© Aurély Cerise
3 minutes et 53 petites secondes. A peine le temps de vous faire un oeuf à la coque (sans mouillettes). Il aura suffi d'un tout petit http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/03/10/un-reportage-de-france-2-declenche-la-colere-parmi-les-photographes_4588338_3236.html"pour mettre le feu au petit monde de la photographie.
On s'ennuyait un peu il faut dire, maintenant que cette affaire de World Press est terminée (RIP Giovanni Troilo). Changement de sujet donc. Ici la colère des photographes professionnels, notamment via l'UPP (Union des Photographes Professionnels Auteurs), est dirigée contre ce sujet vidéo subtilement intitulé : « Le filon juteux de la photographie amateur ». En gros - on vous résume -, il est dit que si ton compte Instagram a plus de 20 000 abonnés, et bien tu auras des voyages à Miami, des sacs en tissu et des paquets de pâtes gratuits. En gros. Et là, vous avez tout de suite envie de vous créer un compte parce que vous avez déjà zappé les mouillettes, faudrait pas non plus se sacrifier sur les spaghettis bolo. En gros, si t'as pas d'Instagram à moins de 30 ans, t'as un peu raté ta vie #seguela #nofilter.Bref. On rigole mais le sujet est un peu sérieux et France 2 ne se la ramène d'ailleurs pas trop. Tellement pas que la chaîne (du service public) n'a même pas répondu au courrier de protestation envoyé par l'UPP. « Le silence de France 2 est un mépris envers les photographes », s'indigne-t-elle sur son site. Parce que ce qui dérange foncièrement l'association, c'est la question d'un travail à fins commerciales, non rémunéré et donc dissimulé. Et à qui profite le crime ? Aux grosses entreprises pardi ! Celles qui font appel à ces photographes amateurs. Instagram is money. Les marques l'ont bien compris. Quoi de plus efficace que ces influenceurs bénévoles pour faire passer leurs messages publicitaires ? Cités dans le reportage, Arnaud Brecht et ses fameux petits jouets jaunes, Aurély Cerise et ses compositions pop acidulées ou encore Qorz et ses 185 000 followers, ont été repérés, utilisés, récompensés. Pas question de rémunération ici. Ce serait vulgaire. Au vu de la situation catastrophique de la photographie professionnelle, prisonnière d'un libre marché ultra saturé où les prix sont de plus en plus bas, le message passe difficilement. On comprend.
© Aurély Cerise
Bon, après on a dit « démocratisation », on s'est peut-être un peu emballé. On pensait effectivement à la mise à disposition du plus grand nombre d'un outil photographique jusque-là réservé à une élite. On n'a pas dit que tout le monde était photographe ! On vous donne des tubes de gouache demain, vous n'allez pas me peindre les tournesols de Van Gogh après-demain. On n'a pas dit non plus qu'on était d'accord avec ces géants de l'électronique qui nous font croire le contraire. A plus de 700 euros l'Iphone 6 ou le futur Samsung Galaxy S6, on n'est pas bien certain de la portée démocratique du projet. Et si on se (re)mettait à la gouache finalement ?
Emilie Lemoine