Hervé Gloaguen

Hervé Gloaguen

#Photographe
Hervé Gloaguen est né à Rennes en 1937.
Il passe son enfance à Hédé, un village de 700 habitants en Ille et Vilaine, puis son adolescence à Rennes où sa famille s'établit en 1950.

En 1957, Hervé Gloaguen suit pendant un an les cours de l'école des Beaux Arts de Rennes.
En 1958, il intègre l'ETPC, l'école de Photographie de la rue de Vaugirard à Paris.
De 1958 à 1960, il pratique la photographie en autodidacte (il a quitté Vaugirard au bout de six mois) et le jazz New Orleans. Il découvre Paris à pied et photographie ses amis jazzmen et comédiens débutants. Ceux-ci montent des spectacles au théâtre Mouffetard sous la direction de Raymond Rouleau, puis au Centre Culturel Américain, boulevard Raspail, sous la houlette de Marc'O. Ils s'appellent Philippe Bruneau, Pierre Clementi, Jean Pierre Kalfon, Marc Moro, Bulle Ogier, Elisabeth Wiener. Le peintre Jean Pierre Goux est aussi un ami proche du groupe.

Du 1er septembre 1960 au 28 septembre 1962, Hervé Gloaguen effectue son service militaire dans la Marine. Breveté matelot photographe, il est affecté au Service Cinéma des Armées dans le laboratoire de la section Photo au fort d'Ivry. Pendant cette période, il se lie d'amitié avec François de Roubaix, jeune compositeur de musiques de films (Robert Enrico), et excellent jazzman.

Continuant à fréquenter ses amis comédiens dont il photographie les visages et les spectacles (« Le Génie des Forêts » d'A.Tchekov), Hervé Gloaguen croise le cinéaste
Chris Marker qui monte son film « Le Joli Mai » (1962) rue Mouffetard. Au vu de ses photos, le cinéaste lui propose son aide, et, à la fin de son service militaire, le recommande à Jacques Dumons, directeur artistique de la revue Réalités. Celui-ci l'engage … à acquérir une véritable capacité professionnelle en devenant l'assistant de Gilles Ehrmann, un des photographes collaborateurs réguliers de Réalités.

En 1961, Hervé Gloaguen profite d'une « permission » pour se rendre, avec sa femme, au Portugal. Celle-ci, diplômée en espagnol et en portugais, a obtenu une bourse pour étudier les fêtes religieuses dans la province du Minho, au nord du pays. Hervé Gloaguen réalise là son premier reportage.

De 1963 à 1964, il travaille avec Gilles Ehrmann comme assistant. Celui-ci vient de publier son livre « Les Inspirés et leurs Demeures » (éditions Le Temps, novembre 1962), il l'initie à la « créativité en toute chose », même dans les travaux les plus utilitaires.

De 1965 à 1970, grâce à Gilles Ehrmann, Hervé Gloaguen travaille régulièrement pour le service Création-Diffusion d'Electricité de France animé par Jacques Veuillet. C'est encore un temps d'apprentissage professionnel, prolongement technique de l'enseignement esthétique et philosophique d'Ehrmann. Hervé Gloaguen parcourt la France pour photographier barrages et centrales électriques alors en pleine expansion ; travail rigoureux de photographie industrielle, en couleurs, avec un appareil à plaques 10x12,5 sur pied ; travail d'éclairage construit où les leçons du maître et les réminiscences cinématographiques et théâtrales jouent leur rôle. L'écrivain de science-fiction Philippe Curval qui collabore, lui aussi, à la revue interne d'EDF Contacts, est souvent le partenaire de plume de ces reportages.

Pendant la même période, Hervé Gloaguen reçoit des commandes de Réalités où il a croisé Edouard Boubat et Jean Philippe Charbonnier avec Gilles Ehrmann. La revue s'est dotée d'une nouvelle direction artistique et publie désormais de nombreuses photographies en couleurs. Une page se tourne (la dernière ?) dans l'histoire de la revue. On commande à Gloaguen des sujets plus journalistiques qui lui donnent l'occasion de réaliser plusieurs reportages aux Etats-Unis où il découvre l'art contemporain si présent dans les villes et les musées américains. Ces séjours s'accompagnent, bien sûr, de visites aux hauts lieux du Jazz à New York et à la Nouvelle Orleans (1965).

En 1966, à New York, en compagnie de Jean Clay, le très perspicace spécialiste de l'art moderne à Réalités, Hervé Gloaguen photographie le peintre Andy Warhol (Réalités n°257, Août 1967), et le chorégraphe Merce Cunningham (Réalités n°246, juillet 1966), figures emblématiques de l'avant-garde new-yorkaise avec le compositeur John Cage.
En 1970, il réalise un reportage sur l'Université Columbia à New York, avec l'écrivain
Alain Hervé, où les étudiants participent à l'effervescence de la fin des années 60 (Réalités n°294, juillet 1970).

