© Sophie Jung
Photo Levallois fête sa cinquième édition en 2012. Lancé en 2008 à l’initiative de la Ville de Levallois, le festival inscrit dans la durée son engagement envers la photographie contemporaine sous toutes ses formes. Depuis ses débuts, Photo Levallois se veut ouvert aux évolutions de la photogra- phie sans privilégier une tendance particulière, afin d’en restituer la pluralité et la richesse, en faisant la part belle aux jeunes générations et aux échanges avec les autres domaines de création. Des artistes reconnus internationalement ou émergents aux photographes amateurs, tous trouvent leur place dans un événement qui rassemble les grands courants de la photographie contemporaine. Alors que la création et la diffusion de la photographie foisonnent et connaissent des évolutions profondes, le festival entend suivre les mutations du médium de façon pertinente et ouverte. Pour cela, Photo Levallois a adopté dès ses débuts une dimension internationale, privilégié des partis prix exigeants tout en veillant à rester accessible au plus grand nombre, dans un esprit de partage. A l’instar du Prix photographique Ville de Levallois dont le rayonnement est aujourd’hui international, la programmation du festival est ouverte depuis ses débuts à des artistes du monde entier, pour des propositions inédites dans leur quasi totalité.
LES EXPOSITIONS
Hommage à Jan Groover
© Jan Groover
Le temps fort de l’édition 2012 de Photo Levallois est l’exposition monographique consacrée à Jan Groover, disparue au début de l’année.
Née en 1943 aux Etats-Unis, Jan Groover abandonne la peinture abstraite au tournant des années 1970 pour expérimenter la photographie, médium dans lequel elle se sent plus libre, affranchie du sérieux qu’elle estime exigé d’un peintre.
Ses premières photographies portent l’empreinte du climat artistique de l’époque, renvoyant notamment au minimalisme, courant qui privilégie l’effacement du sujet et de l’œuvre au profit de sa relation avec l’espace et le spectateur. Les bases du travail de Groover se mettent en place rapidement : une approche rigoureuse qui pose les fins et les moyens de la pratique. Groover exclut d’emblée la traditionnelle qualité de document attribuée instinctivement à la photographie, se propose de travailler en terme de relations entre les éléments constitutifs au sein d’une image, et entre des groupes d’images. L’enjeu est de développer un vocabulaire spécifiquement photographique au moyen duquel sont conçues des images qui résistent à l’usure des regards successifs. Mais l’artiste avance à pas mesurés, mûrit lentement son travail et c’est à partir de 1975 que son œuvre acquiert une première visibilité.
Les polyptyques qu’elle expose dans des musées comme le San Francisco MoMA, la Corcoran Gallery à Washington ou la George Eastman House à Rochester sont d’énigmatiques groupes de deux ou trois photographies en couleur de format conséquent, aux sujets d’apparence déroutante, proposant des espaces publics cadrés depuis un point fixe, traversés par des véhicules qui altèrent la composition des différents pans. Comme une première mise en garde contre la transparence de l’image photographique, Groover incite à ne pas considérer ces abrupts paysages comme des points de vue sur le réel, mais en tant que jeu formel sur la structure de l’espace photographique et la capacité des images à se charger de nouveaux enjeux selon l’arrangement qui en est fait.
Un tournant décisif s’opère en 1978, quand l’artiste réalise ses premières photographies de natures mortes, genre qu’elle n’aura de cesse de revisiter tout au long d’une carrière de près de quarante ans, le portant à un niveau inégalé. Il est intéressant de noter que cette orientation s’effectue à contre courant d’un mouvement alors dominant à New York, connu sous le nom de Picture Generation. Tandis que des artistes comme Richard Prince, Cindy Sherman ou Sherrie Levine s’emparent de l’imagerie populaire et la court-circuitent, dans une tentative qui prétend notamment s’extraire de l’histoire de la photographie, Jan Groover reprend cet héritage historique et le poursuit à sa manière. Elle multiplie les emprunts explicites à des maîtres comme Edward Weston ( les poivrons ), Paul Outerbridge ( les compostions en couleur avec des ustensiles de cuisine ), Alfred Stieglitz ( l’intérêt pour les corps et les visages ), et aborde progressivement une grande diversité de genres photographiques, revenant invariablement à la nature morte mise en scène, comme un peintre à ses pinceaux.
