Depuis plus de 30 ans Nancy Burson interroge de diverses manières (informatique et photographique) cette forme mouvante qu'est notre visage, « figure » livrée aux ravages du temps et de la maladie mais aussi aux dictats et autres normes de la beauté et leur médiatisation.
Au delà des catégories conventionnelles, Nancy Burson s'interesse aux relations entre l'art et la science et à l'expérience de la perception : « Seeing And Believing ». La réflexion sur le médium photographique est au cœur de son engagement social et artistique.
De fait, cette approche critique de « l'impermanence de la réalité photographique » se déploie selon des temps et des modalités divers et croisés mais à bien y regarder, Nancy Burson nous convie, dans chacune de ses propositions, à un redoutable face à face sinon à une vertigineuse traversée des miroirs.
Images générées par ordinateur, portraits composites, photographies sans retouches de « visages particuliers », machines interactives, toutes proposent une image de la « beauté » plurielle et éprouvante.
Si de science, il est question, l'attitude de Nancy Burson vis-à-vis de celle-ci se teinte toujours d'ironie mais laisse aussi entendre une connaissance historique maîtrisée des théories sur l'étude du visage humain.
Dès le début des années 1970, Nancy Burson conçoit sa « Machine à vieillir », première installation informatique interactive, avec l'aide des ingénieurs du MIT puis suivra la collaboration durable avec Richard Carling et David Kramlich (qu'elle épousera en 1987).
Le développement du programme logiciel (le morphing) sera exploité avec succès par les services du FBI, tout comme il aide à la fabrication, aujourd'hui, du leurre de nombreux films et publicités.
En comparaison de cette recrudescence de l'illusion bluffante , les travaux interactifs de Burson (et Kramlich) pourraient apparaître comme désuets sinon innocents, leur apparence et leur interface sont simples et directes, toujours installés dans un cabinet noir anguleux mais propice à l'expérience de l'altérité.
Nancy Burson reproduit la vie « à partir de données abstraites, mathématiques, et le résultat n'est pas aussi artificiel qu'il n'y parait : les êtres sont marqués par ce qui éprouve le vivant, par ce qui prouve avec cynisme sa vitalité, la maladie, la laideur et la différence. »
Dès lors il convient de souligner l'attitude subversive de Nancy Burson par rapport à l'alchimie génétique et sa maîtrise des technologies dites « interactives ».Mais cette interactivité là invite dans un premier temps à la compassion, puis désagrège progressivement les résistances de notre conditionnement social. L'expérience humaine est à l'œuvre, entre empathie et réflexion. Pour elle « tous les visages sont beaux ! ».
3 grandes périodes se croisent dans l'œuvre de Nancy Burson :
1975-1991 : elle crée sa première « machine à vieillir », des images-visages fantastiques générées par ordinateur : composites, portraits vieillis, anomalies faciales réalisées numériquement.
1991-1998 : Photographies sans retouches de « visages particuliers », adultes et enfants dont les apparences ont été altérées par la nature, la maladie ou les circonstances .Ces représentations sont réalisées au polaroid ou avec des appareils type DIANA et HOLGA mais toutes s'inscrivent davantage dans les conventions de l'art.
Depuis 1998 : « the Human Race Machine », machine interactive dotée de 4 programmes diffèrents (the Age Machine, the Anomaly Machine, the Couples Machine, the Human Race Machine)