De juillet à octobre 1967, Hervé Gloaguen séjourne dans l'East Village, le cœur de la nouvelle scène new-yorkaise. Le quartier est un repaire de hippies, d'artistes encore inconnus, de jeunes acteurs des théâtres « Off Off Broadway » à 20 spectateurs par soirée (Réalités n°253, février 1967). Entre Saint Mark Place et Tompkins Square, le tambour des musiciens noirs et porto-ricains « roule », chaque soir, dans la chaleur moite de l'été
new-yorkais. Une population en short et en maillot de corps déambule entre les églises ukrainiennes, les pâtisseries polonaises, les « Delicatessen » juives, les étals de fruits et légumes jamaïcains. A la tombée de la nuit, les jeunes s'agglutinent aux bornes d'incendie qu'ils ont ouvertes et gesticulent sous la pression de l'eau qui jaillit. Arrivent les flics irlandais débonnaires, poches arrière bourrées de calepins, de menottes, de lampes électriques. Sans un mot, ils ferment la vanne avec une clef et continuent leur ronde en faisant tournoyer leur matraque comme des majorettes. C'est l'été à New York, le New York du petit peuple qui prend ses vacances dans la rue.

En 1970, enrichi par ces voyages outre-atlantique et sa pratique de la couleur,
Hervé Gloaguen cherche à ré-orienter son travail. Essais non concluants dans la mode et la publicité, rapports difficiles avec les commanditaires, influence de mai 68… Besoin d'autres manières, d'autres structures. Photographier : pourquoi ? Pour qui ? Comment ? Parler des autres, parler de soi, comment gagner sa vie intelligemment ? …Comme d'autres photographes, Hervé Gloaguen se pose des questions. A Paris, Pierre de Fenoyl, soutenu par les Editions Rencontres de Lausanne, réunit des photographes. Il veut faire mieux connaître leur travail. A côté de photographes reconnus comme Edouard Boubat et
William Klein, se côtoient Jean Pierre Favreau, Martine Franck, Richard Kalvar,
Guy Le Querrec, Claude Raimond-Dityvon, Jean Noël Reichel qui cherchent à s'exprimer eux aussi.

En 1971, Hervé Gloaguen rejoint cette équipe qui a pris le nom d'agence Vu. L'agence occupe le dernier étage d'un immeuble, rue du Cherche-midi, avec une petite galerie d'exposition au rez-de-chaussée. Assez vite les photographes essaient de s'impliquer au maximum dans l'agence. Pourquoi ne pas créer un laboratoire collectif qui diminuerait le coût des travaux de laboratoire ? Pourquoi ne pas devenir actionnaires de l'agence Vu ?
Les Editions Rencontres, en pleine réorganisation, retirent leur soutien à Vu. Pierre de Fenoyl part aux Etats-Unis où on lui propose un travail, les photographes déçus entreposent leurs archives dans l'atelier de William Klein, rue Falguière, et décident de créer leur propre agence.

Début 1972, naît l'agence Viva, société anonyme au capital de 100.000 francs. En janvier 1972, « Les Affiches Parisiennes » ont publié l'annonce officielle. Sur la vingtaine de photographes pressentis, huit ont trouvé l'argent nécessaire à la constitution du capital : Alain Dagbert, Martine Franck, Hervé Gloaguen, François Hers, Richard Kalvar, Jean Lattes, Guy le Querrec, Claude Raimond-Dityvon. Ipso facto, ils deviennent les fondateurs de Viva. Martine Franck a trouvé le nom : Viva.

De 1972 à 1982, Hervé Gloaguen travaille dans le contexte de Viva. Les photographes de Viva prônent une vision personnelle de la société, de l'actualité politique, économique, sociale. « Faire des photographies personnelles sur des thèmes qui concernent tout le monde » est la devise implicite de ces photographes à la forte personnalité. L'onde de choc de mai 68 alimente encore des utopies de toutes sortes ; cependant l'agence Viva est inscrite à la commission des agences de presse très vite après sa fondation et ses photographes fondateurs ont des cartes de journalistes professionnels : Viva est un projet journalistique professionnel.

A partir de 1973, Hervé Gloaguen participe avec ses amis de Viva au sujet emblématique Familles en France et entreprend de nombreux reportages dont les plus significatifs sont : Pologne en 1973, La Révolution des œillets au Portugal en 1974, la Chute de Saigon en 1975, les élections en Italie en 1976, le retour de la démocratie en Espagne après
40 ans de franquisme en 1977. Parallèlement, en 1973, Hervé Gloaguen publie un livre L'Art Contemporain avec un texte d'Anne Tronche, aux éditions André Balland. Les photographies sont exposées au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris dans la section ARC (Art, Recherche, Confrontation) que dirige Suzanne Pagé.

