
Les photographies de Mustapha Azeroual installent le regard dans une sorte de lenteur. Les gommes bichromatées, pour lesquelles chaque étape du processus de fabrication donne lieu à des interventions particulières, sont autant d’interprétations singulières autour du motif de l’arbre.La possibilité du multiple ne tient plus à la reproductibilité mécanique de l’image parce que le nombre de paramètres et les matériaux utilisés en rendent impossible la stricte duplication. La gélatine appliquée sur le papier vierge, le dosage du mélange de gomme arabique, de bichromate de potassium et de pigments, le geste du pinceau qui étale ce mélange et encore le temps d’insolation, en ajoutant le nombre de strates successives nécessaires à faire exister l’image sont autant d’étapes qui ne sont pas mécanisées, qui relèvent des choix du photographe et de l’assurance de ses gestes. Les outils empruntent ici à ceux du peintre lestant l’image de matière, l’amenant peu à peu à l’existence par ajouts. La sensibilité de l’œil est affectée par le rendu de la matière, par les pigments, par la texture du papier qui confèrent à l’image une densité et une présence particulière. Une présence en même temps qu’un retrait. Cela se traduit par une certaine distance entre l’image perçue et le référent photographique, l’arbre réel dont elle est l’émanation, puisqu’entre les deux s’est logé tout le travail artistique de la gomme. Avec ce motif de l’arbre qui ne peut être saisi en dehors de l’espace de l’image. Aucun présent n’a été celui de cette image, excepté le présent depuis lequel je la regarde. Le motif est le matériau d’une photographie dont l’ambition ne se situe pas dans la ressemblance ou la dissemblance mais dans la mise en jeu, dans la mise en forme, en espace, du temps propre de sa perception. Mustapha Azeroual construit ses images photographiques comme une catégorie étrange du souvenir, une sorte de mémoire générale qui n’est celle de personne mais depuis laquelle nos vécus singuliers de spectateurs se mettent en mouvement.
Extrait du texte d’exposition «Résurgence»Ecrit par Jérôme Duvigneau.
Vernissage le 8 mai à 17h30