Thomas Zicola

Thomas Zicola

#Photographe
Intérieur ou extérieur, l'espace construit emplit les photographies de Thomas Zicola. Les traces architecturales accueillant l'activité humaine constituent le support de sa recherche photographique.

Le cadrage volontairement resserré sur des bâtis contemporains et fonctionnels circonscrit le déplacement du regard au vide laissé entre les murs, l'horizon restant masqué par des manifestations matérielles de l'action humaine (haie, murs, …). Et si le regard bute contre ces enceintes, c'est qu'elles constituent le sujet même des photographies, tout corps humain étant exclu. Cette absence d'individu n'est d'ailleurs pas sans rappeler les démarches de la canadienne Lynne Cohen et de l'américain Lewis Baltz pour qui notre environnement exerce quotidiennement un contrôle sur la manière dont nous vivons et nous nous comportons. De la même façon, chez Thomas Zicola, les architectures constituent des coquilles susceptibles d'influer les échanges sociaux qu'elles accueillent tout autant qu'elles en témoignent. Dans la série Trames, par exemple, les chambres photographiées dressent des portraits en creux de leurs occupants. La série Ensemble porte le regard sur divers espaces publics susceptibles d'évoquer leurs usagers.

Mais ces décors ont perdu leurs acteurs, si bien que l'image photographique ne fixe aucun mouvement. L'instant décisif laisse la place à un étirement. Alors que la photographie est généralement caractérisée par sa capacité à fixer l'écoulement du temps et définie comme un médium de l'entre-deux temps, son usage est ici mis à mal. L'enregistrement n'arrête rien. Ce n'est pas un moment précis que l'artiste cherche ainsi à montrer mais bien d'avantage une dilatation ou un flux, un état, si ce n'est permanent, durable.

Le protocole de prise de vue caractérisé par un cadrage strict, une construction géométrique, la frontalité et une lumière neutre apporte un traitement quasi clinique et dépourvu d'empathie. Habituellement, cette recherche de neutralité tend à documenter objectivement le sujet photographié. Pour Thomas Zicola, l'objectivité de la photographie relève du leurre. La forme-document vise plutôt à éviter toute spectacularisation. La déclinaison des images selon ce protocole récurrent enraye également toute dimension auratique. La sérialité est utilisée non dans une volonté d'exhaustivité mais au contraire comme désamorçage d'une visée totalisante. Le vide et la langueur portés par les photographies redoublés de cette démarche d'objectivisation invitent le visiteur à créer sa propre lecture en l'absence d'un message unique et forcément véridique.

Il s'agit aussi d'une attitude de dépouillement, de simplification qui culmine avec la série Dear William. En effet, dans celle-ci l'espace se réduit, le décor s'efface, l'angle se resserre tant que le réel n'est saisi que pour sa dimension plastique en dehors de toute dimension anecdotique ou narrative. Après la figure humaine, l'écoulement du temps, c'est le sujet lui-même qui semble disparaître.

Détournant l'idée de mise en présence par le médium photographique, Thomas Zicola consigne des absences qui le mènent à une simplification radicale du sujet, problématique qui avait conduit certains peintres en leur temps à répondre par l'abstraction géométrique et le monochrome. Car en effet, sa démarche repose sur la réactivation de diverses problématiques : l'abstraction, le minimalisme, mais aussi le banal en tant que sujet photographique, comme si la prolongation temporelle et l'idée de flux caractérisant visuellement ses images incorporaient sa démarche même.


Julie Martin
Plateforme d'Arts de Muret