Christian Malon

Christian Malon

#Photographe
Officier des Arts et des Lettres

Professeur d' éducation culturelle au Lycée Agricole de VIRE : 1969 -2001
et au Lycée Agricole de COUTANCES : 2001-2004

Né le 7 octobre 1944 à CONDAT (Cantal)
Diplômé de l'Institut National Agronomique de DIJON
Ministère de l'Agriculture : 1972

Premières photographies sur le monde rural en général et plus particulièrement sur les PAYSANS AUVERGNATS ET NORMANDS. : 1967

Une œuvre originale qui retrace un itinéraire : petit fils d'agriculteurs du Cantal venus en Normandie dans les années 20 comme négociants - voyageurs; j'ai dés mon plus jeune âge été partagé entre ces deux Régions rurales essentiellement d'élevage.
Les Salers à robe rouge occupaient les villages et les plateaux de mon Cantal natal et les Normandes aux trois couleurs se mariaient avec bonheur aux pommiers en fleurs du Bocage.

J'ai vécu ces trente dernières années de ruptures du monde agricole avec le sentiment d'abord confus que nous vivions la fin d'un monde ! Les aller et retour bi-annuels entre Auvergne et Normandie m'ont d'abord montré un écart croissant entre les développements agricoles de ces deux Régions. La Normandie agricole compte tenu de son climat plus favorable, de ses structures … se développait plus rapidement que l'Auvergne, surtout la Haute Auvergne où un hiver plus long et plus rigoureux ainsi que des altitudes plus conséquentes constituaient un frein au progrès; par conséquent c'est cet écart qui me fit prendre vraiment conscience des mutations inexorables qui allaient s'opérer dans le monde paysan.

J'ai voulu rendre compte par la photographie de l'évolution de mes deux terres d'attache, en observant en premier lieu les paysans qui vivaient autour de moi dans mon village natal à la fin des années 60. Mon désir était alors de conserver la mémoire de ces Gens, de leurs modes de vie, de leur relation avec la nature et les animaux, de leurs expressions et de leurs gestes.

Le paysage rural, hier comme aujourd'hui demeure pour l'essentiel un produit de l'agriculture, à une nouveauté prés, considérable : hier le paysage était une résultante ou une conséquence ; aujourd'hui il est en soi une production… et un appel pour l'agriculture. Le paysage ne s'hérite plus, il se construit ou se reconstruit. Les paysages qui font rêver les urbains sont le plus souvent des paysages cultivés et travaillés. Les habitants des villes considèrent essentiellement la campagne comme un paysage.

Ces deux régions aux racines agricoles fortes que j'ai souhaité associer dans mon travail d'auteur - photographe, me paraissent au centre d'une problématique plus que jamais actuelle :
- Quels types de paysages souhaitons nous ?
- Quels liens ont les agriculteurs aujourd'hui avec le paysage ?
- En quoi les pratiques agricoles et autres ont-elles modifié celui-ci ?

Sans prétendre répondre de manière exhaustive à ces questions fondamentales de nos jours, mes photographies je l'espère, au-delà du devoir de mémoire indispensable, peuvent contribuer par leur simplicité et je l'espère par leur vérité, à nous interroger sur notre avenir à travers ces regards de paysans, leurs liens avec les animaux et la nature ; en gardant l'émotion.

Les photographies de Christian Malon transportent le regard du visiteur de l'exposition de l'Auvergne à la Normandie. L'association serait curieuse, voire étrange, si l'on ne savait, avant de rencontrer ces images, que le photographe est Auvergnat d'origine et que l'enseignant travaille au lycée agricole de Vire. Une double nationalité en somme, teintée d'une forme originale de pluriactivité: l'homme de l'Art et l'homme du Savoir. Cette dualité que Christian Malon revendique est une des clefs pour comprendre son travail.
Il commence ses premières prises de vues il y a trente ans en Auvergne. C'est la période des années soixante et de la réalité, devenue concrète, d'une mutation qui passe par le productivisme. Les époques sont là, présentes, comme un livre ouvert pour celui qui s'intéresse au devenir de l'agriculture et qui a la chance de vivre ces moments privilégiés où le souvenir et l'avenir sont un même présent. Le jeune photographe prend conscience qu'il y a là matière à fixer ce temps qui passe parce que tout bientôt sera différent. Au travers de ses déplacements, de ses rencontres, il photographie ces « gens du Pays » qui sont porteurs de plusieurs décennies d'une pratique de l'agriculture où l'activité économique n'était que la face visible de racines enfouies au plus profond de la terre. Le boulimique d'images va dans les fermes, les cafés, les foires, sur les routes où les voitures difficilement se croisent, pour rencontrer ces visages, arrêter ces silhouettes qui se fondent dans le paysage. Dès son arrivée en Basse Normandie il continue de construire cette mosaïque d'images argentiques où la part de l'impression s'associe au contenu documentaire. C'est ce savant mélange que d'autres appelleraient la photographie d'auteur qui permet au visiteur de l'exposition de rentrer dans cet univers des «Gens du Pays» et de les voir en lieu et place du photographe.