En 1979, est publié Loire Angevine, au édition du Chêne. C'est un reportage en couleurs sur la vallée de la Loire entre Nantes et Saumur réalisé grâce à une commande du Secrétariat d'Etat au Tourisme passée à l'agence Viva. En 1982, est publié Lyon,
aux éditions Arthaud, avec un texte de Jean François Chevrier.

En 198O et 1981, Hervé Gloaguen a séjourné de nombreux mois à Lyon ,grâce à une bourse de la Fondation Nationale de la Photographie dirigée par Bernard Chardère, puis une commande de l'édition allemande du magazine Géo qui a programmé un reportage très complet sur Lyon. Au cours de ces longs séjours, Hervé Gloaguen systématise l'emploi de la couleur et, en la contrôlant, cherche à donner le maximum d'unité à son travail. Ainsi il est amené à jouer avec les deux pôles du reportage moderne : le réalisme du reportage et la subjectivité des images. Certes, cette problématique n'est pas nouvelle, mais la couleur rend les choses difficiles si l'on n'utilise pas un flash : c'est un défi à relever. Cette recherche ne date pas seulement des années 8O. Dès 1975, Hervé Gloaguen a entrepris à Rome, pour son propre compte, un reportage sur la «Ville Eternelle», la nuit, en couleurs, sans flash. Désir de pousser la couleur dans ses retranchements tout en gardant la philosophie du reportage : photographier ce que tout un chacun a sous les yeux, concrètement. Cette quête s'achève en 1995 par un essai photographique : A Rome, la nuit.

1978, un drame familial contraint Hervé Gloaguen à quitter Paris pour Aix en Provence où il résidera trois ans. Ces circonstances particulières vont l'éloigner inexorablement de l'agence Viva qui est minée par les difficultés de toutes sortes. Rachetée en 1983 par l'agence
«la Compagnie des Reporters» dirigée par Michel Puech, la marque Viva disparaît du registre des agences de presse en 1987.


En 1981, grâce à Robert Pledge, fondateur et animateur le l'agence Contact à New York, Hervé Gloaguen participe à l'opération A day in the life of Australia organisée par le photographe américain Rick Smolan. Cent photographes du monde entier sont invités à photographier l'Australie d'une manière originale. Le 6 mars 1981, les cent photographes sont répartis en cent points du territoire australien pour photographier une journée dans la vie du pays. Ensuite, tous se retrouvent à Sydney où les photos sont développées et sélectionnées par une équipe de «picture editors» réputés qui a installé son quartier général au dernier étage d'un grand hôtel. Le départ et le retour des photographes se déroule dans une atmosphère extrêmement festive et cosmopolite. La photo de famille devant l'Opéra de Sydney est le point d'orgue de cette «folie» réussie.

En 1982, Hervé Gloaguen confie ses archives à Rapho et entame une collaboration active avec cette agence. La décennie 1982-1992 est scandée par des reportages en couleurs pour le magazine Géo (le Marché Mondial du Sang, 1987, n° 98, l'Institut Pasteur, 1988, n° 137, Portraits de Femmes Nomades au Niger, 1990, n° 134), et des commandes gérées par Rapho pour le New York Times, Fortune, Stern, Mérian et autres publications internationales.

Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, à Genève, commande à
Hervé Gloaguen des reportages sur les réfugiés au Swaziland, en République Centrafricaine, en Thaïlande, au Québec, en Australie, au Pakistan où les réfugiés afghans sont accueillis dans des camps le long de la frontière afghane, dans les provinces du
nord-ouest près de la célèbre Kibber pass. L'afflux en France de réfugiés politiques chiliens après le coup d'état du général Pinochet en 1973, et de nombreux vietnamiens fuyant le régime instauré dans leur pays en 1975, incite l'association France Terre d'Asile à demander à Hervé Gloaguen une étude photographique sur la situation des réfugiés en France. Ce travail se déroulera sur deux ans et aboutira à la publication de la brochure Droit d'Asile en 1987 avec un texte de Gérard Soulier.

