Thierry Barre

Thierry Barre

#Photographe
Barré, né en 1956, vit et travaille à Montfort-L'Amaury. Peintre, sculpteur, plasticien, il est en permanence à l'atelier Bouteille à Montfort-L'Amaury.
Nous sommes tous des Poissons-Poulets « Au début, je ne savais pas pourquoi je faisais des Poissons-Poulets, je savais simplement que j’aimais faire ça. Souvent, dans mes peintures sur toiles, je croquais, graphitais des poissons. Je me suis vite rendu compte que j’avais vu des milliers de poissons, mais je ne savais pas bien où étaient placées les nageoires, quelle forme elles avaient, la forme de la tête, de la bouche, etc... Les photos, les illustrations ne suffisaient pas, j’ai acheté des vrais poissons. La première fois, j’avais du maquereau, du merlu, de la truite, et une tête de thon. C’est gros une tête de thon, c’est plein de sang, ça coule. La peau est métallique,
lisse avec des marques et des nuances, c’est beau, c’est puissant. Le sang coulait sur la grande feuille de Canson, l’encre de chine de mon croquis coulait aussi, les deux se sont mélangés, avec mon fils, on a fait des photos. Je me suis dit, qu’on pourrait faire des photos avec des poissons posés sur des toiles préparées, en technique mixte. J’étais captivé par ces poissons posés sur mes toiles, sous la lumière des spots. C’est connu, on ne voit pas les choses de la même façon selon le lieu, surtout quand le lieu est inapproprié. À la fin de la première séance de travail, j’avais esquissé une crête et des pattes à un maquereau, il y a eu un déclic. Avec le photographe, on a senti qu’il se passait un truc, que quelque chose d’intéressant semblait émerger. Par la suite, j’ai introduit le poulet. Un corps de poulet avec une tête et une queue de poisson, ça donne une créature étrange qui ressemble à un dinosaure. Plus précisément à un Raptor et c’est bien normal, les derniers dinosaures étaient les oiseaux. Quand j’ai compris cela, j’avais un début d’explication sur mon travail, L’ORIGINE, LA VIE, L’HOMME, la fameuse chaîne de l’évolution darwinienne, l’eau, la cellule, le poisson, le Poisson-Poulet, l’homme. J’ai continué à travailler des tableaux, des compositions, à partir de peintures, pigments, encres, plus des poissons, des poulets, voir même des têtes de cochons et quelques fruits et légumes. Il y a des natures mortes que j’aime bien. J’aime l’eau, les pontons, les rivières, la mer. Je sais que l’homme a toujours inventé des créatures fantastiques, des chimères, des mythes. Le Poisson-Poulet, c’est mon bébé. Je l’ai attendu 15 ans. La gestation est longue chez moi. Je fais aussi de la sculpture et j’aime ça. Certains disent que la sculpture c’est mon truc. Moi j’aime tout : sculpture, peinture, photo, musique, cinéma, littérature, j’aime tout et je crois en tout. Je parle de sculpture, parce qu’on m’a déjà dit que je faisais de la peinture de sculpteur. J’ai besoin de matière, je suis tactile, j’aime toucher, les fleurs, les arbres, la terre, la peau. Dans le Poisson-Poulet, il y a de la matière, non pas que je sois un obsédé de la viande, mais ça me plaît. Si je crois à l’évolution Darwinienne, je crois aussi à l’âme, et à l’esprit. J’ai un ami, Philippe, qui a une gueule. Pour moi, c’est Don Quichotte. Comme je suis fan de Don Quichotte, je lui ai demandé de poser avec un casque Poisson-Poulet pour accentuer le côté original du personnage. Ce fut une révélation. Le ridicule du casque avec le maintien, la dignité de Philippe fonctionnait parfaitement. Mais je n’avais pas mis assez de peinture, c’était raté. Par contre, j’étais accro à ce travail. J’ai peint d’autres hommes et femmes avec des Poissons-Poulets sur la tête, toujours dignes et sérieux. Avec l’expérience, je travaille de mieux en mieux, proche de ce que je veux, de ce que je recherche. Giacometti disait qu’il n’avait jamais réussi une sculpture, il cherchait. Nous ne sommes jamais tout à fait satisfaits. Sans se comparer à Giacometti, nous avons dans un coin du cerveau une certaine vision irréaliste, une certitude sur un idéal possible, une perception immatérielle de la beauté, de l’amour, de l’humanité. Nous voulons dire cela, avec nos mains comme outils, avec de la matière comme support, et nous n’arrivons jamais à l’exacte représentation. C’est le propre de l’artiste, nous recommençons, nous continuons à chercher parce que nous ne trouvons jamais l’introuvable, une ultime perfection. Avec ce travail, je reviens vers des dessins que je fais depuis l’adolescence. Toujours les mêmes visages tournés vers nous, ni tristes, ni gais. Humains androgynes qui nous regardent, visages interrogateurs.
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C’est mon regard sur l’humanité et l’incompréhension qui dominent, c’est l’étonnement sur ces hommes qui virevoltentavecleurego,aumilieude7milliardsd’autres.C’estl’admirationetl’effroi.Avec« NOUSSOMMES TOUS DES POISSONS-POULETS, je replace l’Homme dans son origine Darwinienne, tous issus du «Poisson- Poulet » : nous retournerons a la mer, quoi que nous fassions. Si je parle comme cela de mon travail avec franchise et sincérité, c’est pour essayer de décrire le cheminement d’un travail artistique, qui souvent laisse le spectateur interrogatif. Mes derniers tableaux sont des reprises d’œuvres connues que j’adore. Je ne pense pas les avoir maltraitées, j’ai interprété ces chefs d’oeuvres, en essayant de conserver l’essentiel, LA BEAUTÉ. »