© Ge?RARD RONDEAU
Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris Val-de-Seine 3 quai Panhard et Levassor 75013 Paris France
Mois de la photo 2012 Maison européenne de la Photographie 5/7 rue de Fourcy 75004 Paris France
Expositions ouvertes du lundi au samedi de 11h à 19h (sauf jours fériés)
Pour tout renseignement, contacter le 01.72.69.63.00
MOIS DE LA PHOTO 2012
Gérard Rondeau, La Géographie des apparences
Sait-on ce qu’il faut de cécité pour que des présences nous soient offertes dans leur pure contingence ? Il n’est pas question chez Gérard Rondeau de préméditation plastique mais de surgissement. Quelle est cette silhouette qu’on découvre parmi les branches chargées de neige ? Il n’a cure de l’aveuglante clarté. C’est allusivement qu’il nous invite à voir. Pour dévoiler il voile ; s’éloigner des vues apprises. Paysage, maison, voiture abandonnée ; toujours il est question de mémoire et de flux. Jamais autant que dans son travail sur la guerre n’émerge l’obsession de la conscience du temps. Se promène t’on dans la forêt que les vagues des tranchées miment son battement, emportant les corps des combattants meurtris. Dans un mouvement d’horloge tourbillonne le chaos.
Gérard Rondeau nous donne à voir dans le tremblement des valeurs subtiles, comme dans le battement d’un contraste infime à travers l’atmosphère humide où la présence s’avive. Orbites fantomatiques ! Celles des vanités, celles des vaisseaux de pierre fracassés. Jamais noir et blanc n’auront autant traduit les reflux de la vie, les souffrances et compassions de ceux qui ont comme lui témoigné des corps abimés par la guerre se tenant sur un squelette de béquilles.
Une bâtisse suinte la tristesse ; sorte de périscope au visage à l’œil glauque perdu sur l’étendue des plaines. Sous un faîtage de tuiles s’avance une terrasse couverte d’un fantôme de treille attendant en vain l’advenue d’un vivant sous la végétation absente. Les branches dénudées des peupliers, sentinelles de la brume, convoquent l’espace.
© GéRARD RONDEAU
Gérard Rondeau ne connaît les choses que par sa ténacité à les connaître. L’attente précède l’acuité du regard. Il lui faut chaque fois renier une vision acquise. Ici, croit-on fixer une image qui se présente à nous dans son immobilité que valeurs et formes apparaissent et disparaissent jusqu’à s’annuler dans une image mentale. Là le sillage d’une voiture se dresse sur l’horizon, comme dans une muette imploration vers trois vagues de nuages dont l’écume roule comme un mascaret.
Le temps appartient à la physiologie du photographe créateur.
Gérard Rondeau choisit le temps de pose qui métamorphose l’espace en champ de forces. Ces oiseaux en vol devant une cathédrale nous font assister à l’épiphanie d’un espace de tension qu’on lit dans les traces vectorielles du vol. La question qu’il soulève est celle du temps. On ne saisira que mieux sa véritable originalité en percevant sur ses photos la trace de la quatrième dimension. C’est le seul photographe chez lequel la tension de l’espace se manifeste au point que se crée un champ qui métamorphose l’étendue en espace et dont le questionnement sur le milieu se substitue à celui de l’oiseau dans lequel il évolue. Le présent est enfin vécu dans une contemporanéité qui ne sépare pas l’objet de la condition de possibilité de son existence ; l’oiseau de sa capacité de voler, le vivant de respirer, nous d’être là par la médiation de la « pure extériorité » de son déploiement. De fait, Gérard Rondeau nous accorde la grâce de la vie.
Henri Gaudin, Paris, mai 2012
© GéRARD RONDEAU