Festivals du 19/02/2006 au 02/04/2006 Terminé
Biennale internationale Liège Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège 04.220.88.88, www.chiroux.be.
La Biennale de la photographie, à Liège, invite à découvrir un pays complexe vu de l'intérieur.
La nuit est tombée sur Belém. Non loin des quais qui longent les eaux sombres de l'Amazone, une voiture fait halte sur une petite place déserte. Quatre personnes débarquent et se dirigent vers un bâtiment à la façade lépreuse. A l'intérieur, une petite quinzaine de personnes s'active calmement.
Assis autour d'une table, quelques-uns discutent. Un peu plus loin, d'autres se photographient mutuellement en détournant les possibilités du flash. Au milieu du groupe, à la fois discret et omniprésent, Miguel Chikaoka donne un conseil, écoute un avis, propose une piste. Originaire de São Paulo, il a fondé Foto Ativa il y a vingt ans. Débutant, amateur ou professionnel, enfant ou adulte, il semble que tout le monde soit passé, passe ou passera un jour à Foto Ativa. Impossible de rencontrer un photographe de Belém (et Dieu sait s'ils sont nombreux) qui ne vous parle pas de ce club pas comme les autres.
Dans cette maison à moitié en ruine que Miguel et ses potes réaménagent petit à petit, l'un nous montre un travail très conceptuel, proche de la sculpture. Un autre dévoile des photos d'arbres au coeur de la ville. Un troisième sort de ses cartons d'étonnantes photos couleur de gens de la rue sur fond de papiers peints et de toiles colorées... Des pratiques, des thèmes, des styles très différents, mais tous nourris par les échanges de ce club incroyablement actif.
Sur les routes de Paula Sampaio
Un club à l'image de Belém, capitale de l'Etat du Para, à l'embouchure de l'Amazone. Ici, la chaleur est accablante et les orages peuvent tomber plusieurs fois par jour. Chaleur et humidité : les pires conditions qu'on puisse imaginer pour la photographie. Pourtant, en deux ou trois jours, nous rencontrons une bonne vingtaine de photographes, de valeurs inégales mais tous passionnés.
« J'ai envie de vous montrer un travail sur la colonisation de l'Amazone à partir des routes construites dans la région depuis quinze ans, nous explique doucement Paula Sampaio. En fait, il s'agit un peu de l'histoire de mon père et de ma famille. Au début, je faisais des photos sans recherche particulière. Après quatre ans, j'ai commencé à diviser en plusieurs pôles, car le sujet devenait trop vaste. J'ai rencontré beaucoup de gens. D'année en année, je les revoyais. Certains s'étaient mariés, d'autres étaient morts. J'ai suivi leur évolution. »
Au bout de quinze ans, Paula a décidé de montrer son travail. Ses grands tirages noirs et blancs, superbes, y côtoient les petites photos de famille et les lettres écrites par ses interlocuteurs. Un travail très beau et très sensible que Liège devrait présenter en avant-première.
De Luiz Braga à Thomas Farkas
Au bord de l'Amazone, dans un de ces cafés branchés qui se sont établis sur les anciens docks, Luiz Braga savoure cette soirée d'orage, chaude et humide. « J'ai toujours vécu et travaillé ici, explique-t-il. Il y a bien longtemps, Chico Albuquerque m'a dit : Oui, j'ai été à São Paulo, et j'y ai bien gagné ma vie. Mais regarde ça ! Il a ouvert sa chemise et m'a montré la cicatrice de son opération du coeur. »
Le lendemain, dans son atelier, entouré de ses collaboratrices, Luiz nous présente les différentes facettes de son travail. Il prépare une grosse exposition à Belém, pour laquelle il a conçu un espace magique aux allures de carrousel géant sur lequel défileront ses photographies. Déjà, il rêve de voir celui-ci s'envoler pour Liège. Un projet magnifique, mais irréalisable. Finalement, ce sont une trentaine de ses photographies en couleurs qui feront le voyage et permettront de découvrir son travail dans la mode, ses portraits, ses paysages...