La diversité des techniques employées au fil de cette épopée créatrice fournit de précieux repères pour suivre le développement artistique de Jan Groover. Mue par une exigence éthique de renouveler sa pratique quels qu’en soient les risques, elle prendra souvent le contrepied d’un élan précédent, comme lorsqu’elle délaisse momentanément la couleur vers 1980 pour expérimenter la technique du tirage au platine, considérée alors comme parfaitement anachronique. Ou encore en décidant avec son mari le peintre et critique d’art Bruce Boice de s’installer en France en 1991, après avoir acheté un nouvel appareil de format panoramique, la camera de banquet, en vogue au début du XXème siècle. Son œuvre est alors présentée dans des institutions et galeries prestigieuses, comme le MoMA de New York qui lui consacre une exposition personnelle en 1987.
Ayant acquis la nationalité française, Jan Groover a poursuivi avec une exigence admirable son expérience protéiforme du médium photographique, et laisse derrière elle une œuvre dont la portée historique est indiscutable.
Elle a toutefois été relativement peu visible en France, et c’est un grand honneur pour Photo Levallois de rendre hommage à cette artiste. Cette exposition mettra également en perspective avec des travaux d’artistes des générations suivantes un ensemble exceptionnel dont la portée n’est sans doute pas encore suffisamment prise en compte. Indubitablement, certains de ces travaux portent, consciemment ou non, l’écho archétypal de l’œuvre de Jan Groover.
Aurélien Mole : « Avant-garde »
© Aurélien Mole
Artiste, commissaire d’exposition, critique d’art, Aurélien Mole construit une œuvre dont l’une des problématiques centrales est celle de l’exposition. Pour Photo Levallois 2012, il a conçu un ensemble de photographies qui seront exposées en plein air aux abords de l’Hôtel de Ville.
Le point de départ de ce nouveau travail est le contexte d’exposition lui-même, dont l’analyse fournit à l’artiste des jalons sur lesquels s’appuyer. S’agissant d’une exposition dans l’espace public, qui plus est dans des panneaux publicitaires rétro-éclairés, Aurélien Mole décide d’emblée de placer son travail dans la perspective du genre dominant d’images dont le passant fait l’expérience lors de trajets urbains : l’affiche publicitaire, où la photographie tient une place prépondérante. Les produits de consommation sont tributaires de leur représentation à des fins de vente. En effet, c’est l’image idéalisée, présentant l’objet dans une perfection avantageuse, faisant volontairement fi de sa contingence et de sa fragilité, qui est le ressort de la consommation. Les fabricants ont d’ailleurs intérêt à exacerber ce déséquilibre entre la représentation toute-puissante et l’objet en lui-même, dont l’usure rapide offre une garantie de renouvellement de l’achat à court terme.
Fort de ce constat, l’artiste décide d’expérimenter de façon concrète cette compétition entre l’objet de consommation courante et sa représentation photographique. Pour ce faire, il place des reproductions d’objets au format d’affiche dans des panneaux publicitaires.
Des bonbons, un Polaroïd, un livre, une affiche électorale sont mis en scène de façon neutre. Le photographe ne leur fait pas jouer la comédie de la perfection hors d’atteinte, celle qui vise à déclencher la pulsion d’achat. Une caractéristique commune a présidé à leur rassemblement : tous sont sensibles à la lumière. Qualité essentielle de la photographie, qu’Aurélien Mole souligne de façon espiègle.
Ces affiches resteront exposées dans l’espace public pendant toute la durée du festival, soit six semaines environ. Il est vraisemblable que le rayonnement UV, les intempéries, les variations de température et pourquoi pas, l’interaction avec les passants, les affecteront et les feront vieillir. Pour autant, l’artiste gage que l’usure de ces photographies sera moins brutale que celle des objets représentés eux-mêmes, s’ils avaient été placés dans des conditions similaires.
À travers cette expérience, Aurélien Mole aborde une nouvelle fois la question du vieillissement des images, problématique qui l’intéresse dans la mesure où la matérialité des photographies
s’y trouve exacerbée. Enfin, il introduit des irrégularités dans une expérience visuelle quotidienne vécue le plus souvent de façon passive, tant l’imagerie publicitaire est perçue comme faisant partie de l’environnement. Par ce biais, cette énigmatique Avant-garde placée le long des grilles des Jardins de l’Hôtel de Ville nous invite, en pensant la façon dont nous faisons quotidiennement l’expérience des images photographiques dans le monde réel qu’elles contribuent à modeler, à comprendre en quoi les conditions de cette expérience influent sur notre compréhension des images.
