, et par extension, l’ensemble du marché professionnel."
10h30 -11h : « Les nouvelles formes de création et de diffusion »
André GUNTHERT
Maître de conférences - Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS),
Directeur du Laboratoire d'histoire visuelle contemporaine (Lhivic)
11h30 -12h : « Les collectifs, une réponse à la crise des agences ? »
Françoise DENOYELLE
Professeur des universités ENS Louis-Lumière - Chercheur associé, Université de Paris 1, centre d’histoire sociale contemporaine - Présidente du collectif Le bar Floréal Photographie.
Depuis vingt-cinq ans, les collectifs se sont multipliés en France. Du bar Floréal photographie, le plus ancien d’entre eux, à Tendance Floue le plus connu, de nombreuses petites structures nées de projets communs, de désirs de travailler ensemble, de contraintes économiques ont stimulé la création, apporté des réponses aux problèmes d’organisation et de gestion, suscité bien des enthousiasmes et quelques sévères rancœurs. Plusieurs n’ont pas résisté. Après la récente disparition de L’œil public, un collectif devenu agence, alors que Rapho est en grande difficulté et que Magnum NewYork est contraint de vendre ses archives, cette présentation esquissera un premier bilan.
12h-12h 15 : Pause
12h15 -13h : « Présentation du Web documentaire The Big issue »
Samuel BOLLENDORFF
Photographe, réalisateur, ex membre de l’agence L’œil public - Professeur associé à l’ENS Louis-Lumière
13h – 14h30 Déjeuner
14h30 -14h 40 : Les surirradiés d'Epinal - 2009 –
Petite Œuvre Multimédia réalisée dans le cadre du mémoire de recherche à L’ENS Louis-Lumière, 2009 sous la direction de Françoise Denoyelle et Wilfried Estève
Sophie SCHER, Photographe
14h40 – 16h : « L’état de l’offre et de la demande sur le marché du photojournalisme »
Modérateur : Françoise DENOYELLE
- Pierre HASKI, président de Rue 89
- Lionel CHARRIER, photographe, cofondateur de l’agence Myop
- Jean-François LEROY, directeur de Visa pour l’image, Images-Evidence
- Olivier PASQUIER, photographe du collectif Le bar Floréal Photographie
- Alain GENESTAR, directeur de Polka Magazine
16 h - 16 h 30 Pause
16h30 -18h : « La vente de tirages, un nouveau marché ? »
Modérateur : Christian CAUJOLLE
-Quentin BAJAC, chef du cabinet de la photographie, Musée national d'art moderne, Centre Pompidou
-Isabelle DARRIGRAND, collectionneuse
-Denis DARZACQ photographe, Galerie et Agence VU'
-Valérie FOUGEIROL, directrice, Galerie Magnum, Paris
-Pascal HOEL, Responsable des collections de la Maison européenne de la photographie
Mardi 30 mars 2010
8 h 30 : Accueil des participants
9h00 – 10h 10 « Est-il encore nécessaire de rétribuer le travail des photographes ? »
Pierre ASSOULINE écrivain, Jean-Baptiste AVRIL photographe
Entretien et projection de la vidéo du « photodafé » de J. B. Avril (réalisation : M. Meiffren)
10h 15 – 10h 45: « Quels modèles de valorisation des photographies dans un contexte de révolution numérique ?
Dominique SAGOT-DUVAUROUX
Professeur des Universités - Directeur du GRANEM, Université d’Angers
Nous passerons en revue les principaux modèles de valorisation des photographies et envisagerons leurs possibilités d'évolution dans le contexte de la révolution numérique. Nous réfléchirons sur les implications en matière de rémunération des photographes professionnels. »
10h45 – 11h15 : « Incidences des progrès technologiques sur la capture de l'image »
Pascal MARTIN
Maître de conférences ENS Louis-Lumière
Les appareils photographiques modernes sont dotés des technologies de plus en plus évoluées, le photographe est assisté au moment de la capture de l'image par des algorithmes qui censés l'aider peuvent minimiser ou renforcer ses choix esthétiques et sémantiques.
A partir d’une analyse des évolutions les plus marquantes, nous tenterons d'évaluer leurs répercussions sur le fameux "instant décisif."
11h15 -11h45 : « Photographie et marché de l’art : quels objets, pour quels enjeux ? »
Christian CAUJOLLE
Critique - Professeur associé à l’ENS Louis-Lumière
11h45-12h : Pause
12h – 13h : « Numérisation des archives photo du groupe Hachette Filipacchi Médias par la société DIADEIS -- Aspects économiques et techniques ».
François CHAHUNEAU
Directeur des Technologies de la société DIADEIS
13h – 14h30 : Déjeuner
14h30 – 16h : « Les nouvelles opportunités de la diffusion et du stockage »
Modérateur : Bernard PERRINE Photographe, conseiller éditorial, membre de l’Institut de France
- Philippe DEBLAUWE, cofondateur de l'agence coopérative Picture Tank
- Wilfrid ESTÈVE, photographe, président de FreeLens, fondateur de Stella
- Jean FAVREAU, directeur de Pix Palace
- Daniel HENNEMAND, photographe, consultant en organisation de l'image, auteur de Gérer ses photos numériques: trier, archiver, partager", éditions Eyrolles
- Valérie THEVENIAUD-VIOLETTE, directrice de la syndication du groupe Figaro
16 h - 16 h 30 : pause
16h30 – 18h : « Le devenir des droits d’auteur pour un photographe auteur »
Modérateur Pascal Martin
- Jorge ALVAREZ, photographe, Secrétaire en charge des affaires juridiques à l’Union des photographes professionnels (ex l'UPC), chargé de cours à l’ENS Louis-Lumière
- Agnès DEFAUX, responsable juridique de la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF)
- Didier DE FAYS, journaliste, Photographie.com
- Florence DIFFRE, avocate
- Jean VINCENT, avocat, chargé d'enseignement universitaire