La nouveauté en peinture ne consiste pas dans un sujet jamais vu, mais dans une nouvelle et bonne disposition, ainsi le sujet de vieux et commun qu’il était devient singulier et nouveau (2)
Nicolas Poussin Lettres et écrits sur l’art
Gaëtan Viaris poursuit depuis 1987 une recherche visuelle intitulée Interprétation photographiqe argentique noir et blanc de l’œuvre d’art plus particulièrement la sculpture et la peinture anciennes à l’issue d’un travail de maîtrise en image filière photographique à l’Université de Paris VIII sous la direction de Jean Claude Moineau .
Ce travail de recherche sur l’interprétation photographique noir et blanc de l’oeuvre d’art repose sur les réflexions que trois auteurs liés à l’Histoire de l’Art (ou à sa théorie) ont consacrées à certains rapports spécifiques entre la photogra-phie et l’oeuvre d’Art.
Heinrich Wölfflin développe une analyse sur la manière dont la sculpture doit être photographiée en faisant appel au point de vue (3)
Un seul point de vue unique et privilégié (point de vue frontal) pour la sculpture classique
Une multiplicité de points de vue pour la sculpture baroque, mais en accordant une préférence pour le point de vue frontal, qui seul valorise, selon lui, le bel accord des lignes.
Je m’intéresse à la photographie car l’appareil photo est le premier appareil qui permet de sauter de point de vue en point de vue”
Vilèm Flussser Pour une philosophie de la photographie Circé. 2004
-Walter Benjamin dans son célèbre essai de 1935 (4) L’Oeuvre d’Art à l’ère de sa reproductibilité technique note l’évolution du rôle de l’Art sous l’action de la reproduction photographique. Il observe, selon son point de vue d’orientation marxiste, que celle-ci conduit à un phénomène de ‘banalisation’ de la perception de l’oeuvre d’art (liée à la perte de l’aura), mais qui permet alors l’accès à la culture à un vaste public , la soustrayant ainsi à la seule appréciation d’une élite privilégiée. Il souligne, en conclusion, le passage de l’oeuvre d’une ‘fonction‘cultuelle’ (son usage rituel) à sa ‘fonction culturelle’ (liée à ‘sa valeur d’exposition’).
André Malraux dans son analyse sur la perte de l’échelle (5) note que ‘la reproductionphotographique’ en abolissant la notion d’échelle conduit à ‘une uniformisation visuelle’ de la perception de l’oeuvre photographiée . En la rapprochant du regard du spectateur, tant par le prélèvement du ‘détail’, que par la technique d’agrandissement, elle permet alors par cette ‘ proximité optique ‘ de saisir des aspects ‘non vus’ de l’oeuvre originale et lui confère ainsi ce que Malraux appelle ‘un accent impérieux’ .
De fait, à l’encontre du rôle de reproduction à laquelle est restreinte génralement la photographie d’oeuvres d’art (fidélité au modèle, objectivité du rendu), il existe une autre approche photographique possible, appliquée ici à la sculpture et à la peinture.
La finalité de cette photographie, appréhendée comme “art du cadrage” liée fondamentalement au choix du ‘point de vue’ se veut dès lors non plus un simple constat, mais placée sous la seule ‘autorité visuelle et esthétique’ du photographe une interrogation d’ordre plastique et visuel sur l’oeuvre elle-même. Dès lors le regard photographique doit exercer son plein pouvoir de pénétration.
Pour reprendre la réflexion de Thiery De Duve sur le travail de Ryman. Il ne s’agit plus seulement de quoi voir ? mais bien de comment voir ? (6)