Le séjour à Lyon s'est enrichi d'une collaboration avec Charles Mérieux, industriel visionnaire. En 1975, Charles Mérieux a rendu possible la vaccination, en quelques semaines, de toute la population du Brésil (90 millions d'habitants) menacée par une épidémie de méningite. L'Institut Mérieux a pu fabriquer et acheminer les doses de vaccins nécessaires de Lyon à Rio et Sao Paulo. L'Institut Mérieux dont Charles Mérieux n'est plus, dans les années 80, que l'ambassadeur «honoris causa» (son fils Alain dirige l'entreprise), est leader pour la production des vaccins destinés à l'homme et à l'animal et intervient à tous moments dans le monde entier. Charles Mérieux, qui a vingt idées par jour, parcourt le monde dans son jet privé et a bien du mal à être suivi par son entourage, envoie
Hervé Gloaguen au Sénégal, en Afrique du Sud, en Thaïlande, au Brésil. Il demande au photographe de l'accompagner en Hollande, au Soudan. Pas de commande définie :
«allez-y ! …» bougonne t-il. C'est ainsi qu'Hervé Gloaguen met le pied en Afrique où il fera 26 voyages, et met en images les installations hyper-sécurisées de l'Institut Mérieux
à Marcy l'Etoile près de Lyon. Son expérience des installations très techniques d'EDF et son admiration pour le film «2001, l'Odyssée de l'espace» de Stanley Kubrick, l'aident à réaliser un reportage que publieront Géo France (n° 83, janvier 1986), et Géo Allemagne (n° 4, avril 1986).

Hervé Gloaguen prend conscience de la mondialisation de tout, y compris de la santé, et des luttes impitoyables que se livrent les entreprises concernées. Cette réalité industrielle agit comme un contrepoids fécond aux désirs de rêves de l'artiste en photographie. La réalité des choses a toujours attiré Hervé Gloaguen en deçà ou au-delà de son besoin de rêve. Toujours et encore la méditation politique derrière l'émerveillement de Phileas Fog.

De 1990 à 1998, Hervé Gloaguen se glisse chaque année dans l'un des vingt petits avions d'Air Solidarité, un périple aérien initié par Jean Paul Krebs et Jean Luc Condamine, deux passionnés d'aviation. Les pilotes d'Air Solidarité décollent tous les ans du sud de la France, survolent l'Afrique du Nord et une partie de l'Afrique noire et atterrissent au Burkina Faso où ils financent des «micro-projets» (puits, écoles, dispensaires) programmés avec les responsables africains sur le terrain. Les petits avions d'Air Solidarité volent jusqu'au Congo (1993), jusqu'à Zanzibar (1998). Survols répétés de l'Afrique immense et somptueuse arpentée en maintes occasions. En 1997, Hervé Gloaguen voyage au Pérou et en Bolivie.

Décembre 2000 : l'agence Rapho est rachetée par Hafimage, filiale de Hachette Filipacchi Medias groupe Lagardère. Une nouvelle manière de vendre les photographies se met en place, une nouvelle ère commence. Comme tous ses confrères Hervé Gloaguen réfléchit sur les nouvelles manières, les nouvelles possibilités. Il réorganise ses archives, fait le bilan de quarante ans de pratique photographique, et en 2002, commence un essai photographique sur Londres où il effectue plusieurs séjours chaque année. Avec sa bicyclette bien sûr !...

Notes biographiques rédigées par Hervé Gloaguen,
Paris, avril 2006.

PRINCIPALES EXPOSITIONS :
1973 : Milan (IT), Galerie Diaframa (avec VIVA)
Londres (U.K.), Photographers Gallery (avec VIVA)
1974 : Paris, Musée d'Art Moderne : 50 photographies
d'artistes français contemporains
1975 : Arles, Rencontres Internationales de la Photographie
(avec VIVA)
1976 : Köln (D), Galerie Wilde (avec VIVA)
1977 : New Castle (U.K.), Syde Gallery (avec VIVA)
1982 : Lyon, Fondation Nationale de la Photographie :
« Lyon, portrait d'une ville »
1989 : Paris, Fnac Montparnasse : « Afriques »
Arles, RIP, et Paris, Fondation du Crédit Foncier de
France : « Le miel et le bronze », 50 portraits en
couleur de femmes nomades au Niger.
1992 : Perpignan, Visa pour l'Image : « Le marché mondial
du sang »
Paris, Galerie Keller, « Portraits de femmes »
1995 : Paris, Centre Culturel Franco-Vietnamien : « de Saïgon
à Ho-Chi-Minh-Ville », noir et blanc.
1996 : Paris, Fnac, « Des avions et des hommes »
1999 : Ouagadougou (Burkina Faso), « Des avions et des
hommes »,
2001 : Paris, Galerie Agathe Gaillard : « Jazz »
2006 : Gentilly, Maison Robert Doisneau, Rétrospective
Galerie Arcturus « Artistes à Paris 1960-1970 »
2007 : Rétrospective Viva, Jeu de Paume Site Sully
2009 : Galerie Arcturus, « Jazz en scènes »
BIBLIOGRAPHIE :
- « L'art actuel en France, du cinétisme à l'hyperréalisme » -
Edition André Balland - 1973
- « Loire angevine » - Edition Chêne - 1979
- « Lyon » - Edition Arthaud - 1982
- « A hauteur de Jazz » - Edition La Martinière