C'est au directeur de la photographie Pierre Mignot qu'est décerné cette année le prix Albert-Tessier, la plus haute distinction accordée par le gouvernement du Québec dans le domaine de la cinématographie. Il a mis en images des films qui font partie de l'imaginaire collectif québécois, tels que J. A. Martin, photographe et C.R.A.Z.Y., traduisant avec une rare sensibilité la vision des réalisateurs avec lesquels il tourne.
Pierre Mignot commence à s'intéresser à la photo dès son premier contact avec la pellicule à l'âge de 12 ans. L'adolescent est immédiatement fasciné. Il économise l'argent qu'il gagne comme livreur d'épicerie pour acheter un appareil photo. Il apprend donc sur le tas, avec essais et erreurs, les techniques de l'image. Comme il n'y a pas de cours de photographie au Québec à l'époque, il étudie la technique de réfrigération.
Mignot est appelé un jour pour remplacer à pied levé un photographe de plateau. Il a alors un deuxième coup de foudre : le cinéma. Il va voir Michel Brault qui tourne Entre la mer et l'eau douce et lui demande s'il peut avoir une responsabilité. Durant six mois, il est assistant-monteur. Il décide alors de se lancer dans le métier. Delta Films l'engage. Puis, en 1967, l'Office national du film (ONF) lui propose d'être assistant-caméraman d'un court métrage. Mignot y reste douze ans durant lesquels il passe par tous les métiers touchant la caméra, tant pour des fictions que pour des documentaires. Son premier film en tant que directeur de la photographie date de 1971, une production privée de Marc Daigle s'intitulant C'est ben beau l'amour.
Mignot quitte l'ONF en 1979 pour devenir pigiste. Il a à cette époque une trentaine de films à son actif, presque tous des longs métrages, dont J. A. Martin, photographe, de Jean Beaudin, sorti en 1977. Plus de 50 films se sont ajoutés à cette liste depuis 1979. Entre autres, de 1982 à 1994, Mignot a travaillé sur de nombreuses productions du cinéaste américain Robert Altman, dont Come Back to the Five and Dime, Jimmy Dean et Prêt-à-porter. Mignot préfère les films à petit budget, comme le sont généralement les longs métrages québécois, aux grosses productions de type hollywoodien. C'est notamment pour cette raison qu'il n'a pas voulu faire carrière à Hollywood.
Mignot ne chôme pas au Québec. Il collabore avec une vingtaine d'auteurs, de Robert Favreau (Un dimanche à Kigali) à Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y.), en passant par Gilles Carle (Maria Chapdelaine), Jacques Leduc (La vie fantôme) et Robert Lepage (Nô). Et il reste fidèle à certains, comme Jean Beaudin (Mario, Sans elle), Léa Pool (Anne Trister, À corps perdu, Le papillon bleu, entre autres) et Robert Ménard (dont Une journée en taxi et Cruising Bar).
Pierre Mignot a remporté de nombreux prix. Il a obtenu trois prix Jutra, dont un pour Un dimanche à Kigali en 2007, un pour C.R.A.Z.Y. l'année précédente et un autre pour Le papillon bleu en 2005. Il a été nommé Grand Montréalais de l'avenir en 1983. La Cinémathèque québécoise lui a consacré en 2005 une rétrospective avec une quinzaine de films.
Le prix Albert-Tessier qui est remis à Pierre Mignot met en lumière le travail essentiel du directeur photographique dans la réalisation d'un film et la sensibilité doublée d'humilité qu'exige le métier.