De la chaleur humide de Belém à la chaleur sèche de São Paulo, il n'y a qu'un vol d'avion, que nous effectuons le lendemain. A peine arrivé, nous avons rendez-vous avec Thomas Farkas, alerte vieillard disant de lui-même : « Je ne suis pas un professionnel. Je ne suis pas un artiste. Je suis photographe. »
Ingénieur, président de la Cinémathèque, membre de diverses associations, il a suivi l'aventure de la construction de Brasília entre 1956 et 1960. A travers ses images, on découvre une région désertique, une route en terre, des baraquements en bois qui s'érigent petit à petit pour accueillir les ouvriers. Puis, le béton commence à surgir, l'architecture se dessine, futuriste, conçue par les meilleurs urbanistes et architectes de l'époque. Bientôt, une ville entière sort de terre. Le président Juscelino Kubitschek vient l'inaugurer. File de badauds, folie autour de la voiture présidentielle, foule sur les toits. Une époque charnière pour le Brésil.
Le lendemain, en nous promenant dans São Paulo, nous pénétrons à la Casa Triangulo. La galerie est fermée, mais le propriétaire se fait un plaisir de nous montrer le travail de Mauro Restiffe qu'il se prépare à exposer. De grands panoramiques en noir et blanc consacrés à la journée où Lula prit ses fonctions de président. Et nous revoici à Brasília, quarante ans plus tard. Des hommes de la sécurité qui courent, des photographes sur les toits, des gens qui se baignent dans la vasque géante...
Aujourd'hui, Brasília est bel et bien l'incontestable capitale du Brésil. Et Lula, le syndicaliste devenu président, y fait courir les foules, comme Juscelino.
Reportages, portraits, paysages, création contemporaine : une photographie à découvrir
Des bords de l'Amazone aux rues de São Paulo, chez les Indiens Yanomanis et dans les quartiers de Rio, au coeur de Brasilia et dans les dépôts d'immondices, la Biennale de Liège offre une multitude de sujets, mais aussi une étonnante variété de pratiques photographiques.
Au Musée d'art moderne et d'art contemporain (Mamac), on découvrira la première rétrospective d'Ana Regina Nogueira. Une oeuvre forte, très personnelle, où cette grande voyageuse retrace son parcours.
Dans ce même espace, on attend avec grande impatience le « focus sur la création contemporaine au Brésil ». Découverts sur place par Dorothée Luczak, Lucien Barel et leur équipe, la plupart des photographes exposés sont inconnus chez nous. Certains, même, comme Paula Sampaio, n'ont jamais exposé à ce jour. « Notre grand problème a été la richesse des personnalités rencontrées, explique Dorothée Luczak. Finalement, plutôt que d'offrir un patchwork de trois images par artistes, nous avons privilégié des rencontres en profondeur. On verra ainsi de larges ensembles de Luiz Braga, André Cypriano, Juca Martins, Ana Regina Nogueira... »
Les thématiques sociopolitiques seront à l'honneur à l'Espace B9, avec Evandro Teixeira, Juca Martins, Numo Rama et Tiago Santana. A l'institut d'architecture Lambert-Lombard, on combinera photo et archi autour de Brasilia, cette capitale sortie de terre en cinq années. Images d'époque et d'aujourd'hui, mises en rapport avec Bruxelles se transformant au fil des ans en capitale européenne.
Le foot sera bien sÛr présent, à l'ancienne église Saint-André, à travers le regard de photographes belges et brésiliens. Nos compatriotes Felten-Massinger montreront, aux Brasseurs, le très beau travail réalisé à l'occasion de la Biennale de São Paulo. Au Churchill, on verra les étonnantes images nocturnes de grandes villes brésiliennes par Cassio Vasconcellos. Et aux Chiroux, on naviguera entre tradition et modernité, avec une sélection de travaux sur les populations indigènes du Brésil et une interrogation sur leur intégration dans le monde contemporain.Biennale internationale Liège Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège 04.220.88.88, www.chiroux.be.