Aurélien Mole est né en 1976. Il a étudié la photographie à l’ENSP d’Arles et developpe aujourd’hui une pratique artistique dépassant le cadre de son médium initial. Il a participé à de nombreuses expositions en France et à l’étranger, en tant qu’artiste ou commissaire d’exposition.
Charles Negre : « Objets pour voir et vues irréalistes »
© Charles Negre
Inaugurée en 2011, la médiathèque Gustave-Eiffel accueille chaque année, à l’occasion de Photo Levallois, une exposition dans laquelle la photographie tisse des liens avec d’autres pratiques artistiques.
Après l’installation de Gabriel Desplanque et Camille Debray en 2011, Charles Negre investit cet espace avec une proposition ludique autant qu’érudite qui met au défi la perception et emmène le spectateur vers des contrées imaginaires. Le titre objets pour voir et vues irréalistes reflète bien l’intention de l’artiste.
La photographie s’appuie dans la grande majorité des cas sur des appareils optiques (associant le plus souvent un objectif et une camera obscura), dont le fonctionnement est similaire à celui de l’œil.
Charles Negre présente des objets auxquels il assigne la fonction de « machines à voir », selon un mode poétique et léger. L’analogie formelle entre les premières roues en pierre du néolithique et un objectif d’appareil photo ( deux structures circulaires, rigides, percées en leur centre ) sert de base à la construction d’un objet hybride, sorte d’appareil optique issu de la préhistoire.
Le télescopage des époques et l’antinomie des qualités plastiques de cette sculpture lui donnent une présence singulière. Tout aussi singulière est l’image que l’artiste place dans l’alignement de la sculpture, suggérant un rapport étroit entre les deux. Empruntant à la peinture romantique par son sujet, son format, son lyrisme et sa précision ( on pense notamment aux paysages de Caspar David Friedrich, mais aussi à certaines œuvres picturales en vogue en Italie au 16ème siècle utilisant l’effet d’image dans l’image ), cette grande photographie nous transporte dans un espace inconnu et idéalisé.
Au delà du plaisir esthétique donné par cette œuvre invitant à la contemplation sur un mode classique, Charles Negre souligne la complexité du regard en tant que processus. Un dispositifoptique n’est pas suffisant pour permettre la vue. Il faut qu’il rencontre la capacité à projeter une image sur une perception proposée. L’une des prérogatives de l’artiste est de détourner ce processus au profit de sa fantaisie.
Né en France en 1988, Charles Negre est diplômé de l’ECAL (Lausanne) en 2010. En 2011 il a participé, entre autres à l’exposition Genius LOCI à Clermont-Ferrand et au projet le garage à Arles.
Lauréate du Prix Photographique Ville de Levallois : Sophie Jung avec « Easy Jet »
© Sophie Jung
L’un des temps forts de Photo Levallois est l’exposition annuelle du palmarès du Prix photographique Ville de Levallois . Elle rassemble les œuvres du lauréat Sophie Jung ( Luxembourg, 1982 ) et des quatre artistes auxquels le jury
a décerné une mention spéciale : Johan Rosenmunthe ( Danemark, 1982 ), Carly Steinbrunn ( France, 1982 ) et Yannik Willing (Allemagne, 1986 ).
Sophie Jung recourt à la photographie au sein d’une pratique artistique étendue, dans laquelle la vidéo, l’installation, la performance et l’écriture ont également leur place. L’une des particularités de son travail est la conjugaison subtile d’une approche analytique rigoureuse, qui passe par la mise à distance et la déconstruction, avec un investissement personnel, une subjectivité teintée de sentimentalisme. Cette alchimie complexe est souvent à l’origine d’un caractère burlesque qui traverse ses œuvres.
Dans le cas de l’ensemble photographique easyJet, cette richesse d’approche est particulièrement féconde. Le point de départ en est une expérience personnelle, liée à ses allées et venues régulières entre Bâle et Amsterdam depuis 2011. La répétition du trajet en avion déclenche l’idée d’un systèmatisme qui sert de base à l’élaboration d’une œuvre. Sophie Jung choisit toujours le même siège dans l’appareil et prend, vol après vol, des photos cadrées de façon identique, dans lesquelles le logo de la compagnie aérienne se détache sur un fond constitué du ciel. Petit à petit, un ensemble consistant se fait jour, de photographies épurées, réduites à la composition minimale d’un signe placé devant un fond uni.