Bien sûr, comme le dit Christian Malon, il y a là œuvre de mémoire. A plusieurs reprises l'enseignant a montré ce travail à des élèves destinés, eux aussi, à vivre de la terre mais qui ont d'abord appris à regarder des images à la télévision avant de savoir lire leurs manuels d'histoire. De cette confrontation le photographe comme il le raconte lui-même, en a reçu le plus beau compliment: «les jeunes sont très intéressés, un jour l'un d'eux m'a dit que mes photos n'avaient pas besoin de légendes»; ce futur exploitant avait compris que les photographies de Christian Malon parlaient du souvenir des paysans avec le silence perceptible de leurs propres mots.

Eric Perrot

Commissaire de l'exposition «Gens du Pays» au Ministère de l' Agriculture à Paris en mai-juin 1998.

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Christian Malon prend des photos -c'est l'expression- pour garder un sourire, un regard, des visages, des silhouettes et bien sûr, des lieux qui lui sont chers puisqu'ils viennent d'un Pays qui, c'est sûr, est le sien.
Christian Malon réussit simplement à rendre dans ses photos cette complicité qui, du bout des doigts, au quart de poil d'une moustache ou même de dos, s'opère entre des êtres qui on s'en doute, regardent toujours celui qui les prend «dans son appareil» -et même s'ils ne le voient pas- droit dans les yeux, comme un des leurs. Alors on comprendra que ces images me touchent parce qu'elles me permettent de voir que Christian Malon aime non pas ses photos mais bien ceux et celles qui ont partagé avec lui, le temps d'un déclic, d'une cigarette roulée, ou d'une caresse de chien, des instants de la vie qui -je le sais- durent encore quelque part sur «l'autre versant», quand le soleil se couche.

François de Cornière


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Christian Malon photographie. On sait qu'il aime les hommes, les bêtes, les paysages, les lumières, les ombres et les brumes de la Normandie. Il aime saisir un regard sous une casquette, l'herbe mouillée et piétinée, les bottes ou les grosses chaussures de travail, la haie touffue, les pommiers, la lourde puissance des bêtes que les hommes tirent, poussent, soignent, observent, évaluent, admirent… le tout forme une matière dense que les romanciers et les peintres ont aimé traduire en une plastique où la sensualité rejoint la matérialité des hommes et des choses, la transgresse, la féconde, peut-être bien la sublime… Christian Malon photographie les foires de Normandie.

Armand Frémont


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Christian Malon nous révèle l'âme d'une région. Normandie de terre et de mer: tout est dit. Mystérieuses épousailles qui font que la terre la plus terrienne de France est intimement liée à l'eau, salée ou non. Vous ne trouverez pareille union nulle part ailleurs. Les marais poussent la fusion à l'extrême, qui, l'hiver venu, installent en plein pays bocager une petite mer intérieure. Christian Malon décline l'eau sous tous les modes: rivage maritime, pêche à pied, pêche au large, rivière, marais. Nous sommes loin de la Normandie des clichés et au plus près de notre vérité. De même que l'homme le plus charnu reste essentiellement composé d'eau, cette région charnelle ne se conçoit point sans l'élément liquide qui la baigne et l'irrigue.

Gilles Perrault


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Christian Malon , professeur au Lycée agricole de Vire, travaille, dirions nous entre deux mondes et entre deux cultures. Il inculque la modernité à de jeunes ruraux, et aussi à des citadins. Il ne perd pas de vue, c'est le cas de le dire, «ce monde que nous avons perdu» qui cristallise nos nostalgies et qui n'en finit pas de mourir. Peut-être dans un siècle y aura-t-il encore en France quelque reste de cet univers de petits vieux et de grands vieillards qui critiquent implicitement et de tant de manières nos abandons, nos conforts citadins, et qui nous reprochent le manque de sens, parfois, de nos existences purement urbaines, à défaut d'être authentiquement urbanistiques…

Emmanuel Le Roy Ladurie