J'ai découvert la photographie en classe de 6ème au début des années 70 au sein du club photo de mon collège .
Au commencement était une pièce noire.
Son intérêt se limitait à la présence des filles dont nous avions été séparés pendant l'école élémentaire pour garçons. Puis l'odeur enivrante, voire addictive aux produits chimiques m'a incité à rester de plus en plus souvent avec mes camarades déjà bien aguerris aux techniques du développement et du tirage. Et enfin la révélation ! Participer à cet instant magique où l'on assiste à la naissance de l'image sur le papier immergé dans le liquide. De sorties photos entre copains aux après-midis dans la chambre noire, de très (trop) sérieuses discussions sur nos "oeuvres" aux petites expositions entre collèges, ces années de préadolescence ont marqué durablement mon intérêt pour la photo.
Je me souviens avoir dit à mon prof de dessin qui se désespérait de voir en moi aussi peu de don pour la perspective : "J'aime l'image, je ne sais pas dessiner, alors je fais de la photo". Ce à quoi il répondit de façon cinglante : "On ne crée pas avec un appareil photo, on copie". J'ajoutai : " Moi c'est un appareil, d'autres c'est un crayon ou un pinceau, mais pareil m'sieur, on apprivoise la lumière". Il s'empourpra, monta sur la pointe des pieds, tendit l'index en avant, haussa le ton. Je ne me souviens plus de ses paroles exactes, mais il y avait la création et l'art d'un côté, la paresse et la facilité de l'autre. Je vous laisse deviner dans quelle catégorie il me rangea. Quelle déception... Manifestement Cartier-Bresson, Doisneau et Brassaï n'étaient pas de ses livres de chevet.
J'ai gardé de ces années le goût pour le noir et blanc, la couleur n'entrant dans mes photos que si elle est une composante essentielle de la composition.