Sophie Jung place ce travail dans la lignée des recherches de Wassily Kandinsky, citant en anecdote sa lecture d’un passage de l’ouvrage Du spirituel dans l’Art, pendant un vol, dont elle aurait trouvé une application immédiate au travers du hublot, sous ses yeux. Au delà de l’anecdote un brin espiègle, ce qui fait la réussite de cet ensemble est la conjugaison d’une base conceptuelle riche et d’un aboutissement formel indéniable. La mise à distance et l’appauvrissement du sujet, suscitée par la répétition et la simplicité de la structure des images, dirigent l’attention sur les relations qui se créent entre elles. Cette stratégie, courante dans l’art minimal des années 1970 est ici appliquée à une investigation de l’espace photographique et personnel, en phase avec les problématiques contemporaines. Les images sont présentées la tête en bas, ce qui achève de séparer le logo de son référent, le réduisant à l’état de signe étrangement muet, bien que familier. La richesse des variations chromatiques créée une séduction imparable et donne à l’ensemble une tonalité jubilatoire, renforcée par le comique de répétition.
Sophie Jung est née en 1982 au Luxembourg. Elle a étudié la photographie en Allemagne ( Folkwang Schule, Essen ), en Suisse ( Zürcher Hochschule der Kunst, Zürich) et en Hollande ( Rietveld Akademie ).
Son travail sera exposé pour la première fois en France à l’occasion de Photo Levallois 2012.
Johan Rosenmunthe : « Silent Counts »
© Johan Rosenmunthe
Johan Rosenmunthe prend pour point de départ sa fascination d’enfant pour les pierres, objets communs, silencieux et avant tout mystérieux, porteurs d’une histoire dont les fondements nous échappent. Qu’il les aborde sous l’angle de sa nostalgie, d’un point de vue scientifique ou philosophique, les pierres célébrées sous ce titre de Silent Counts sont les ponctuations d’une fable visuelle dont l’intrigue semble en devenir.
La plupart des travaux précédents de Rosenmunthe semblaient indiquer à première vue une pratique sur le terrain, aux prises avec la réalité de la ville moderne ou des étendues sauvages ( Imagine Remembering, The Isle of Human ou Off). Un examen plus attentif nous montrait qu’il n’en était rien, l’essentiel du travail se situant avant et après la prise de vue, dans la conception du projet et la méticuleuse retouche de l’image qui ont lieu dans le calme du studio. Silent Counts confirme un tournant pris en 2011 avec Trasmutations, puisque Rosenmunthe lève désormais toute ambiguité sur ce point essentiel. Johan Rosenmunthe est un photographe qui fabrique, qui assemble, par opposition avec ceux qui prélèvent des images dans le flux du réel. Pour le dire de façon un peu provocante, en paraphrasant Stephen Shore, c’est un photographe qui a des yeux, mais aussi des mains !
Cette attitude témoigne d’une défiance fondamentale vis à vis de la capacité de la photographie à restituer fidèlement la réalité. Rosenmunthe joue régulièrement avec cette adhésion naïve et instinctive à ce qui est montré par une photographie. Mais avec Silent Counts, son ambition est ailleurs. Il propose un examen approfondi de pierres et d’objets en rapport avec ces pierres, sous un angle purement photographique. En quelque sorte, il s’agit, sur la base d’un sujet personnel, de créer un ensemble d’images dont les ressorts et la narration sont spécifiquement photographiques.
Pour cela, il fait jouer à plein les caractéristiques du médium, notamment le conflit entre l’objet en trois dimensions et sa représentation en deux dimensions, la supériorité optique de l’objectif et des matériaux photo-sensibles sur l’œil humain, la création d’un espace autonome et clairement limité, ou encore la capacité des photographies à se charger de sens en fonction du contexte dans lequel elles sont présentées.
Cet ensemble à la beauté froide et stellaire est manifestement une grande réussite, esquissant une ligne de crête élégante entre photographie conceptuelle et formalisme des plus élaborés.
Johan Rosenmunthe est né à Copenhague en 1982. En 2010 il participe à la création du collectif de commissaires Lodret et fonde les éditions Vandret.
Carly Steinbrunn : « The Voyage of Discovery »
© Carly Steinbrunn
Compte rendu de voyage imaginaire vers des mondes inconnus, les délicates images de Carly Steinbrunn convoquent l’ambition encyclopédique dans sa dimension poétique. En se référant à des disciplines comme l’anthropologie, la botanique ou la zoologie, placées dans une temporalité trouble, l’artiste esquisse une cohérence qui met en résonance les différents aspects du réel.
