Wilson Chauke, agent de sécurité, à l’entrée de sa cabane avec ses deux fils, Talent, 8 mois, et Task, 6 ans.© David Goldblatt
Né en 1930 à Randfontein dans le Transvaal en Afrique du Sud, David Goldblatt s'intéresse très jeune à la photographie. Il débute en tant que photographe de presse en 1948, et, très vite, s'attachera à immortaliser la société sud-africaine. Le quotidien en Afrique du Sud sera, pour lui, un terrain privilégié, et ses images ont une importante portée documentaire dans le paysage social et politique du pays, pendant l'Apartheid, mais aussi depuis la fin du régime ségrégationniste.
Ainsi, Goldblatt balaye tous les aspects de la vie en Afrique du Sud, à l'image d'un journaliste, sans parti pris, ce qui lui sera vivement reproché : « Je me distinguais d'eux, convaincu que, quelles que soient ses idées, le photographe, comme le journaliste, doit observer et retranscrire sans passion plutôt qu'avec l'engagement de l'activiste ». Baptiste Lignel, photographe indépendant, auteur de la très complète préface de l'ouvrage, le souligne ainsi « De ce fait, certains le considèrent avec méfiance, allant jusqu'à le soupçonner d'être un 'vendu' ».
A Geel, près de Nietverdiend, Marico Bushveld, Transvaal, décembre 1964 © David Goldblatt
Un propriétaire terrien avec la fille de sa domestique, Wheatlands, Randfontein, septembre 1962 © David Goldblatt
La photographie de David Goldblatt est certes documentaire, mais dégage également l'humanisme d'un artiste au talent inimitable. L'oeil de Goldblatt est celui du noir et blanc jusqu'au début des années 1990, comme l'explicite le préfacier « Alors que pour son travail commercial – depuis les années 1960 – Goldblatt utilisait couramment de la pellicule couleurs, ce n'est qu'à la fin des années 1990 que ce type de support apparaît dans son œuvre personnelle. « Pour deux raisons : 1.Pendant ces années, la couleur trop douce pour exprimer la colère, le dégoût et la peur inspirés par l'apartheid ; 2. La photographie couleurs avait des possibilités très limitées. »
Homme endormi, Joubert Park, Johannesburg, 1975 © David Goldblatt
Ainsi, l'ouvrage PhotoPoche publié aux éditions Actes Sud présente principalement des images en noir et blanc du photographe. Sur les 77 images du livre, 10 seulement sont en couleurs. Disséminées au gré de l'ouvrage, sans réel lien avec les autres photographies, elles sont une maigre présentation du travail couleur de David Goldblatt, à regrets. Le lecteur souhaiterait sans doute en découvrir plus, tant son travail noir et blanc prédomine finalement dans l'idée de la photographie de Goldblatt.
Pourtant, la force de l'ouvrage, outre bien sûr les qualités éditoriales de la collection PhotoPoche d'Actes Sud, réside également dans le légendage des images, important pour Goldblatt dans son travail, souligné par Baptiste Lignel « Par-delà ces influences et ces contributions d'écrivains, il faut noter l'importance des textes écrits par Goldblatt au sein de son travail. Un élément qu'il a développé en observant les pratiques de revues telles que Life, Look et Picture Post, chacune utilisant le triple niveau d'information : image, légende, texte. « Je considère mes textes sous forme de légendes ou de légendes détaillées comme faisant partie intégrante du travail photographique, et donc d'une très grande importance. »
Yaksha Modi, fille de Chagan Modi, dans le magasin de son père avant qu’il ne soit détruit en application de la loi Group Areas Act, 17ème rue, Fietas, Johannesburg, 1976 © David Goldblatt
Contrairement à d'autres photographes qui laissent trop souvent le lecteur seul face à leurs images, Goldblatt l'accompagne, le guide dans sa lecture photographique. « Grâce à ses légendes, Goldblatt peut nous apporter une précision correspondant au hors-champ de la photographie (…), ou bien nous forcer à regarder un détail spécifique de l'image sur lequel le regard pourrait passer et ainsi rater l'intention de l'auteur (…) ou encore inscrire une image dans une narration historique dont elle n'est que l'aperçu d'une étape. » Le lecteur se sent alors immergé de plein fouet dans l'univers du photographe, et appréhende mieux ce qu'il regarde.
Eglise réformée néerlandaise, achevée en 1984, Quellerina, Johannesburg (Gauteng), 3 novembre 1986 © David Goldblatt
L'ouvrage David Goldblatt, publié dans la collection PhotoPoche d'Actes Sud, offre un tour d'horizon réussi de l'oeuvre du photographe, témoin d'une époque, d'une société, d'un monde, dont il a fait partie intégrante, et qu'il continue de documenter avec brio.
Claire Mayer
David Goldblatt, collection PhotoPoche aux éditions Actes Sud
Format 12,5 x 19 / 144 pages
13 €