Jurgen Ostarhild

Jurgen Ostarhild

#Photographe
Artiste allemand né en 1956, Jurgen Ostarhild considère que « toute photographie analogique est un outil de reproduction de la réalité. Avec la technologie digitale, la photographie perd toutes ses contraintes spatio-temporelles et devient un outil de création pure et non plus seulement un moyen de reproduction ». Ainsi, en 1990 alors qu'il est photographe de mode, il est l'un des tous premiers à délaisser la photographie dite « traditionnelle » au profit des nouvelles techniques digitales. Récemment, il a conçu la campagne publicitaire d'un célèbre équipementier sportif sans utiliser un seul appareil photographique, uniquement par le biais d'un scanner et d'un ordinateur. De la même façon qu'un DJ mixe les musiques, Jurgen Ostarhild mixe les pixels qui forment toute image numérisée : nez, yeux, bouche, cheveux, grain de la peau, physionomies féminines et masculines se mêlent pour former une beauté virtuelle, hybride et stupéfiante. « Je crée mon propre univers de beauté, en prenant des éléments de différents visages pour en créer de nouveaux. Ces visages n'appartiennent à personne dans le monde réel, mais ils sont aussi parfaits que des vrais ». Ce travail naît d'une constatation simple : les visages définissent souvent davantage le style et l'allure que bien des diktats de la mode. Alors que les photographes « classiques » ont recours au maquillage, à l'éclairage et à tout un ensemble d'artifices pour embellir leur modèle, Jurgen Ostarhild utilise l'incroyable base de données physiques qu'il stocke pour déplacer les pixels sur son ordinateur. Ses images sont les instantanés d'une beauté en évolution. Le résultat est d'une perfection rare, aussi vraie que la réalité, très loin des images de synthèse et des effets spéciaux ! Par son processus de création et la nature même de son travail, Jurgen Ostarhild évoque des thèmes au carrefour de plusieurs mouvements structurels qui façonnent notre société:

- Les questionnements actuels sur le corps et l'identité. Le corps n'est désormais plus une réalité stable, figée. La génétique, le clonage, la chirurgie plastique, le body art (branding, piercing, tatouage…), le « transgenre » permettent à chacun de se réapproprier, de reconfigurer son corps. Jurgen Ostarhild brouille ces questions identitaires en fusionnant littéralement les différences (sexuelles, raciales, physiques…). Le titre de l'exposition Überbabes, référence ironique à l'übermensch nietzschéen, exprime l'idée d'une beauté idéale et androgyne, fruit de tous les métissages et loin de toute standardisation eugénique.

- La culture « club » et les musiques électroniques. Les influences de Jurgen Ostarhild sont avant tout musicales. Il se considère comme un « Picture Jockey », en référence implicite aux similarités de sa démarche avec celle du DJ qui mixe les sons comme lui les images. Passionné de musiques électroniques, il s'installe toujours là où naissent les avant-gardes (à Londres en 1990 après le Summer of Love, à Paris en 1995 pour s'imprégner de la « French Touch »).

- La mode, nouvelle « religion » pour certains. Comme l'art, la mode est ontologiquement inscrite dans le moment présent, comme une vision du monde qui s'articule autour du corps. Les visages démultipliés et entièrement façonnés par Jurgen Ostarhild sont à la fois l'objet et l'image, la matière première et le produit fini de la mode. À ce titre, les images de Jurgen Ostarhild en disent beaucoup plus long sur les nouvelles tendances que bien des vêtements…

- Les nouvelles technologies et l'étendue infinie de leurs possibilités. Jurgen Ostarhild les détourne de leur fonction première : d'outils de communication, elles deviennent outils de création et d'émotion.