Aux sources de cet ensemble traversant la typologie de la photographie, on trouve des récits d’expéditions comme celles de Bougainville ou James Cook, les romans de Jules Vernes, mais aussi Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss. Certaines images renvoient aussi de façon plus ou moins directe à des photographies célèbres réalisées par des figures marquantes de l’histoire du médium, comme Le Gray, Nadar, Karl Blossfeldt ou plus près de nous Michael Schmidt.
Il est intéressant de noter que ces références situent l’œuvre à la croisée des champs scientifique et artistique, soit précisément dans le topos originel de la photographie.
Par ailleurs, l’artiste regroupe et met sur le même plan des photographies qu’elle a prises elle même et d’autres dont la provenance reste inconnue au spectateur, d’où un sentiment de perplexité propice à ouvrir l’imagination pour tisser des liens entre les images. Cette stimulation de l’imaginaire est d’autant plus effective que l’auteur ne fournit pas des clés univoques, mais plutôt des balises de loin en loin.
Dès lors, en ancrant son travail à l’allure poétique dans une dynamique réflexive sur le médium dans lequel elle opère, Carly Steinbrunn imprime à sa démarche une pertinence dans le cadre de la création contemporaine.
Qu’on ne s’y trompe pas. Le classicisme apparent de l’ensemble, suscité par l’usage du noir et blanc, l’académisme de certains sujets, ou encore la teneur nostalgique qui en émane, est utilisé à dessein par Carly Steinbrunn, qui joue pleinement de la capacité illusionniste, la « transparence » de la photographie.
À cet égard, on peut rapprocher The Voyage of Discovery de travaux de photographes contemporains dont l’influence est aujourd’hui importante comme Roe Ethridge ou Mark Wyse.
Carly Steinbrunn ( née en 1982 ) a étudié la photographie à l’ENSP d’Arles. Elle a fondé le projet le garage, espace alternatif qui présente les travaux de jeunes artistes pendant les rencontres d’Arles.
Yannik Willing : « Before tomorrow »
© Yannik Willing
Dans cet ensemble documentaire basé sur des recherches rigoureuses et animé par un engagement généreux, Yannik Willing met en lumière la vie d’une région côtière au Sri Lanka, vouée au développement accéléré par un pouvoir politique séduit par la manne du tourisme mondialisé...
Yannik Willing se définit comme photographe documentaire. Dans une époque marquée par des mutations profondes de la production et la diffusion des images documentaires, il fait face à des défis conséquents. Lucide et déterminé,
il a déjà défini clairement une méthodologie pour son travail et pensé la façon dont il souhaite le publier.
Ses reportages au long cours sont auto-financés, afin de se prémunir contre toute pression et d’évacuer tout contenu idéologique étranger à sa propre démarche. Ils sont destinés à être publiés de façon également indépendante, et exposés dans des contextes assurant un respect de leur intégrité.
Conscient de la nécessité d’affirmer un point de vue d’auteur pour combler le vide de la prétendue objectivité documentaire, Yannik Willing revendique une interprétation personnelle de ses sujets et souhaite susciter une prise de conscience chez son audience. En cela,
il se situe dans la continuité d’une génération de photographes qui a ouvert un passage entre les supports traditionnels de la photographie documentaire (presse magazine, édition) et le monde l’art, qui leur a témoigné une attitude ambigüe. Cette ambiguïté s’explique par la renégociation des conventions sur la définition de l’art qu’appelle ce transfuge. Des auteurs comme Luc Delahaye, Guillaume Herbaut ou Simon Norfolk ont été les précurseurs de ce mouvement au tournant des années 2000. Arrivant dans un contexte donnant raison rétrospectivement à ces aînés, Yannik Willing affirme d’emblée vouloir conjuguer les aspects documentaire et artistiques dans son travail.
Mention spéciale — Yannik Willing Before tomorrow ~
De fait, la précision de sa démarche et l’importance qu’il lui assigne dans son travail le rattachent à des pratiques conceptuelles.
Le contenu de cette enquête basée sur trois séjours de plusieurs mois au Sri Lanka a fait l’objet d’une publication indépendante en 2012 avant d’être présenté pour la première fois sous la forme d’une exposition dans le cadre de Photo Levallois 2012.
Yannik Willing est né en 1986. Basé à Dortmund en Allemagne, il a participé à des expositions dans plusieurs pays européens.