Désirée Dolron est une photographe néerlandaise née en 1963. Désirée aborde la photographie avec une démarche de plasticienne. Inspirée par la tradition picturale flamande, elle réalise la série Xteriors : des images à mi-chemin entre peinture et photographie. Pour la série Gaze, ce sont des individus longuement immergés, privés de stimuli qui oscillent entre transe et conscience. Les photographies de Désirée Dolron recèlent toujours une dimension spirituelle.
Organisant ses travaux de façon sérielle, Desiree Dolron, qui fut éblouie par un voyage en Inde, s’intéresse de prime abord à l’univers religieux dans toutes ses manifestations, notamment celles où les limites humaines sont ignorées, plus que dépassées. « C’est la violence dans la religion qui m’attire, parce qu’elle concerne quelque chose qui, à la base, est destinée à élever, aider l’homme. », explique-t-elle. Ainsi la série Exaltation. Images of Religion and Death. , débutée en 1991, livre au regard du spectateur les corps transpirants et meurtris d’hommes amérindiens dansants, se mutilants, dont les yeux - souvent révulsés - ignorent la photographe. Desiree Dolron touche alors à l’élément phare de la religion : l’abandon, à travers des notions aussi diverses que le sacrifice, la foi et la souffrance. L’artiste, introduite très tôt dans les méandres de la photographie, travaille en noir et blanc pour cette série, où les corps laissent croire à une douleur supportée, où le sang devenu gris dédramatise la mise en scène de ces individus placés au rang de surhommes.
La déambulation se poursuit dans les salles au parquet gémissant de l’Institut néerlandais. Après les transes religieuses, Desiree Dolron immerge le visiteur dans une eau trouble, aux reflets verdâtres qui font de la peau humaine une nouvelle surface de projection. Gaze constitue cette plongée au creux de l’intellect humain, où les portraits d’hommes et de garçonnets nus se confondent avec ceux de fœtus. Le dépassement de l’individu entre ici aussi en scène, sublimé par le flottement de mèches de cheveux, fils et cordes… Un sentiment ambivalent émerge alors chez le spectateur, tiraillé entre un silence aquatique et la présence macabre générée par ces corps aux yeux cette fois-ci délibérément clos. C’est une eau purificatrice qu’expose Desiree Dolron, tout en lui confisquant son aura d’élément bienveillant. Cette fusion, propre à la religion, du corps et de la foi se retrouve également de manière interne chez l’artiste. « Mes travaux, c’est moi. » affirme-t-elle, refusant l’idée d’une quelconque distance entre elles et ses œuvres. Bien que, que l’on vous rassure, la photographe néerlandaise soit beaucoup plus enjouée que ses clichés. Mais l’artiste se fait enfin plus bavarde lorsqu’elle se dirige avec aplomb vers les séries Xteriors. En effet, cette série - la plus récente – fait non seulement appel aux nouvelles technologies de retouche d’images, mais constitue par ailleurs un écho au petit conte que Desiree Dolron rédigea lorsqu’elle était enfant. Les longues silhouettes brunes aux cheveux tressés, noués, lissés, se dressent alors les unes faces aux autres, systématiquement dépourvues de sourcils. Parmi ces femmes aux peaux de marbre blanc, presque transparent, se tournant le dos, se tenant la main, ou encore s’évitant tout simplement, des portraits en buste dévisagent le spectateur du coin de l’œil, semblant protéger en elles des secrets inviolables. Les fonds charbonneux des photographies semblent s’enfoncer, emportant avec eux le contour des visages parfaits saisis par l’artiste.
« J’aime à me dire que les visages apparaissent comme l’image sur la pellicule, je m’inspire principalement des peintres de la tradition flamande et de la technique du sfumato pour créer cette absence de frontière entre le visage et l’arrière-plan. », dévoile la photographe. Cette frontière évoquée par Desiree Dolron se retrouve ainsi sous diverses formes, ne parvenant cependant pas à séparer le caractère vivant de l’inerte, comme le réel du fictionnel.
Et c’est toujours entre deux états, deux mondes que Desiree Dolron invite le spectateur, lui donnant ainsi l’impression de décider du sort ou du statut de chaque être représenté.